François de Sales a voulu écrire un livre accessible à un large public et susceptible de lui rendre les plus grands services. Agir de la sorte, c'était courir le risque d'user d'un langage non dépourvu d'ambiguïté. Mais l'ambiguïté est pareillement consubstantielle au texte des Écritures. Or, c'est à la Parole de Dieu que François de Sales demande de garantir son souci d'orthodoxie dans un ouvrage qui, comme la Bible, est indissociablement théologie et mystique. Pareille perspective suppose bien sûr qu'une notion spécifique de la mystique sous-tende le texte salésien. La dimension expérimentale y est présente au discours en même temps que l'ascension de l'âme vers Dieu se fait toujours au travers des Écritures. L'ecclésiologie n'y est jamais absente car c'est en elle que trouve son cadre l'expérience individuelle. C'est donc - et c'est l'apport essentiel de l'A. - une nouvelle mystique que met en place l'Évêque de Genève, à la fois scripturaire et théologique.
L'originalité du projet salésien consiste donc à refuser la dissociation entre un discours théorique, qui serait celui de la théologie, et un discours pratique, qui serait celui de la mystique. Il est incontestable qu'il s'agit bien là d'une nouvelle compréhension de la théologie mystique. Elle implique évidemment une anthropologie, que la deuxième partie de l'ouvrage développe dans toute son ampleur. Avec François de Sales nous nous trouvons devant un mode de rapport de l'homme à Dieu qui s'établit par le coeur, et ne se définit plus comme le lieu de l'au-delà de tout concept. Pour en parler, aucun langage ne peut mieux convenir que celui de l'Écriture, à la fois polysémique et imagé. À la lecture de cette remarquable étude nous nous demandons toutefois si la «nouveauté» salésienne n'est pas en partie redevable à la vision spirituelle de saint Ignace de Loyola. - H. Jacobs sj