L'histoire des Passionistes comportera six tomes dont trois ont
paru, deux en 1981 et le troisième en 1999. Le maître d'oeuvre de
cet ouvrage monumental, F. Giorgini, a rédigé le premier et le
troisième tomes, alors que les tomes II/1 & 2 auraient dû être
l'oeuvre du P. Naselli, décédé après l'achèvement du II/1. Dans le
premier volume, Giorgini s'est surtout proposé de fournir une bonne
introduction au charisme de la congrégation et à son action pour
révéler l'amour de Dieu présent dans la Passion du Christ. En 100
pages, il raconte la vie de son fondateur, Paul Danei, qui
deviendra Paul de la Croix (1694-1775), né près de Gênes dans une
famille modeste. En 1713 et 1720, Paul fait deux expériences de
Dieu qui le transforment et lui donnent le désir d'imiter la vie
pauvre et souffrante du Christ avec un habit comportant l'image du
coeur de Jésus surmonté d'une croix, ainsi que le désir de grouper
des amis pour l'aider dans cette tâche. Approuvé par son évêque, il
vit d'abord en ermite et trace les grandes lignes d'une Règle. Des
compagnons arrivent peu à peu, dont trois de ses frères. En 1741,
le Pape approuve la Règle. Paul fonde des maisons dans les États
Pontificaux où les franciscains et les capucins l'attaquent pour
transgression des lois ecclésiastiques sur les ordres mendiants,
mais le Pape lui donne raison. Élu supérieur, il continue à fonder
des maisons, organise la formation des novices, l'apostolat par les
retraites et les missions populaires. Il veut une vie pauvre pour
partager la situation des pauvres de son temps et il meurt en 1775
en laissant 175 profès, Pères et Frères. Giorgini s'étend alors sur
la formation des Passionistes, sur leur spiritualité, leur type
d'apostolat, le gouvernement et les Règles de leur congrégation.
Dans le T. II, La Succession (1775- 1796), on voit finir l'Ancien
Régime et arriver la Révolution française en Italie. Les deux
supérieurs généraux de cette période, dont le premier fut réélu
après le second, étaient encore des compagnons du fondateur,
imprégnés de son esprit. Le P. Naselli étudie la personnalité et
l'activité des deux hommes et leur souci d'assurer la continuité et
la vitalité du charisme initial, mais en prônant un trop grand
fixisme institutionnel et le refus d'une culture ouverte.
L'expansion continue, mais toujours dans les États Pontificaux. On
divise la congrégation en Provinces et il faut organiser les
relations avec les évêques et les communautés locales car les
frictions ne manquent pas. Une mission temporaire est envoyée en
Bulgarie et on travaille à magnifier le fondateur. En 1796 on
dénombrait 208 profès. Le troisième tome va de 1796 à 1839, période
exceptionnellement troublée, avec Suppression, Restauration,
Expansion. La Révolution française secoue l'Europe et les États du
Pape, lequel est arrêté et déporté par Napoléon qui, en 1809,
supprime tous les ordres religieux, absorbe les États Pontificaux,
disperse ou emprisonne les Passionistes. En 1814, le Pape rétablit
la congrégation, mais 29 religieux préfèrent ne pas y rentrer, ce
qui n'était pas un nombre excessif. Les tensions sont cependant
fortes dans les communautés et, entre 1810 et 1815, 65 religieux
d'une moyenne d'âge de 35 ans furent renvoyés, qui auraient voulu
assouplir la Règle en fonction de la mentalité nouvelle. Il faut
toutefois reconnaître que les Supérieurs Généraux de cette période
veillèrent à créer de solides convictions chez les Passionistes et
une culture suffisante pour affronter le nouveau monde issu de la
Révolution. Les religieux commencent à être appelés hors des terres
pontificales. En 1771, Paul de la Croix et Mère Marie de Jésus
avaient fondé la branche féminine de la congrégation, mais elle
restera peu nombreuse: une maison avec 27 religieuses en 1810 et
peu de vocations ensuite. Ces religieuses pratiquaient l'oraison
contemplative, le recueillement continuel et l'esprit de réparation
avec le Christ dans sa Passion, selon la spiritualité passioniste.
On ne peut qu'admirer l'effort considérable de ces deux historiens
qui écrivent pour la première fois une histoire globale de leur
congrégation malgré bien des lacunes dans les sources. - B. Clarot,
S.J.