Le titre au pluriel annonce la complexité de la Réforme protestante
et centre l'attention sur quelques problèmes principaux. Professeur
de théologie et engagé à plusieurs titres dans le dialogue
oecuménique, A. Maffeis nous fait partager quelques-unes de ses
découvertes. La Réforme protestante a évolué et de même les
jugements historiques des faits. Les protestants ont d'abord exalté
la personnalité de Luther qui aurait suivi sa conscience et libéré
la foi. La philosophie allemande du XIXe s. a marché dans ce sens,
de même que différents courants religieux assez opposés:
illuminisme, piétisme, théologies conservatrice, libérale et
dialectique. Après la publication des oeuvres complètes de Luther à
partir de 1826, on a tenté de reconstruire l'histoire de la
Réforme. Ranke a découvert ses liens avec les renouveaux religieux
des XVe et XVIe siècles. Pour Ritschl, Luther a surtout affirmé la
liberté humaine face aux lois naturelles et historiques. Harnack,
lui, a bien placé la justification au centre de sa théologie et de
sa relation à Dieu. En 1883, on publie enfin les cours de Luther de
1513-1515, avant la Réforme. Holl montre que la prise de conscience
du devoir moral et de son impuissance à le réaliser se trouve à la
base de l'expérience religieuse de Luther. K. Barth préfère partir
des oeuvres de la maturité, après 1530, et critique la
justification selon Luther, puis part d'une christologie comprise à
la lumière de la prédestination. Gogarten voit la sécularisation
comme un fruit de la conception luthérienne de la liberté humaine
dans le monde. Au XXe s. on situe l'originalité de Luther dans sa
compréhension de la justice divine par la foi, selon Paul, puis on
a été attentif à une longue évolution de la pensée chez Luther. La
compréhension de Calvin a suivi un cours assez parallèle: on a
d'abord vu en lui un bon disciple de Luther, puis on a constaté
leurs désaccords sur les thèmes essentiels. Pour Bauke, le centre
du calvinisme serait une capacité magistrale à organiser
logiquement des contenus théologiques même opposés. D'autres
préfèrent placer l'originalité de Calvin dans sa conception de
Dieu, ou dans la gloire de Dieu à la base de toute sa théologie, ou
encore dans la médiation du Christ. En résumé, les théologiens
protestants sont passés de la polémique à des interprétations plus
historiques.
Les théologiens catholiques ont opéré un même type de virage.
Par-delà ses outrances, Denifle, op, a bien souligné les racines
médiévales de Luther; Lortz reconnaît la profonde inspiration
religieuse de Luther qui redécouvre dans l'Écriture la
justification par le Christ et non par les oeuvres; mais il signale
aussi ses points faibles: subjectivisme et interprétation partielle
unilatérale de l'Écriture. Pesch estime que catholiques et
protestants doivent revoir l'évolution de leurs Églises depuis le
XVIe s., les changements de positions, les propositions devenues
acceptables, telle le «simul iustus et peccator», et ne pas se
braquer sur le sens matériel des mots. La pensée de Luther est
existentielle et non pas d'abord logique.
Enfin, par quels processus la pensée réformée a-t-elle conquis les
foules? Les avis divergent: la pensée de Luther aurait été
l'étincelle qui aurait fait exploser l'anticléricalisme latent en
Allemagne; ou la divulgation de sa pensée par la presse, ou la
spiritualité de Luther qui marqua la vie concrète des gens.
Curieusement, ce serait le concile de Trente qui aurait amené les
luthériens à formuler une pensée commune condensée dans la
«Confession d'Augsbourg».
Maffeis s'intéresse principalement à quatre sujets doctrinaux: la
christologie, la sotériologie, l'ecclésiologie et la doctrine des
sacrements, avec la justification comme point central. Ce résumé
squelettique donne une petite idée du volume.Livre éclairant, très
riche, à recommander à ceux qui s'intéressent au protestantisme et
à l'oecuménisme. - B. Clarot sj