Dans la rencontre et le dialogue avec d'autres croyants, la foi
trinitaire des chrétiens n'est-elle qu'un «problème» ou peut-elle
aussi être considérée comme une «ressource»? Plus précisément, quel
est le contexte et quel est le langage qui permettraient aux
chrétiens de partager leur compréhension du Dieu Trinité de manière
intelligible et créative? Réécriture d'une dissertation doctorale
présentée à Durham, l'ouvrage commence par dégager six «paramètres»
ou traits caractéristiques de la conception trinitaire chrétienne:
pluriel (ou différencié), personnel, trine, égal (refus du
subordinationisme), nécessaire (appartenant à l'être même de Dieu),
«immanent» (et pas simplement «économique»). A chaque étape de
l'étude, ces paramètres serviront de repères et de critères pour
situer et vérifier la progression de l'enquête historique et de la
réflexion théologique. Ils sont tout d'abord mis à l'épreuve à
l'occasion d'un bref examen des positions trinitaires de Tillich et
de Panikkar (chap. 1). Au-delà de la pensée trinitaire
spécifiquement chrétienne, cependant, ces paramètres peuvent
utilement caractériser d'autres manières d'appréhender ce que l'A.
propose d'appeler la plénitude divine. Les chapitres 2 et 3, au
centre de l'ouvrage, examinent plus à loisir deux moments du
dialogue interreligieux autour du thème trinitaire. Les dimensions
d'unité et de pluralité de la plénitude divine sont envisagées
d'abord dans le cadre de la rencontre entre philosophie grecque ou
hellénistique et christianisme patristique: l'attention se centre
surtout sur Plotin et Origène, puis sur les conciles de Nicée (325)
et de Constantinople I (381), avant de se tourner vers Grégoire de
Nazianze et Augustin, figures emblématiques de la théologie
d'Orient et d'Occident. L'autre grand moment - certes moins fécond
- est celui de la controverse entre le monothéisme islamique et la
pensée chrétienne médiévale, qu'elle soit proche-orientale (Jean
Damascène, Paul d'Antioche), latine (Thomas d'Aquin) ou byzantine
(Palamas): la Parole de Dieu (le Christ Verbe ou le Coran) et les
attributs divins sont ici au centre des débats.
Dans le dernier chapitre, l'A. peut alors développer sa propre
réflexion et formuler des suggestions à propos de la dimension
trinitaire de la plénitude divine, non seulement comme thème ou
comme contenu pris en considération dans le débat interreligieux
(notamment avec l'islam et avec l'hindouisme), mais aussi et plus
encore comme située au fondement de ce dialogue et lui conférant sa
dynamique. L'objectif n'est évidemment pas de dégager un accord
unanime entre, par exemple, chrétiens, hindous et musulmans: la
Trinité restera toujours, entre eux, un «problème». Il s'agit
plutôt de reconnaître dans la tension entre unité et pluralité au
sein de la plénitude divine, telle que cette tension s'exprime dans
les différentes traditions, des ressources qui permettraient à
chacune d'enrichir et d'approfondir sa foi et sa réflexion
propres.
Que ce soit dans les vastes enquêtes d'histoire doctrinale ou dans
les réflexions qu'il propose pour aujourd'hui, l'A. excelle à
dégager les enjeux essentiels avec clarté et brièveté. - Je ne suis
pas sûr que soit fondé le reproche de réductionnisme sociologique
qui est fait à Dumézil (349-351), mais cette question latérale
n'invalide pas l'argumentation centrale de l'ouvrage. - J. Scheuer,
S.J.