Plantée au coeur de la foi chrétienne, la croix a de tous temps
suscité l'indignation. Ce n'est d'ailleurs qu'après un retournement
total que l'apôtre Paul lui-même en est venu à considérer le
langage de la croix non plus comme scandale mais bien
comme virtus Dei. Dans l'histoire, la portée
salvifique de la croix a souvent été pensée en termes de
substitution, ce qui, pour Raphael Maercker, est aujourd'hui tout
simplement incompréhensible. Dans le but d'élaborer une théologie
de la croix qui soit à la fois conforme à l'Évangile et pertinente
pour notre temps, ce dernier entre alors en dialogue avec Albert
Camus en qui il voit - avec raison - un partenaire de
discussion certes exigeant mais idéal pour élaborer une théologie
de la croix qui ne fasse fi ni du scandale persistant de la croix
ni de l'annonce chrétienne de la croix comme puissance de Dieu.
Après une brève introd. évoquant le scandale de la croix, ce livre
comprend 3 parties principales. L'A. s'arrête d'abord sur
quelques aspects de la biographie de Camus, dont il évoque
notamment la jeunesse à partir de son autobiographie
romancée Le premier homme, ainsi que le travail de
diplôme d'études supérieures Métaphysique chrétienne et
néoplatonisme qui lui a permis d'entrer en contact avec
la pensée d'Augustin. Maercker aborde ensuite, en les présentant
puis en les discutant, les deux essais philosophiques majeurs de
Camus que sont Le mythe de
Sisyphe et L'homme révolté. Dans une partie
plus théologique, il confronte enfin la pensée de Camus à celles de
théologiens comme Hans Kessler, Gisbert Greshake, Jan-Heiner Tück,
Hansjürgen Verweyen et Karl-Heinz Menke sur des points aussi
importants que le rapport entre Dieu et la souffrance,
l'articulation entre grâce et liberté, la portée du cri d'abandon,
etc. Le tout donne un petit livre stimulant, qui donne à penser,
qui mériterait certes de plus amples développements et qu'il
vaudrait sans doute la peine de discuter sous bien des aspects. -
J.-Y. Nollet