La pensée philosophique et théologique de David L. Schindler n'est
sans doute guère connue de nos lecteurs. Pour y introduire, j'ai
choisi de traduire ce texte des pages 292 et 293 qui peut nous la
présenter: «La critique faite par David L. Schindler de la culture
américaine, du néoconservatisme catholique et du libéralisme a subi
ailleurs un profond examen. Tel a été clairement l'un des thèmes
principaux de sa vie et de son travail…» «Schindler ne s'oppose pas
à la démocratie ni même au « capitalisme », mais il
relève une déformation radicale dans la logique du capitalisme
démocratique dans la civilisation occidentale (et en particulier
américaine), due à son engagement prioritaire en faveur d'une
notion fausse de la liberté. Il en retrace historiquement l'origine
dans une rupture de la relation entre nature et grâce au temps de
la Réforme et de la Contre-Réforme. Partant de l'analyse d'H. de
Lubac, il montre qu'aussi bien les Réformés que, jusqu'à un certain
point, la tradition intellectuelle catholique (d'Ockham à John
Courtney Murray à travers Suarez) ont oublié ou se sont mal
représenté le « désir naturel de Dieu » reconnu par les
Pères jusqu'à S. Thomas. La nature (en l'homme) ne peut réaliser
son propre accomplissement qu'en vertu d'une grâce à laquelle elle
n'a pas de « droit » naturel. Ce paradoxe est une
expression de la théologie et de l'ontologie que nous avons
dessinée plus haut. L'être créé se reçoit comme un don. Il est
« de, dans et pour » et, comme tel, sa fin ne s'accomplit
qu'en sortant de soi vers un autre en Dieu. Si notre nature est
d'abord don, nous nous exprimons le plus authentiquement en donnant
plutôt qu'en prenant et le choix humain fondamental n'est pas
que pensons-nous, mais à qui donnons-nous? La
vraie liberté de l'homme n'est pas « créatrice », au sens
où elle s'origine avec nous (en prenant), mais
« réceptive » et dès lors intérieurement en relation aux
autres et à Dieu. Mais la théorie économique et politique courante
se fonde sur la théorie opposée». - S. Decloux sj