Le lecteur risque d'être quelque peu déconcerté par la facture de
l'ouvrage. De prime abord, on croirait presque à un roman
historique. Il n'en est rien. Le principal fil conducteur retenu
par l'A. est la vie de Gustav von Blome (1829-1906), nourrie
de ses archives personnelles. Ce petit-fils naturel de Metternich
devint un fervent partisan de ses principes politiques, qu'il
espéra, parfois contre toute espérance, être d'application presque
pour l'éternité. En y ajoutant aussi l'exploration de papiers
privés d'autres personnalités du temps qui, à leur manière,
partageaient les idées conservatrices d'un Blome, l'A. livre un
tableau d'un bon siècle d'histoire européenne au lendemain du
Congrès de Vienne. Les bouleversements furent nombreux, tant en
politique internationale que dans les diverses nations, de même
qu'en matière religieuse, tous ces domaines se croisant
régulièrement, et pas toujours de manière harmonieuse. Il suffit de
penser au long pontificat de Pie ix marqué par
Vatican i en même temps que par la perte des États
pontificaux, ce qui parut alors à certains comme un séisme sans
rémission, ou encore la question sociale consécutive à la rapide
industrialisation du monde. Inutile d'insister :
ce xixe s. fut pour le moins agité. Mais là
n'est peut-être pas le plus intéressant, mais bien dans les
contrastes que l'A. met en évidence. Blome fut un conservateur,
digne héritier des principes les plus absolus de l'Ancien Régime,
fervent admirateur de l'Autriche « catholique » qu'il
servit de nombreuses années comme diplomate, défenseur déterminé de
la royauté temporelle de la papauté, mais, en même temps, et ce à
la différence de bien des catholiques libéraux, il fut
particulièrement sensible à la condition ouvrière et se montra un
partisan résolu de changements structurels profonds, ne se
contentant pas de prôner la seule charité. Comme quoi, les
personnes, et donc l'histoire des hommes, sont toujours plus
complexes que ce que l'on est souvent porté à croire spontanément.
- B.J.