OEuvre considérée par beaucoup de critiques comme une production
authentique de Shankara, le grand penseur hindou de la non-dualité
(advaita vedânta), les «Mille enseignements [sur la
signification essentielle de toutes les Upanishads]» comprennent
des passages en vers et d'autres en prose. Dans ce recueil
d'apparence composite, Locklin propose de reconnaître une série
d'esquisses ou de schémas destinés à l'enseignement. Il souligne
surtout que par-delà l'argumentation philosophique et les
commentaires sur des versets de l'Écriture, il s'agit de lire ces
pages comme un guide spirituel, un outil destiné à une pratique de
transformation intérieure et de libération: c'est ce qui lui
suggère de voir la mise en oeuvre de ce texte comme une «liturgie».
Un certain nombre de passages choisis reçoivent d'abord une
interprétation qui en dégage le sens doctrinal et spirituel dans le
cadre de la tradition hindoue. Ces textes font ensuite l'objet
d'une lecture ou d'une reprise chrétienne qui les met en regard de
passages des lettres de S. Paul puis de Pères de l'Église ainsi que
de théologiens et d'auteurs spirituels: Irénée, Augustin, Pierre
Lombard, J.-B. Metz…
Tout au long du parcours, l'A. se montre très attentif à la manière
dont ces enseignements se transmettent au sein de la tradition
hindoue ainsi qu'aux questions soulevées par l'intervention d'un
lecteur chrétien. Son propos n'est pas d'imposer au texte une
interprétation étrangère ni de démontrer une harmonie doctrinale au
risque de méconnaître les différences de fond. Mais il lui tient à
coeur de manifester la fécondité, pour la réflexion théologique et
pour le cheminement spirituel, de cette méthode de lecture en
regard ou encore de «conversation». Un chapitre de conclusion
s'interroge avec prudence sur la relation entre le «Soi»
(âtman) de Shankara et le Dieu de la foi chrétienne. - J.
Scheuer sj