Juif de nom arabe et de confession catholique, l'A. est professeur
de philosophie et de littérature: il cite avec bonheur Kafka et
Kierkegaard, Bernanos et Bloy… Dans Réussir sa mort, avec une
insistance sur l'adjectif possessif (distinguons le décès et le
mourir!), il renoue avec un exercice ancien, dans lequel ont
excellé Érasme et Bossuet: la préparation à la mort. C'est un
plaidoyer pour le martyre à la portée de tous, qui est le titre du
dernier chapitre: ce n'est qu'en donnant sa vie qu'on ne la perd
pas… les gens crèvent de n'avoir plus rien pour quoi mourir.
L'accueil de la mort engendre une culture de la vie: on ne peut pas
réussir sa vie sans réussir sa mort. Dans ce livre brillant, où
foisonnent les paradoxes et où l'humour n'est jamais absent (Le
plus sûr moyen de faire que votre vie dure indéfiniment, c'est de
vous ennuyer… On ne guérit jamais que pour mourir plus tard), l'A.
traite, comme à bâtons rompus (on peut lire son texte ad aperturam
libri) de suicide, d'euthanasie, d'avortement… Il accumule les
formules heureuses: La vraie joie vient toujours nous surprendre:
notre oeuvre n'est pas de la produire, mais de nous y disposer… La
vraie santé est d'être bien portant au sens où l'on porte bien sa
croix… À la fin de notre vie, c'est l'enfant que nous avons été qui
nous jugera et qui nous demandera: qu'as-tu fait de mes espérances?
En fin de parcours, une «session de rattrapage» à l'école du Bon
Larron: il n'est jamais trop tard pour accueillir librement le don
gratuit de l'amour de Dieu. Et l'A. ne peut s'empêcher d'ajouter
une gaminerie: chez les décapités, le cerveau fonctionne encore une
minute et demie. Un régal. - P. Detienne sj