Christianisme et Philosophie chez Aimé Forest
Michel Mahé
La pensée d'A.F. est restée fort méconnue. Sa volonté de se situer
dans la tradition thomiste en est sans doute la raison, ainsi que
son style méditatif, très répétitif, mais surtout sa fidélité
explicite au catholicisme. On saura gré à l'A. de présenter avec
courage une oeuvre pourtant attachante, suggestive pour quiconque
espère trouver dans la philosophie une voie vers la sagesse. Le
livre progresse en trois étapes. La première, intitulée «Une
Ontologie réaliste», situe le projet de Forest dans son contexte
philosophique: d'une part les disputes entre l'idéalisme et le
réalisme, et d'autre part le renouveau des études thomistes. La
seconde étape expose les traits les plus propres de la méthode de
Forest, qui déploie son réalisme grâce à la «réflexion» qui, loin
d'enfermer l'esprit en un projet ou une immanence idéaliste, sait
reconnaître à son horizon une donation originaire. La méthode
philosophique est intérieure au «consentement à l'être»; elle
résulte d'un recueillement attentif à l'unité de ce qui est,
recueillement qui réveille en même temps l'esprit au mystère de sa
propre unité. La troisième étape traite des caractères proprement
chrétiens de la pensée de Forest. L'A. les articule sur la mystique
chrétienne la plus authentique. Il montre d'une part comment pensée
et mystique se distinguent comme naturel et surnaturel, mais
d'autre part que la pensée se laisse nourrir par l'origine
transcendante de la mystique; la «métaphysique est effectivement
habitée par un élan qui dépasse la seule dialectique» (p. 396). Se
trouve ainsi achevée l'explication de la thèse que l'A. résume
ainsi: «Par (l') achèvement en Dieu de l'élan métaphysique où se
mêlent connaissance et amour, la sagesse se fait religion» (p.
316). - P. Gilbert, S.J.