Parler de Dieu aujourd'hui? Ces deux volumes recueillent la
recherche d'un philosophe proposant une nouvelle approche en ce
sens. Ne partons pas de la théorie. Toute vie est pratiquement
soutenue par une orientation vitale de base (basic life
orientation), la plupart du temps inconsciente. La religion
chrétienne n'est rien d'autre que l'une de ces orientations,
consciemment et rigoureusement justifiable. Le point de départ que
se donne l'A. est que le christianisme, loin de fuir la réalité ou
de s'évader de l'histoire, répond courageusement à la question de
nos souffrances et déceptions dans la vie (pains of life).
«Exposure, Limitation, and Need»: nous sommes livrés au monde,
limités et nécessiteux. Voilà ce que concrètement reconnaît la
religion biblique, mais elle propose d'y voir une source de
bénédictions, car la détresse jointe à l'honnêteté engendre la
liberté, la limitation jointe à l'innovation produit la créativité,
et les besoins, rencontrés les yeux, les mains et le coeur ouverts,
créent l'amitié et la communauté. En effet, notre vie n'est pas
naturelle mais historique, ainsi que l'expose longuement la
deuxième partie (ch. 5 à 9). La Bible nous convie à marcher sur les
chemins du Seigneur, là où l'on peut expérimenter, même en exil, sa
bénédiction. «Action and Language in Historical Religion»: la
troisième partie (ch. 10 à 12) cherche à nous révéler l'action de
la Providence au sein de nos propres actions - ici, l'A. aborde
très directement des questions morales difficiles comme
l'avortement et l'euthanasie. Il importe de parler de la Providence
de Dieu sur nos chemins de souffrances et de bénédictions, avant de
parler de Dieu lui-même. La question théorique de Dieu n'arrive
qu'en fin de volume (4e partie: ch. 13 à 15), lorsqu'il s'agit de
dire quelque chose sur ce mode de vie que nous inspire la Bible.
L'A. développe ici d'intéressantes réflexions sur le langage de
l'Alliance, sur les contre-performances linguistiques qui minent
toute alliance, sur les ressources de la narrativité.
L'A. s'inspire de E. Hobbs, J.C. Murray et H.R. Niebuhr. Il
confronte sans cesse le message biblique (chrétien et juif tout
ensemble) aux autres chemins de vie suggérés par les autres
religions (indo-européennes ou non). Dans ces comparaisons, il
pratique volontiers la typologie. Selon l'A., cette perspective met
au second plan et résout par avance une série de problèmes
théologiques classiques comme les rapports science et religion, foi
et critique historique, dialogue interreligieux et le spectre du
problème du mal. Car ces enjeux sont pratiques avant d'être
théoriques et la question de Dieu est une question d'action avant
d'être épistémologique.
Le style de l'A. est clair, dynamique, cordial, instruit de
convictions confessantes, mais non apologétiques à l'ancienne. - B.
Pottier, S.J.