L'A. de ce petit livre qui intéressera surtout, mais pas
uniquement, les femmes, est une théologienne, pasteure de l'église
baptiste, fervente adepte du mouvement féministe et collaboratrice
à la revue Concilium, enseignante dans le domaine de l'oecuménisme,
auteure de plusieurs essais comme Du silence à la parole, Théologie
féministe, Pourquoi la femme pasteure? (éd. Claudiana). Elle publie
cette monographie dans la collection dirigée par G. Canobbio qui
donne place aux théologies critiques du XXe siècle; elle s'attache
à nous présenter la célèbre théologienne féministe allemande
émigrée aux Etats-Unis, dont elle est l'inconditionnelle
admiratrice. Une brève introduction retrace le parcours d'Élisabeth
Schüssler Fiorenza depuis sa thèse de licence en théologie
pastorale à Würzburg sous la guidance de R. Schnackenburg et J.
Gnilka jusqu'à son enseignement à Notre Dame et à la Harvard
Divinity School et son extraordinaire fécondité littéraire, en
passant par son manifeste traduit dans plusieurs langues intitulé
En mémoire d'elle (Cerf, 1986; cf. NRT 108 [1986] 759; 115 [1993]
742). Ensuite, elle montre les enjeux de la théologie féministe
dans la ligne de la libération: changer les stéréotypes oppressifs
du féminin transmis par l'Église, dénommée kiriérachie, importance
d'une relecture biblique du point de vue féminin, travail à une
restructuration socio-culturelle à partir de la révélation de Dieu
comme homme-femme, mise en évidence du «genre», qui n'est pas le
«sexe», basée sur une herméneutique de l'expérience, instauration
d'une Église des femmes. S'adossant à la figure de la Sagesse,
E.S.F. revisite la christologie et la mariologie en privilégiant la
notion de Royauté de Dieu (Basileia), féminine elle aussi. Parlant
de l'égalité des sexes, elle développe l'idée que les fonctions
dans l'Église doivent être fondées sur les grâces reçues de
l'Esprit plutôt que sur le sexe, et elle passe ainsi à la question
de l'accès des femmes aux ministères ordonnés, en soulignant que
Jésus n'exclut personne. Finalement elle fait appel à l'Église pour
qu'elle donne une voix à l'expérience féminine dans la réflexion
théologique.
L'A. laisse alors la parole à E.S.F. elle-même en traduisant en
italien une intervention faite à Nimègue, intitulée D** aux
nombreux noms. Sans nom propre et sans lieu propre. Elle cherche à
parler de Dieu en théa/théologie dans le cadre d'une analyse
rhétorique et plaide pour un discours «inclusif» puisque le langage
humain est inadéquat pour parler de Dieu; elle préconise les termes
de Divine Sagesse, de Déesse, de Shekinah ou de Trinité, plus
proches de la poésie que de l'abstraction! Elle conclut que Dieu
est une force active de bien être et de justice en nous, nous
accompagnant dans notre lutte libératrice, comme elle accompagnait
les Israélites au désert vers la liberté. Ce texte nous fait
mesurer l'ampleur de sa réflexion théologique. Une bibliographie de
près de 40 titres d'ouvrages et d'environ 120 articles manifeste le
dynamisme et la prolixité de cette théologienne militante.
Nous savons gré à l'A. de sa présentation claire, limpide, de la
théologie féministe à travers le parcours d'E.S.F. et de
l'abondante documentation qu'elle fournit aux lecteurs italophones
qui s'interrogent à ce sujet. - J. Radermakers sj