Dans la première partie, «Modernité et raison d'État (1750-1780)», s'affirme l'Europe des cultures et la montée des États-nations avec leur raison d'État opposée à la tolérance des philosophes des Lumières et à leur cosmopolitisme. On a trop responsabilisé les Lumières qui offrent un visage fort différent d'un pays à l'autre. En Europe, christianisme et nationalisme ne font généralement pas bon ménage et les «réveils religieux» témoignent d'une foi affaiblie et d'un clergé assoupi. Par contre, les Frères Moraves et leur piétisme attirent beaucoup de monde et exaltent le sentiment national surtout dans la mosaïque de populations autrichiennes. Dans la IIe partie, «La modernité, enfant des révolutions (1780-1815)», le christianisme affronte la démocratie sur fond de révolutions. Ces années-charnières font de l'Occident un laboratoire d'expériences politiques et amène la modernité à s'interroger sur l'utilité sociale de la religion. Il faudra du temps encore pour découvrir que christianisme et catholicisme ne sont pas de soi opposés à la démocratie. Au début, la Révolution française ne voulait pas la république et elle a mal évalué les conséquences de la Constitution civile du clergé qui accentuait la vieille tendance gallicane. Mais en 1792, la situation se retourne , la loi devient franchement athée, on est citoyen avant d'être chrétien et l'État prône la déchristianisation (Comité de Salut Public). La foi se politise selon que l'on se situe pour ou contre la République. Le concordat ne rebâtit pas la chrétienté, mais pose la question de la liberté du chrétien dans la société civile autrement que ne l'a fait la révolution américaine.
Dans la IIIe partie, «La modernité en procès (1815-1840)», l'Église institue le procès de la modernité et de sa culture séculière dont elle a eu tant à souffrir. L'Europe essaye diverses formules de religions naturelles, d'utopies, de projets de société. L'Église est désacralisée et la révélation est soumise au contrôle de la raison pour aboutir au dilemme: transcendance ou immanence? Le romantisme quant à lui cultive l'amalgame entre toutes les tendances. On passe du salut individuel à un salut plus collectif et à l'éveil des nationalités en Belgique, Irlande et Pologne. Le grand cardinal Consalvi aurait voulu faire du concordat une transaction avec la modernité et régulariser ainsi les relations entre l'Église et les États, mais dès 1825 Léon XII durcit le ton et anathématise la modernité. Cette époque est profondément désorientée et angoissées par la crise des valeurs et l'Église, trop attachée au passé, reste en retard et le paiera cher. On ne peut s'empêcher de comparer cette période à la nôtre aux prises avec les mêmes types de problèmes.
Les événements d'Europe sont si riches et si importants qu'ils orientent pratiquement le christianisme dans le monde entier, mais il nous est impossible de parler de tous les pays dans un espace si limité. Si certains jugements du livre risquent de heurter, on aura malgré tout beaucoup à apprendre des avancées récentes de l'historiographie religieuse. - R.Nirel.