Jacques Jomier a pu parler de la «certitude psychologique du
musulman» et Farid Jabre étudier les «origines psychologiques» de
la «notion de certitude» selon Ghazali. Et selon une tradition
attribuée au prophète Mohammed, «personne n'a reçu autant de
certitude que ma communauté». Par sa construction même, la parole
coranique contribue vigoureusement à asseoir la conviction voire le
sentiment d'évidence. Les commentateurs musulmans classiques
traitent le plus souvent les versets un par un, ce qui les dissuade
d'analyser les mécanismes textuels de la certitude. Et il est vrai
que la révélation est généralement conçue comme la «descente» de
versets isolés ou plutôt de petits groupes de versets. Les
chapitres (sourates) du Coran, tels que nous pouvons les connaître
aujourd'hui, supposent cependant un certain travail
d'ordonnancement en unités de texte plus importantes. À ce
niveau-là, l'analyse structurale ou rhétorique permet de mettre au
jour les mécanismes concrets qui produisent ou du moins donnent
consistance à ce sentiment de certitude: il peut s'agir de
répétitions, de parallélismes, de changements de rythme, de
contrastes ou d'argumentations plus développées. C'est ce que les
deux auteurs, qui enseignent à Toulouse, s'attachent à démontrer
par une série d'exemples, plus d'une fois illustrés et synthétisés
dans des tableaux récapitulatifs. Bien qu'ils évitent soigneusement
de prendre position au plan proprement doctrinal, leurs analyses
amènent le lecteur, musulman ou non, à se poser des questions
essentielles à propos de la nature du texte et son interprétation.
- J. Scheuer sj