Professeur de théologie et curé de paroisse, F. Cappa revisite
l'oeuvre de Fénelon pour découvrir sa vraie pensée théologique et
la confronter à nos idées actuelles. Il y souligne la réunification
d'éléments dispersés en philosophie, spiritualité, littérature,
etc. La pensée de Fénelon a été trop négligée et la condamnation de
son quiétisme a jeté sur lui un voile de suspicion qui lui a fait
du tort et peu comprennent ce que signifiait au juste ce quiétisme.
Son livre comporte trois parties: 1/ L'âme capable de Dieu: analyse
des oeuvres théologiques de Fénelon. 2/ L'âme transformée: l'absolu
de l'expérience spirituelle. 3/ Le contexte culturel de l'époque:
Spinoza et Malebranche face à Fénelon. Le thème de l'anéantissement
du moi pour arriver à la réalisation de soi révèle un moyen de
réflexion assez nouveau en Occident. On revient au caractère
immédiat de la relation affective, particulièrement dans notre
connaissance de Dieu. On retrouve la valeur des sentiments dans la
construction de la conscience, de même que la possibilité d'un
savoir unifié respectueux de la personne et de la foi. Chez
Fénelon, l'amour pur n'exclut pas l'intelligence et l'affectivité.
L'action divine est principale, mais sans éliminer la part de
l'homme, sa responsabilité et la pratique de la charité. Le point
de départ de la foi est l'action de Dieu expérimenté dans l'écoute
de la révélation.L'affectivité est irréductible à l'intellection.
L'homme sent autrement qu'il ne sait. Fénelon assigne à la
conscience une fonction de synthèse qui est à l'origine de toute
action humaine. L'homme est 'capable' de Dieu selon la
contemplation, la compréhension et la foi. La grâce aide l'homme à
transformer l'amour-propre en amour pur sous forme d'espérance, en
passant par la conscience qui se rend compte de l'action
régénératrice de la grâce. Il existe une prédisposition ontologique
de l'âme à sa transformation/déification. C'est la vie des
mystiques dans «l'indifférence», la passivité, le renoncement à
vouloir quelque chose pour soi. Alors la volonté s'ouvre aux
infinies possibilités du Tout et accepte ce qui lui arrive en ce
monde. Fénelon voit dans l'indifférence passive la vraie condition
de notre liberté dans la relation à Dieu. C'est ici que se place le
thème quiétiste de l'amour pur, qui est destruction du sujet mais
pour le reconstruire autrement ensuite; annihilation de soi et
réalisation de soi par une décentralisation totale, pour laisser
agir Dieu en nous comme l'ont fait tous les mystiques. Face aux
faux mystiques, Fénelon soutient que la passivité n'exclut pas
toute coopération à la grâce, mais impose au contraire une activité
intense, constitutive de «l'indifférence« mystique désintéressée.
Ces quelques notes glanées dans les conclusions de Cappa, indiquent
l'aide que peut nous apporter Fénelon pour éclaircir les rapports
entre raison et foi. Livre riche et dense qui aurait eu avantage à
construire des phrases courtes et moins complexes. Ce compte rendu
est loin de rendre toute la richesse du livre, mais montre que
Fénelon gagne à être mieux connu. - B. Clarot, S.J.