Dans ce Bestiaire du pape, l'A., prof. émérite
d'histoire médiévale (Lausanne), transporte le lecteur à travers le
temps, de St Pierre à François, en compagnie d'une troupe
d'animaux, depuis l'abeille jusqu'à la vipère. L'ouvrage se compose
de trois parties. La première (« Ciel et terre : le
fondement de la souveraineté », p. 17-56) est consacrée
aux deux animaux qui furent les premiers à revêtir, pour la
papauté, une fonction symbolique : la colombe (Saint-Esprit,
paix, légitimation de l'élu) et le dragon (affirmation de la
papauté romaine dans les premiers siècles de son histoire). La
deuxième partie (« Faire vivre la souveraineté »,
p. 57-248) fait défiler, seuls ou en groupe, une bonne
vingtaine d'espèces : chevaux, ânes, mules, éléphants,
rhinocéros, chameaux, perroquets, brebis et agneaux, phénix, paons,
aigles, griffons, lions, taureaux, serpents, licornes, etc., tous
ayant peu ou prou un lien avec la papauté à différentes
époques de l'histoire. La troisième partie (« Réformer,
critiquer et saper l'autorité », p. 249-294) s'intéresse
aux « animaux qui ont donné lieu à des représentations
symboliques nourrissant polémiques, critiques et satires »
(p. 14), comme le pape-ours des prophéties d'Ascende
Calve (xive s.) ou le pape-âne des
Réformateurs. L'A., dont la culture historique ne semble pas
pouvoir être prise en défaut, conclut en insistant sur la
continuité : « La présence, dans l'histoire de la
papauté, d'animaux comme la colombe, le dragon ou le basilic (…),
traversent de fait des temps très longs, qui se calculent en
siècles, voire couvrent l'entière période historique de la papauté
romaine (…). Il s'agit d'une continuité impressionnante, qui comme
telle ne paraît être attestée pour aucune autre souveraineté du
monde occidentale » (p. 297-298). Cette continuité
montre, en tout cas, que « les animaux aussi « font
l'histoire », en particulier celle d'un pouvoir qui veut être
vraiment universel en englobant toute l'histoire et toute la
nature » (p. 298). Une manière originale et plaisante de
relire l'histoire de la papauté. - D. Luciani