Le christianisme au défi de la nature, préf. D. Bourg
Jean-Claude EslinFilosofía - reviewer : Gauthier Kirsch
L'A. s'engage alors dans une analyse dont la méthode se veut proche de celle de l'historien White, passant en revue le rapport occidental à la nature d'un point de vue historique et sociologique, afin de saisir la relation concrète entre cette nature et la civilisation chrétienne. De l'Antiquité, le christianisme retire l'opposition radicale du judaïsme au concept hellénique de monde « divin en soi », mais aussi une transcendance gnostique et platonicienne qui dévalorise le monde : une tension est posée, qui accompagnera la nouvelle religion longtemps. Pendant le Moyen Âge, la chrétienté orthodoxe se distingue de sa consoeur catholique : la première garde une conception du monde comme « lieu habité par Dieu », la seconde évolue, depuis St Augustin, vers une vision différente, manifestée dans les oppositions entre la Renaissance et la Réforme, qui préparent l'avènement de la vision scientifique du monde portée par Galilée, Descartes et Bacon. Cette vision scientifique, mécaniste et utilitariste, s'exerce aussi dans le domaine économique et façonne notre civilisation, tant en Amérique du Nord (où elle est contestée par R.W. Emerson et ses continuateurs) qu'en Europe (où Heidegger et H. Jonas critiquent ses fondements).
Le christianisme occidental paraît ne plus avoir de discours original sur cette question, assimilant sa vision à celle de la science. J.-C. Eslin présente quelques voix à contre-courant, sans cacher que le travail reste largement à faire : chercher comment une vision alternative, retrouvant un sens premier de la « terre », tant philosophique que poétique, peut venir contrebalancer la seule science et révéler le sens de la notion de création du christianisme à lui-même. - G. Kirsch