La relation entre l’islam et le christianisme, comme celle entre deux notes de musique qui lorsqu’elles sont jouées ensemble sont trop proches pour entrer en harmonie et trop lointaines pour sonner à l’unisson, résonne souvent de manière irritante. Pour « adoucir » cette irritation, certains chrétiens, dans une approche exclusiviste, séparent radicalement ces deux traditions jusqu’à en faire non seulement des concurrents mais parfois aussi des ennemis, d’autres les rapprochent pour en faire des membres d’une famille proche, d’autres encore, dont le magistère de l’Église catholique, cherchent le juste milieu.

Bien souvent, les positions chrétiennes sur l’islam en disent au moins autant sur les personnes qui les émettent que sur la tradition sur laquelle elles se positionnent. Dans cet ouvrage de synthèse, Michel Younes, professeur de théologie à l’Université Catholique de Lyon, aborde la diversité des positions chrétiennes contemporaines (principalement catholiques), sur l’islam, dans le monde méditerranéen francophone et arabophone ainsi que celles du Magistère, par le biais de huit entrées spécifiques, à savoir, les positions chrétiennes sur : l’islam dans sa globalité, le Coran, le Prophète, la foi, les rites et pratiques, l’anthropologie, la communauté et le dialogue. Il présente cette diversité de positions (qui, dit-il en les classant comme telles, maximalisent la différence avec l’islam, la minimalisent, ou cherchent une via media), dans le contexte de la diversité des positions musulmanes et des résultats de la recherche historique et philologique actuelle. En conclusion, Younès invite à une « approche interpellative » qui « cherche à sortir de la quête du commun et en même temps ne transforme pas les différences en lieu d’opposition », et à suivre l’approche de la théologie comparative. Un ouvrage bienvenu, spécialement dans le contexte français actuel, pour apporter de la clarté sur l’histoire de la position catholique sur l’islam depuis Vatican ii en région méditerranéenne, et faire le point sur le débat en cours.

On regrettera cependant de trop nombreuses coquilles, et on notera que, alors que l’approche de Dieu est triple en islam (révélation, raison et expérience), l’A. fait quasiment l’impasse sur les deux dernières et donc n’aborde pas ou guère l’expérience mystique (ni le culte des saints ou la dévotion populaire) ou esthétique. Peut-être cela est-il dû à son approche théorique ou au fait qu’il laisse volontairement de côté l’expérience de la région qui s’étend « des Balkans au Bengale », jusqu’en Asie du Sud-Est, et celle de l’Afrique sub-saharienne. — J.-M. Balhan s.j.