Ici, les commentaires des dix commandements, ou mieux des dix paroles, ne suivent pas une progression linéaire ou causale; ils passent d'un embranchement à un autre. La logique causale n'est pas tout, elle se doit d'être ouverte à une approche poétique suscitant de nouveaux effets de sens. L'A. fait bien apparaître l'unité profonde structurant les dix paroles. Il ne s'agit pas d'un pêle-mêle de prescriptions et d'interdictions. C'est un ensemble relevant d'un ordre symbolique dont les valeurs décisives s'appellent: vie, transcendance, filiation, parole, coupure, questionnement.
Se dégage ainsi de ces dix paroles une éthique du futur, une éthique de la transmission. Leur originalité n'est sans doute pas d'abord au niveau de leur contenu, mais plutôt du fait que, de génération en génération, elles ont été transmises et sont ainsi venues jusqu'à nous. Plus encore que paroles de la Loi, n'avons-nous pas à faire aux lois de la parole, celles qui permettent aux humains de se respecter, de faire communauté jusque dans leurs différences, leur altérité radicale? Tout ce qui rend possible la transmission du «je» à «autrui».
L'A. ne tient pas à nous fournir des idées en plus mais à nous donner de quoi se transformer pour accéder à un autre niveau d'être. C'est d'une nouvelle invention de soi et du monde qu'il s'agit. L'humour n'en est pas absent. N'est-ce pas lui qui peut rendre la pensée «légère», celle qui doute, qui crée du jeu, qui n'hésite pas à entrer en contradiction avec soi («à tort et à raison»). Au terme de cette lecture stimulante, comment ne pas reconnaître une dette immense à l'égard du judaïsme? - H. Thomas, O.S.B.