Si la Bhagavadgîtâ attire et séduit toujours d'innombrables
lecteurs en Inde et dans le monde, elle ne cesse pas d'intriguer et
parfois d'exaspérer philologues et historiens. Cette nouvelle étude
reprend, condense, met à jour et parfois corrige un gros volume
paru en allemand voici une douzaine d'années (Râjavidyâ. Das
königliche Wissen um Herrschaft und Verzicht, Wiesbaden,
Harrassowitz, 1996). Un premier chapitre retrace deux siècles de
publications orientalistes, partagées entre tentatives de disséquer
les couches rédactionnelles et souci de mettre en lumière l'unité
de l'oeuvre. Suit une présentation des débats sur la paix, la
guerre et les principes du dharma: ces enjeux situent la Gîtâ dans
le cadre épique du Mahâbhârata où nous la trouvons insérée. La
partie centrale, qui occupe les 2/3 de l'ouvrage, propose un
commentaire attentif des 18 chapitres de l'oeuvre. L'A. peut alors
proposer une reprise synthétique des doctrines, notamment de ce
qu'elle appelle le «monothéisme cosmologique» (J. Assmann) de la
Gîtâ. Interrogeant ensuite le dossier des données archéologiques et
épigraphiques et parcourant le développement de l'histoire des
idées, y compris les rapports controversés avec le bouddhisme, elle
propose enfin comme date de la rédaction une période qui s'étend du
2e siècle avant notre ère au 1er siècle de notre ère.
Dans un domaine où les théories les plus opposées se sont succédé,
cet ouvrage appuyé sur une large bibliographie se caractérise par
la mesure et l'équilibre de ses options. Exigeant une certaine
familiarité avec le monde de l'Inde classique, mais sans sacrifier
à des débats par trop techniques, il propose une synthèse
éclairante qui rendra grand service. - J. Scheuer sj