Il est usuel de diviser la vie de Cassiodore (v. 490 -
v. 587) à partir de sa « conversion ». En fait,
étant déjà baptisé, celle-ci a consisté en un spectaculaire
changement de vie par lequel le Senator s'est
retiré de la vie publique et politique pour se tourner vers Dieu et
notamment fonder le monastère de Vivarium. Cette
conversion est marquée par la rédaction d'un traité, le De
anima (et, plus encore, par son Expositio
psalmorum), vers 538. La réflexion sur l'âme a suscité deux
traditions différentes chez les Pères anténicéens : dans
l'Orient grec, à partir de Clément d'Alexandrie, le
créatianisme ; dans l'Occident latin, à partir du De
anima de Tertullien, le traducianisme - les deux
courants étant attentifs (sans réciproque) à la tradition
philosophique des commentaires du Péri
psuchès d'Aristote. Le traité de Cassiodore s'inscrit
dans la tradition latine et en constitue le dernier maillon avant
le renouveau carolingien qu'il a puissamment influencé. Il est donc
heureux que l'illustre coll. SC édite ce De anima. Le
médiéviste et traducteur Alain Galonnier en offre une généreuse
introd. où, après une présentation de l'A. et de son oeuvre, et
avant sa réception médiévale, il analyse avec précision le contenu,
montrant notamment comment le jeune converti, en répondant aux
questions de ses amis sur la nature et le pouvoir de l'âme, ne
sacrifie rien de sa culture profane et la croise avec
l'enseignement biblique. Loin de se limiter à la seule nature de
l'âme et de ses facultés, les 18 chap. du traité de Cassiodore
élargissent ces considérations proprement anthropologiques à
l'éthique (les vertus, la malice), à l'eschatologie et même à la
théologie (chap. 16), avant de s'achever par une longue prière
(chap. 18) qui eut un tel retentissement au Moyen Âge qu'elle
fut transmise séparément. L'élégance de la traduction est au
service de l'élévation de la pensée. - P. Ide