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Articuler l'histoire en exégèse et dogmatique. Jésus d'avant Pâques et Christ ressuscité

Jésus d’avant Pâques et Christ ressuscité

H. Mac Donald ofm
À cause de l'apport de la critique biblique moderne, les christologues ne peuvent plus faire abstraction de la vie historique de Jésus. Pour comprendre la personne et la mission du Christ, il leur faut essayer de saisir l'impression qu'a faite Jésus sur ses disciples durant son ministère et de suivre leur itinéraire jusqu'à l'émergence post-pascale de leur foi. La fusion paradoxale de l'autorité/puissance et de l'obéissance/faiblesse au cours du ministère de Jésus est « résolue » à travers leur expérience de sa mort et de sa résurrection. La foi des disciples naît quand ils voient que ce qu'ils avaient perçu précédemment comme des oppositions irréconciliables sont en réalité des dimensions complémentaires de l'amour divin révélé et communiqué en Jésus-Christ.

Il n’est pas rare que les exégètes reprochent aux théologiens de ne pas tenir suffisamment compte du fondement biblique des sujets faisant l’objet de leurs études. Depuis quarante ans environ, la plupart des théologiens essaient cependant d’intégrer dans leur travail une perspective scripturaire ; sans toujours, il est vrai, gagner l’approbation de leurs collègues exégètes. Leur tâche n’est pas facile particulièrement en christologie. Plus qu’en d’autres domaines de la théologie, la christologie a sans nul doute besoin d’une base biblique solide. L’histoire de la critique biblique moderne, de ses origines (à la fin du 18e siècle) jusqu’à nos jours, manifeste des changements d’orientation parfois radicaux. Le théologien en est bien conscient. Il sait aussi que des exégètes, acceptant les mêmes méthodologies de recherche et les mêmes critères d’historicité, ne tombent pas toujours d’accord quand ils appliquent ceux-ci à leur exégèse du (ou des) texte(s). Pour ces raisons et pour d’autres encore, un christologue ne peut, dans ses études, compter uniquement sur le travail des exégètes.

I La contribution de la critique biblique moderne à la christologie

Il n’en demeure pas moins vrai que, sans l’odyssée de la critique biblique moderne, la christologie n’aurait pas la place qu’elle occupe dans la théologie contemporaine. Même si cette odyssée a commencé d’un point de vue profondément anti-dogmatique et même si — pour un certain temps — l’exégèse elle-même s’est réfugiée dans une théologie à l’abri des avatars de la raison historique, l’étude critique de la Bible, dans son ensemble, a fourni à la christologie des éléments indispensables qui représentent des gains solides et durables.

Voici ce qui semble en être le plus significatif.

1. L’importance de l’histoire pour comprendre la personne et la mission de Jésus Christ. Par le mot « histoire », je me réfère surtout au ministère de Jésus et à la nécessité de tenir compte de la dimension « horizontale » de son existence : les rapports entre son ministère, sa mort, sa résurrection et sa vie de ressuscité dans la communauté chrétienne.

Donner à cette histoire la place qui lui est due constitue une sauvegarde contre le déisme. Dans un certain sens cela permet au drame que Jésus a lui-même vécu de nous révéler le mystère de sa personne et de sa mission. Sans quoi ce sont des présuppositions abstraites qui seraient à la base de nos notions de divinité, d’humanité, de salut, etc….

Parler d’une christologie « d’en bas » plus que de parler d’une christologie « d’en haut » n’est pas adéquat pour rendre compte de l’importance du ministère de Jésus. Un tel discours prête même à confusion. Parler au contraire des rapports entre « le vertical » et « l’horizontal » évoque des images plus conformes à la réalité en question.

2. L’aspect central de la mort et de la résurrection. Les études bibliques modernes ont démontré aux christologues à quel point la croix et la résurrection illuminent pour nous le sens de ce qui précède ces événements et de ce qui les suit (la dimension horizontale). Elles ont démontré aussi comment ces événements centraux s’avèrent essentiels si on veut saisir le mystère de la divinité et de l’humanité de Jésus (la dimension verticale). Certains partisans de « la troisième quête du Jésus de l’histoire » envisageant Jésus surtout comme un « sage errant », sous-estiment ainsi l’aspect central de la croix et de la résurrection. Le témoignage du Nouveau Testament, quant au rôle central de celles-ci, semble si massif que cette prise de position a peu de chances d’avoir une longue vie.

3. La continuité et la discontinuité (ou la similitude et la dissimilitude) entre le Jésus d’avant Pâques et le Christ d’après Pâques. Sur cette question il est vrai que la critique des temps modernes a souvent hésité, allant d’un côté ou de l’autre. Pourtant, même si la résurrection-exaltation transforme Jésus de telle sorte qu’on peut parler de son nouvel état « spirituel », le fait qu’il demeure cette même personne que celle connue et identifiée avant sa mort comme Jésus de Nazareth, a une valeur importante pour la christologie. Cela semble presque incontestable aujourd’hui.

4. L’influence de la foi qui surgit après la résurrection sur la rédaction des évangiles. Grâce aux études bibliques modernes, nous savons que le portrait évangélique du ministère de Jésus se trouve entièrement imprégné de la lumière de la foi des disciples en l’action divine qui a atteint sa consommation dans la mort et la résurrection de Jésus. La critique moderne a donc éclairé à quel point la nature même de la source principale de la connaissance du Christ — les évangiles et les autres écrits du Nouveau Testament — est inséparable de la problématique christologique elle-même. Les deux disciplines, exégèse et christologie, se partagent le même défi qui consiste dans la tentative de comprendre et d’approfondir les rôles respectifs de la foi et de l’histoire dans le projet christologique. Les études bibliques le font dans leur examen des premiers témoins du Christ dans le Nouveau Testament. La christologie le fait en essayant de démontrer la vérité et la pertinence de la personne et de la mission du Christ pour le monde contemporain.

Grâce à ces acquis fournis par la critique biblique moderne, il est possible au christologue, en ce qui concerne les premiers disciples de Jésus, de suivre l’itinéraire menant à l’émergence de la foi chrétienne — au moins d’en faire la tentative. C’est cela que je me propose de faire dans les pages qui suivent en examinant particulièrement le rapport paradoxal entre la foi et l’histoire au cours de cet itinéraire.

II Le défi fondamental

Par sa mort et sa résurrection Jésus est transformé, ses disciples aussi, quoique de manière différente. C’est pour cette raison que la mort et la résurrection sont « au centre ». Dire qu’il s’agit précisément d’une transformation du Christ et de ses disciples à ce point central de l’histoire — et non pas une création ex nihilo — c’est affirmer, comme nous l’avons vu précédemment, la continuité et la discontinuité avec ce qu’ils étaient auparavant. Jésus et les disciples ne sont donc pas transformés au point que « l’avant » ne subsiste plus chez eux de quelque manière que ce soit. Le ministère de Jésus garde ainsi une valeur en soi. L’existence même du genre particulier des évangiles montre qu’il en est ainsi. Sans quoi le ministère de Jésus n’aurait pas de raison d’être. On ne devrait donc pas seulement aller de « l’après » à « l’avant », lire le ministère de Jésus à la lumière de sa mort et de sa résurrection. On devrait pouvoir aller aussi de « l’avant » à « l’après ». Ce serait alors saisir, dans une certaine mesure, l’itinéraire des disciples à partir du ministère de Jésus, en passant par la mort et la résurrection, jusqu’à leur situation d’après Pâques. Si une telle possibilité existe, une christologie qui veut être basée sur le Jésus de l’histoire (en partie, il va sans dire) doit s’efforcer de comprendre la naissance de la foi chrétienne à la lumière de cet itinéraire des disciples.

En conséquence deux séries de questions s’imposent.

Comment d’une part expliquer l’effet que Jésus produit sur ses disciples durant son ministère au point que ceux-ci quittent tout pour le suivre jusqu’à son arrestation ? Comment — ceci est plus important encore — montrer que cet effet est suffisamment fort pour que leur foi d’après Pâques se base sur cette expérience antérieure de Jésus ? En d’autres mots, comment comprendre que leur nouvelle façon de voir Jésus n’est pas une surprise totale ou, à plus forte raison, une contradiction avec leur façon de le voir précédemment ?

D’autre part, comment expliquer que l’effet produit par Jésus sur ses disciples durant son ministère n’ait pas été assez fort pour susciter alors un acte de foi en sa personne et en sa mission équivalent à celui qu’ils feront après sa mort et sa résurrection ? On peut se demander aussi pourquoi leur foi d’avant Pâques n’est pas assez solide pour empêcher leur abandon de Jésus à l’occasion de la passion.

III La relation spéciale de l’histoire et de la foi

1 Tenir compte de la dimension verticale

Pour comprendre — du point de vue des disciples — le trajet qui va de « l’avant » du ministère de Jésus à « l’après » de sa mort et de sa résurrection — ce qu’on peut appeler la dimension « horizontale » — il faut tenir compte de la dimension « verticale ». Voici ce que nous entendons par le mot « vertical » : après sa mort et sa résurrection, Jésus se révèle aux disciples dans un nouveau rapport à Dieu. Il leur révèle aussi qu’il a accompli la mission que Dieu lui a confiée. La foi nouvelle des disciples reflète cette condition nouvelle de Jésus. Désormais, les disciples ne peuvent plus regarder leur itinéraire de « l’avant » (durant le temps du ministère de Jésus) à « l’après » (temps de la résurrection où ils se trouvent maintenant) sans tenir compte de cette révélation et de cette foi nouvelles. C’est cela la dimension verticale dont il faut tenir compte quand on essaie de comprendre leur itinéraire.

Un tel regard en arrière n’a rien d’arbitraire. Si le Jésus de « l’après » est en continuité aussi bien qu’en discontinuité avec le Jésus de « l’avant », en principe rien ne rend impossible des percées ou des aperçus de cette dimension verticale pendant le ministère de Jésus. De plus, les disciples pourraient bien percevoir avec justesse certaines expériences du temps du ministère de Jésus qu’ils étaient incapables de voir au moment de leur expérience initiale.

2 L’expérience globale de Jésus

Dans notre effort de saisir l’effet que produit Jésus sur ses disciples durant son ministère, il faut aussi tenir compte d’une expérience globale faite par le Christ. Les évangiles nous disent que Jésus choisit les Douze pour qu’ils soient avec lui. Un tel « être-avec » exige un impact dont on ne peut exclure l’aspect de visibilité et donc de connaissance. Cela signifie que les disciples ne sont pas impressionnés seulement par les paroles de Jésus, sa prédication et son enseignement dans leurs formes variées. Ils sont aussi impressionnés par ses actes, ses gestes, sa manière d’exprimer son rapport à Dieu et aux hommes, ses préférences, ses attitudes envers ses proches, etc. Quand nous entendons la question de Jésus, « qui dit-on que je suis ? », nous avons tendance à lui donner une interprétation qui est surtout fonctionnelle. Jésus, pourtant, semble vouloir aller plus loin, il désire savoir ce que les gens pensent de son identité autant que de ce qu’il pourra faire. Il y a des indications assez convaincantes dans les évangiles où nous constatons que Jésus considère comme cruciales les réactions des hommes vis-à-vis de sa personne. Jésus, il est vrai, vise à solliciter la foi de ses disciples. Rien ne nous oblige cependant à écarter de cette foi une dimension de connaissance qui aurait pour objet, non seulement sa fonction, mais également sa personne. Si nous mettons de côté ce que j’ai appelé auparavant « l’expérience du Jésus global » — alors que nous cherchons à comprendre l’impression qu’il a faite sur ses disciples — il faudrait en conclure que la suite de Jésus a été non seulement une expérience unique, mais une expérience hors de l’humain.

3 La manière de comprendre la foi

Quand nous allons de « l’avant » à « l’après », l’objet de notre démarche est de trouver les signes d’un manque de foi de la part des disciples pendant le ministère de Jésus. Cette recherche se fait dans des documents écrits avec la perspective d’une foi « complète » advenue durant la période post-pascale. Procéder ainsi constitue une partie importante de notre tentative pour saisir la genèse de la foi des disciples. Une telle tentative ne peut réussir que dans la mesure où elle a lieu avec une idée de la foi aussi large et souple que possible.

L’existence des disciples étant un « être-avec » Jésus, leur foi consiste sûrement dans la confiance, la connaissance et les sentiments. La demande que Jésus leur fait de changer de vie se trouve au cœur de leur expérience. Quand il leur lance le défi de le suivre, il fait appel à leur liberté comme à leur volonté. Il est donc improbable qu’on puisse comprendre leur foi (ou leur manque de foi) de façon linéaire. Par exemple, comme si leur foi antérieure, par sa faiblesse, les avait menés progressivement à la perte totale de cette foi au moment de la mort de Jésus. En sens inverse, comme si une foi embryonnaire suscitée par Jésus au début de son ministère était devenue progressivement forte jusqu’au moment de la consommation pascale. Nous le savons, les évangiles ne donnent aucune indication pour savoir si les choses se sont passées dans un sens ou dans un autre. Il faut plutôt envisager le fait que les disciples ont une foi partielle. Leur foi est plus ou moins solide suivant les divers moments de leur expérience du Christ et suivant les réactions que suscite Jésus dans son entourage.

Pour comprendre l’itinéraire des disciples, il est essentiel d’avoir conscience qu’ils sont juifs, membres du peuple d’Israël. Sans quoi on ne saurait percevoir l’impression que Jésus produit sur eux.

Enfin, même si la durée précise du ministère de Jésus nous est inconnue, le fait même de cette durée a une signification importante en soi. Jésus veut provoquer une foi qui soit libre. Étant donné la nature de son message autant que la condition humaine et religieuse des disciples, il est naturel qu’il faille une certaine durée. Durant ce temps il y a des hauts et des bas, des avancées et des reculs, des victoires et des défaites partielles. Les impressions que nous produisons sur les autres — si elles doivent demeurer — ne se réduisent pas à l’impact d’une seule rencontre. Jésus et ses disciples ne font certainement pas exception à la règle.

IV Vers une solution

Nous pouvons dire que les trois évangiles synoptiques nous présentent le ministère de Jésus comme entre parenthèses. Du premier côté de la parenthèse se trouvent le baptême et les tentations de Jésus, de l’autre côté il y a la mort et la résurrection. Le baptême et les tentations anticipent la mort et la résurrection. Ils en éclairent leur signification. À leur tour, la croix et la résurrection sont l’accomplissement du baptême et des tentations. Elles nous fournissent rétrospectivement la clé qui en donne le sens. Il y a plus encore. Les deux côtés de la parenthèse, chacun à leur manière, éclairent aussi le ministère de Jésus : le baptême et les tentations (en avant) et la mort et la résurrection (en arrière). S’arrêter là, pourtant, serait ne pas apprécier à sa juste valeur le but du ministère de Jésus, autant que de passer à côté de la raison d’être du genre particulier des évangiles. Le ministère de Jésus, en d’autres mots, projette sa lumière en arrière pour illuminer le baptême et les tentations. Il projette aussi (surtout) sa lumière en avant pour pénétrer le sens de ce qui est au centre du drame entier, la mort et la résurrection.

Le baptême et les tentations fusionnent d’une façon mystérieuse l’autorité et la puissance, d’une part, aussi bien que l’obéissance et l’abaissement, d’autre part. Au baptême, Jésus est le bénéficiaire d’une théophanie au cours de laquelle il reçoit le Saint-Esprit et le titre du Fils de Dieu. Or voici que dans cet événement même il descend dans le Jourdain pour vivre un baptême destiné aux pécheurs. Au désert, Jésus se soumet à sa tentation personnelle qui inclut toutes celles du monde et de son peuple. Cependant il triomphe du tentateur et du mal avec force et autorité. Il n’est pas nécessaire de démontrer comment la mort et la résurrection représentent le point culminant de cette puissance et de cet abaissement.

L’expérience que font les disciples dans leur relation à Jésus est donc foncièrement paradoxale. Jésus leur apparaît comme « autre » dans sa proximité à Dieu. L’autorité et la puissance qu’il exerce se trouvent à la base de cette impression. En même temps, les disciples ont le sentiment de sa distance d’avec Dieu, au sens de son obéissance et de son humilité radicale, aussi bien que de sa faiblesse apparente face à certaines situations. Cette impression double et énigmatique provient de ce que Jésus est, dit et fait. Les données que nous venons de mentionner — autorité et puissance / obéissance et faiblesse — ne se voient d’ailleurs pas que d’une manière verticale, c’est-à-dire dans la relation de Jésus à Dieu. Les disciples en font l’expérience aussi d’une façon horizontale dans la tension qui existe entre le présent et l’avenir — le déjà-là et le pas-encore — de sa mission. Les deux dimensions (verticale et horizontale) de cet axe ne peuvent être séparées à cause de la nature même de la prédication de Jésus (particulièrement sa prédication concernant le règne de Dieu et la paternité de Dieu). Il serait aussi impensable d’imaginer que les disciples ne vivent ce paradoxe que dans un sens et non dans l’autre.

Si l’impression que fait Jésus sur les disciples possède le caractère paradoxal que l’on vient d’évoquer, on voit à quel point ce paradoxe correspond au genre particulier des évangiles. L’expérience que font les disciples de Jésus pendant son ministère éclaire ce que les évangiles seront : un miroir de la foi « complète » en Jésus après sa résurrection, mais une foi qui doit intégrer l’obéissance et la faiblesse de sa croix dans l’autorité et la puissance de sa résurrection. Voilà pourquoi, dans le portrait rétrospectif des évangiles, l’aspect de l’humilité et de l’abaissement ne disparaissent pas, bien qu’il soit inévitablement transformé. Voilà aussi pourquoi, dans la mesure où nous ne négligeons pas de considérer avec attention l’effet produit de façon paradoxale par Jésus sur ses disciples durant son ministère, nous saisissons les deux points suivants :

  • comment leur expérience d’avant Pâques joue un rôle important dans la naissance de leur foi d’après Pâques ;

  • comment seule la foi suscitée après la mort et la résurrection rend les disciples capables de lire rétrospectivement ce qu’ils ont vécu pendant le ministère de Jésus.

Si ce que nous venons de proposer comme « solution » s’avère juste, nous sommes capables de mieux comprendre le rapport délicat entre l’histoire et la foi qui est au centre de la naissance de la foi chrétienne. En mettant l’accent sur l’impression qu’a produit Jésus sur les disciples durant son ministère, on donne la priorité à l’histoire de Jésus ou, mieux encore, à l’appel de Dieu aux disciples à travers cette histoire (donc une priorité à quelque chose d’objectif, d’extérieur aux disciples). Il n’y a point de doute que Jésus désire susciter, de la part des disciples, une foi en une nouvelle action divine qui a lieu à travers sa personne et son ministère. Néanmoins, le caractère paradoxal de ce ministère nous permet de voir comment son appel en vue de faire naître une foi nouvelle doit faire face à l’histoire des disciples en tant qu’hommes et juifs croyants de leur temps. Le ministère de Jésus ne « réussit » pas à susciter une telle foi. Mais l’expérience qu’en font les disciples ne peut être abandonnée après la mort et la résurrection de Jésus.

Les récits du tombeau vide et des apparitions de Jésus ressuscité — ainsi que la proclamation de la mort et de la résurrection — indiquent une fois de plus que l’on doit accorder la priorité à l’action du Christ dans la création de la foi. Plus exactement, on le doit à l’action de Dieu qui fait surgir la foi par ce qu’il accomplit dans le ministère, la mort et la résurrection de son Fils. L’essentiel, pourtant, c’est qu’il n’agit pas ainsi indépendamment de l’histoire du ministère et de la mort de Jésus et même, quoique dans un sens différent, de sa résurrection. Parler ainsi, c’est affirmer que Dieu a parlé par la personne et la mission de Jésus et que les disciples ont répondu par un acte de foi en cette révélation que Dieu a faite de lui-même. Quand on ajoute, cependant, qu’il parle à travers l’histoire totale de Jésus — son ministère, sa mort et sa résurrection — c’est affirmer que la foi des disciples d’après Pâques constitue également un « voir » aussi, un voir dans lequel leur connaissance et leur liberté sont engagées.

Le paradoxe dont ils ont fait l’expérience dans le ministère de Jésus est dépassé par le paradoxe de la mort et de la résurrection, mais intégré en celui-ci. La foi et le « voir » ont lieu simultanément quand, par le don de l’Esprit qui est à l’œuvre pendant tout le drame, le paradoxe est « résolu ». Les disciples voient que ce qu’ils considéraient comme faiblesse et abaissement se révèle en vérité comme la manifestation d’un amour divin assez puissant pour vaincre la mort et déboucher sur la résurrection. Étant donné que la foi des disciples naît aussi grâce à cette histoire, elle comprend également la connaissance. Cependant étant donné le caractère paradoxal, unique de cette histoire, la foi a la primauté sur la connaissance. La raison en est simple : plus les disciples connaissent le Dieu qui se révèle dans cette histoire, plus ils se rendent compte à quel point il dépasse leur connaissance. De surcroît, plus les disciples vivent la foi à laquelle ils sont appelés par cette histoire, plus ils se rendent compte à quel point ils sont loin de la vivre comme ils devraient le faire.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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