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Essai sur l'héritage de l'Europe. Une lecture théologique

Edouard Herr s.j.
Cet article s'inscrit dans le contexte de l'année 2004: l'élargissement à vingt-cinq membres de l'Union Européenne. Il s'agit de mettre en évidence l'héritage commun de ces peuples, et cela d'un point de vue théologique. Cette recherche s'avère vitale, car sans une mémoire collective commune, il n'y a pas d'unité réelle. Le fil rouge de cette mémoire, qui constitue aussi une responsabilité pour l'avenir, c'est la lutte pour la liberté et les libertés. Mais cette lutte se trouve, depuis les Temps Modernes, devant un choix crucial: soit les libertés s'engagent dans une dynamique d'alliance (notamment entre les peuples), y compris avec Dieu (c'est le principe christologique), soit elles cèdent à la pente fatale d'une lutte à mort, et ce sera l'échec.

Introduction

2004 sera une année hautement symbolique pour l’Europe. En effet, le premier mai, l’élargissement à vingt-cinq pays entrera en vigueur. Or, nous allons le montrer, cet élargissement n’est pas simplement une addition de quelques pays en plus ; il s’agit d’une ré-intégration de l’Europe Centrale sans laquelle l’Europe ne serait pas complète. Par ailleurs, cette année sera aussi décisive pour l’approbation de la « Constitution pour l’Europe » (document élaboré par la Convention, présidée par V. Giscard d’Estaing)1. Là il s’agit de ce qu’on appelle dans le jargon européen approfondissement. L’essai qui va suivre se situe dans le cadre de ces enjeux fondamentaux. Cependant notre approche n’est ni économique, ni politique, même si ces aspects sont très importants ; elle propose une lecture théologique de l’héritage commun à ces vingt-cinq pays.

Bronislaw Geremek a raison de souligner que cette future Europe a un besoin vital d’une mémoire et d’une identité communes. Cette prise de position de l’historien polonais nous permet aussi d’éclairer notre compréhension de la véritable identité européenne. À notre avis, ce n’est ni le climat, ni la race ou la langue qui unissent en premier lieu l’Europe, même si avec des exceptions bien connues, notre origine commune est indo-européenne.

Avec J.-B. Duroselle2, nous pensons que c’est l’histoire qui a fait l’Europe. Ces populations ont subi des influences, suscité des événements et partagé un certain nombre d’expériences communes qui les distinguent d’autres groupes comme la Chine par exemple.

Cette perspective est cohérente avec la thése de F. Braudel3, le grand historien français, selon qui c’est la lutte incessante pour les libertés et la liberté qui caractérise l’histoire de l’Europe. Autrement dit, l’Europe c’est une histoire des libertés, personnelles et collectives.

Il y a eu certes la phase des mégalithes, celle des Celtes, évidemment l’indépassable civilisation gréco-latine et enfin l’Empire romain jusqu’au IVe siècle ap. J.-Chr. Il va de soi que nous situons l’Europe dans ce sillage-là. C’est à partir de ce socle que nous débutons notre recherche.

I De l’Empire Romain à l’Europe

On le sait, l’Empire romain s’organisait autour de la Méditerranée, même s’il remontait jusqu’au Rhin et au Danube. Dix siècles plus tard, pour ce qu’on peut appeler la chrétienté européenne, la Méditerranée est devenue une frontière : au sud, c’est l’Islam. Mais, et c’est cela qui est significatif pour notre propos, à partir du onzième siècle, cette chrétienté inclut la Pologne, la Bohême, la Hongrie et une bonne partie des régions scandinaves (c’est le début de l’histoire de l’Europe Centrale4). Il y a donc eu extension vers le nord et surtout vers l’est. Rappelons encore qu’à la fin de l’empire romain en Occident, le christianisme comportait deux pôles : Rome et Byzance ; nous verrons ce qu’il en est advenu.

Mais comment ces changements fondamentaux se sont-ils opérés ? Pour faire bref, il y a eu d’immenses migrations de peuples, et en même temps l’extraordinaire christianisation de cette population venue de l’Est. Migrations en trois grandes étapes : les peuples des steppes (nous nous rappelons les Huns, évidemment) ; puis l’exode des Germains (Goths, Francs, Alamans, Vandales, Lombards) ; ceux-ci, laissant alors la place aux suivants, à savoir les Slaves qui provenaient de l’Ukraine actuelle.

Donc il n’y a plus d’Empire en Occident à partir de 476, et celui d’Orient, sous la pression des assauts, notamment musulmans, se rétrécit et devient de plus en plus grec (Byzance). Si on ajoute à ces formidables migrations, les assauts ravageurs des Vikings (IXe siècle) et évidemment la progression foudroyante de l’Islam jusqu’à Poitiers au VIIIe siècle, on peut parler avec Duroselle5 de l’Europe assiégée.

Certes, il y eut la réalisation extraordinaire de Charlemagne — était-il attiré par l’Empire Romain à restaurer, Byzance à concurrencer ou par une nouvelle entité à former, l’Europe ? —, couronné empereur d’Occident par le pape en 800 à Rome (geste de distance extrêmement significatif à l’égard de Byzance). Mais l’Europe reste fragile, menacée radicalement de l’extérieur par les assaillants venus de tous les horizons et sujette aux divisions internes. On a l’impression qu’elle se hérisse de forteresses avec sa « caste » de guerriers (chevaliers). C’est un monde rural encore incapable de se structurer de manière plus globale (en centres urbains).

L’Église fut très active tout au long de ces premiers siècles, notamment par l’extraordinaire présence spirituelle des monastères, qui sont aussi des centres économiques et intellectuels très dynamiques6. Sous la direction de papes comme Grégoire le Grand (590-604) et l’inspiration de la foi chrétienne, l’Église suscita l’émergence d’une nouvelle culture, originale et vigoureuse, à partir de l’héritage gréco-romain d’une part et des traditions des peuples venus de l’Est d’autre part. Il nous semble que ce métissage fondamental constitue la base de l’identité commune et de l’héritage de l’Europe. La partie orientale de l’Empire ne partagea pas du tout cette expérience des migrations et rapidement des tensions surgirent entre Rome et Constinople.

Donc notre identité n’est pas faite d’une sorte de bloc homogène, mais c’est une extraordinaire synthèse interculturelle à l’aide de la foi chrétienne.

II Première ébauche d’Europe : la chrétienté « latine romaine » entre le XIe et le XIIIe siècle7

À cette époque l’Europe se stabilise, les invasions sont stoppées. Il est très instructif de réfléchir à partir de la carte de l’évangélisation de cette époque. On constate, y compris avec l’épisode de Cyrille et Méthode, que l’évangélisation s’opère en partant de deux pôles opposés : d’une part sous l’impulsion de Rome et notamment vers l’Est par l’intermédiaire du saint Empire romain germanique (l’expression est symbolique !) et d’autre part à partir de Byzance8. Or il est significatif que les frontières de l’Europe des vingt-cinq en 2004 (Chypre et Malte relevant d’une autre histoire) coïncident largement avec les zones de contact de ces deux pôles, romain et byzantin. Autrement dit, l’Europe qui trouve une première apogée autour du XIIe siècle, c’est l’Europe évangélisée à partir de Rome, dont le latin est un véhicule essentiel mais qui ne supprime pas pour autant les langues autochtones : l’Europe s’esquisse une et diverse mais latine9. Ce n’est évidemment pas une Europe politique, mais elle est identifiée par plusieurs personnages de l’époque comme la « chrétienté sans Byzance ». Donc unité religieuse, et culturelle (à l’intérieur), mais aussi division très profonde avec le monde byzantin (schisme de 1054) que les croisades vont encore accentuer.

Suggérons par quelques traits ce que fut cette Europe qui marque encore les paysages géographiques et intellectuels d’aujourd’hui : celle des cathédrales, des riches villes d’Italie et par contraste d’ailleurs, des ordres mendiants (François d’Assise et Dominique), des universités naissantes, mais aussi du grand commerce. Celui-ci est centré certes autour de Venise et de la Méditerranée, mais, en ce qui concerne l’Europe du Nord et du Centre, il s’agit de la fameuse Hanse dont le réseau s’étend de la Norvège à la Mer Noire et de Londres (et Bruges) jusqu’à Novgorod et la Baltique. Mentionnons à ce propos que K. Polanyi,10 le grand économiste juif d’origine hongroise, émet l’hypothèse que le capitalisme est né vers cette époque à partir de ce commerce au loin. Il existe une mobilité extraordinaire dont les pèlerinages ne sont qu’une preuve parmi beaucoup d’autres et qui souligne encore l’unité de mentalité et de culture, dans la diversité des langues d’ailleurs, le latin étant le support de la vie intellectuelle. Songeons aussi à la Reconquista et aux Croisades qui indiquent que l’Europe n’est plus sur la défensive, mais au contraire s’étend de manière agressive et brutale (voir la conquête de l’Amérique du Sud plus tard). Du point de vue intellectuel, les textes des philosophes grecs sont rendus accessibles par l’intermédiaire de l’Islam. On peut parler d’une apogée.

C’était une étape dont nous vivons encore aujourd’hui. Elle est marquée par la blessure de la division avec Byzance. C’est l’Europe de la chrétienté latine romaine. Mais s’il fallait retenir ce qui marquera le plus durablement l’Europe et le monde, et ce qui est peut-être une des causes de l’émergence de l’Europe à la racine de la première culture vraiment mondiale, c’est la distinction conflictuelle, typiquement chrétienne, entre la Papauté (l’Église) et les différentes instances politiques (Empereur, Rois, etc.), entre le religieux et le politique. Il y a eu essai d’hégémonies réciproques (réforme grégorienne, querelles des investitures), mais justement jamais confusion complète, ni théoriquement, ni pratiquement. Ce fut un apport original et décisif qui permit une liberté d’esprit créative. Évidemment, cette constellation a un lien immédiat avec la foi et l’agir chrétiens et elle est symbolique pour l’ensemble de la vie sociale : il y a une distinction des pouvoirs, et la possibilité est offerte de faire la différence entre l’appartenance religieuse et l’appartenance civile et politique. Cette distinction est probablement à l’origine de l’extraordinaire créativité de l’Europe (voir l’étape suivante). Elle rejoint la réflexion de M. Gauchet quand il parle, en se basant sur la christologie chrétienne, de « religion de la sortie de la religion »11.

Si vous aviez demandé aux gens de cette époque quelle est leur identité, ils auraient répondu qu’ils sont chrétiens, mais appartenant à des régions, langues et royaumes, ainsi qu’à des groupes sociaux très différents dotés d’une culture spécifique.

Ce monde va se scléroser, subir de terribles épreuves, s’entredéchirer : Guerre de Cent Ans, Peste Noire, divisions intellectuelles très profondes (p. ex. Occam et le nominalisme). D’ailleurs son ciment religieux est atteint : il y a eu le schisme avec Byzance (1054), la période troublée d’Avignon (conflit avec les pouvoirs politiques), et à l’horizon on sent déjà poindre ce qui s’appellera la Réforme.

III La destinée particulière de l’Europe Centrale

Si on veut partager un même héritage entre les futurs Vingt-cinq, il faut vraiment qu’il soit commun. En effet, l’Europe Centrale a certes participé à l’apogée du XIIe siècle de la chrétienté latine — il suffit de se promener sur le pont de Charles IV à Prague et se rappeler la fondation des universités de Prague et de Cracovie —, mais ensuite, elle eut un sort beaucoup moins enviable que l’Europe occidentale. Rappelons d’abord que les Mongols sont venus dévaster l’ensemble de l’Europe Centrale de manière atroce : la Pologne et la Hongrie, sans parler de la Moscovie. Après la victoire de Tannenberg (1410) sur les chevaliers teutoniques, ancêtres de la Prusse, le royaume conjoint de Lituanie et de Pologne (dynastie des Jagellon) vit un temps d’apogée (siècle d’or) autour de 1500. On oublie souvent que ce royaume s’étendait de la Baltique à la Mer Noire. Avec Mathias Corvin (seul roi hongrois, mort en 1490), la Hongrie eut elle aussi sa période de gloire.

Des intellectuels de l’Université de Cracovie s’inspiraient d’une vision révolutionnaire et avant-gardiste exposée au Concile de Constance (1415, condamnation de Hus). En gros, il s’agissait de reconnaître que la non-appartenance à la religion chrétienne n’entraîne pas la perte des droits élémentaires humains : on argumentait à partir du droit naturel. Les païens doivent jouir du droit de société humaine, même dans un royaume chrétien ! En fait, la Pologne accueillait des populations très diverses : des latins, des grecs, des juifs et des musulmans. Plus tard, le théologien Vitoria (1492-1546) ira dans le même sens à propos des indiens d’Amérique. Il s’agit du même principe de distinction ancrée dans la christologie (Jésus-Christ est à la fois vrai homme et vrai Dieu) dont nous avons parlé plus haut. Mais tout cela est précaire et de courte durée, car d’une part c’est la Russie qui fait sentir sa présence, d’autre part les Ottomans, sans oublier les Suédois dans le Nord.

En anticipant quelque peu nous pouvons dire que les XVIe et XVIIe siècles restent sous la menace ottomane jusqu’à la victoire par Jan Sobieski en 1683 à Vienne. Cette victoire a bénéficié à l’ensemble de l’Europe. Et finalement au XVIIIe, les peuples et nations d’Europe Centrale font les frais des rivalités et compromis des trois grands acteurs continentaux : l’Autriche, la Russie et la Prusse, à tel point qu’en 1815, au Congrès de Vienne, il ne subsiste aucun des États qui vont nous rejoindre en 2004. C’est l’équilibre des puissances selon le traité de Westphalie (1648) vu du côté des petits.

Autrement dit, en parlant de l’Europe du premier millénaire comme assiégée, nous devons ajouter que cette expérience se prolonge largement pour l’Europe Centrale durant le second millénaire à tel point qu’on pourrait y inclure l’expérience du rideau de fer au XXe siècle.

On ne peut pourtant pas dire que la conscience propre de ces peuples ait disparu, les différentes langues en témoignent, mais la souveraineté politique fut vécue par éclipse. Cela n’empêche que ces peuples ont vécu et participé de manière active aux différentes étapes qui ont fait l’histoire de l’Europe. On doit même affirmer qu’à cause de leur position géopolitique, ils ont été comme des boucliers pour le reste de l’Europe et ils ont payé un tribut élevé au bénéfice de l’ensemble. Il y a là sans doute matière à reconnaissance, réconciliation et dialogue.

IV L’autonomie ou l’Europe libérale à partir des Temps Modernes

Revenons maintenant au XVIe siècle. Il suffit de mentionner quelques noms pour se rendre compte qu’on est passé à une autre époque : Érasme, Luther, Machiavel, Leonardo da Vinci, Copernic et Ignace de Loyola. Tous des hommes du XVIe siècle. C’est la Renaissance, la Réforme, les Temps Modernes, pour beaucoup le berceau du libéralisme12. Certes, cette époque s’annonçait : songeons à Gutenberg (1450) à la chute de Constantinople (1453) et à Christophe Colomb (1492). Ce fut une première mondialisation, d’ailleurs très ambiguë, puisqu’avec le Traité de Tordesillas (1494), le pape partage le monde entre les deux grandes puissances maritimes du moment : l’Espagne et le Portugal. N’oublions pas Wyclif et Hus (condamné au Concile de Constance) qui préfigurent la Réforme.

Comment qualifier cette nouvelle étape européenne ? C’est l’époque de l’émancipation et de l’autonomie et cela dans tous les domaines de l’activité et de la raison humaine13. Autrement dit, c’est la sortie de toutes les tutelles et autorités, surtout religieuses, mais aussi souvent éthiques et politiques, et cela pour le meilleur et pour le pire.

1 Perspective générale

Notre propos est de mettre en évidence l’universalité de ce mouvement d’émancipation et sa fondamentale ambiguïté.

Dans le domaine religieux, il s’agit évidemment de la Réforme, mais ultérieurement de tout le mouvement de sécularisation (sortie du modèle de la chrétienté). Il est d’ailleurs intéressant de noter que la Réforme prend place plus ou moins selon les frontières de l’ancien limes romain : au nord de celui-ci, la Réforme, au sud, l’Église catholique. Ensuite ce sont évidemment les guerres dites de religion : cuius regio, eius et religio. Jusqu’à l’étape précédente, la religion unissait et arbitrait ; maintenant les religions séparent. C’est là le point de départ de la philosophie politique de Hobbes. Les différents nationalismes et ultérieurement les totalitarismes prendront la place du religieux. Notons aussi qu’on ne peut plus parler de l’Europe latine-romaine comme durant la première étape.

En philosophie, P. Hazard, met admirablement en évidence la « crise de la conscience européenne »14 de 1680-1715 : « La majorité des Français pensait comme Bossuet : tout d’un coup, les Français pensent comme Voltaire ». De ce rationalisme critique des Lumières, Spinoza (1632-1677) fut sans doute l’une des figures les plus marquantes.

L’explosion d’autonomie dans le monde des sciences et techniques fut un phénomène fascinant, une condition d’ailleurs de la révolution industrielle. À travers le cas Galilée (1564-1642) on perçoit le débat philosophique et théologique ; mais au plan pratique, le système scientifique et technique met bien en évidence l’ambiguïté du mouvement d’émancipation : immense amélioration de la condition humaine, mais aussi moyens de puissance et de domination inouïs (cf. l’exemple des armes et biotechnologies actuelles).

D’un point de vue politique, c’est l’émancipation de l’État (avec la souveraineté absolue tout d’abord). Au plan international, le symbole de cette émancipation est le traité de Westphalie (1648) : « l’équilibre » des puissances européennes non plus sous l’arbitrage et le contrôle des papes, mais précisément selon la puissance de chacune. L’Europe Centrale en fera douloureusement l’expérience. A posteriori, on peut déceler en ce mouvement d’émancipation deux logiques opposées : celle de la domination, selon la dialectique destructrice « maître-esclave », et celle de la libre alliance des libertés, individuelles et collectives, la reconnaissance universelle et réciproque à la base de la démocratie. Des auteurs comme Machiavel et Hobbes sont des figures symboliques de la sortie du monde chrétien en politique.

Enfin, même processus en économie. C’est l’émergence de la bourgeoisie qui ne cherche plus à assurer son salut éternel, mais poursuit son bonheur terrestre par l’enrichissement matériel. C’est particulièrement frappant pour les deux nations commerçantes que sont l’Angleterre et les Pays-Bas. La Compagnie anglaise des Indes date déjà de l’année 1600, et signifie le début du colonialisme moderne : concurrence, impérialisme et nationalisme. Au bout se profile la première guerre mondiale.

En théorie, B. de Mandeville15 surtout, et A. Smith après lui, font valoir au XVIIIe siècle que poursuivre son intérêt privé est le meilleur moyen de servir le bien commun : « Les vices privés sont des vertus publiques ». Exemple parfait de l’autonomie de l’économie par rapport à l’éthique.

2 Évaluation

Soulignons d’abord les acquis extraordinaires de ces mouvements qui ont commencé déjà au XVIe siècle : l’affirmation des droits des êtres humains en tant que tels. Songeons d’abord aux efforts de Las Casas et de Vitoria pour défendre la dignité des Indiens — ce qui n’a pas empêché leur effroyable exploitation et extermination, ni l’esclavage —, la déclaration des droits de 1689, Bill of Rights, en Angleterre (cf. des penseurs comme Locke [1632-1704] sur la tolérance), qui a inspiré partiellement celle des États-Unis (1776) et de la France (1789). Pas mal de bons esprits comme l’abbé de Saint-Pierre (1658-1743) proposaient des plans de paix précisément au plan européen. En tout ceci germe un esprit d’universalité et de dignité qui caractérise cette nouvelle étape européenne (E. Kant, 1724-1804), impensable sans le christianisme, mais en même temps souvent opposée à celui-ci (Voltaire, 1694-1778).

Et pourtant, on sent déjà les excès, les abus : pas seulement la liberté, mais la domination, là aussi dans tous les domaines. En fait, en cette époque d’émancipation et d’autonomie élargies, ce n’est pas tellement l’émergence de libertés responsables qu’on constate, mais la domination par la liberté des plus forts, une liberté sans responsabilité. Louis XIV aurait dit à la fin de sa vie : « J’ai trop aimé la guerre et les bâtiments ». C’est si simple et tellement tragiquement vrai, car il faut souligner l’atrocité des guerres, notamment celle des Trente Ans. Avec Grotius, on commence à codifier le droit international, mais pour ces États souverains, la guerre est devenue une manière de « continuer la politique par d’autres moyens » (Clausewitz) : le questionnement éthique a disparu, seuls comptent la souveraineté et le formalisme juridique. C’est la raison d’État, c’est-à-dire l’intérêt d’État, qui l’emporte ; on est très loin d’une idée européenne fédérative et d’une régulation éthique.

Donc d’un point de vue chrétien, c’est l’émancipation du pôle humain de la liberté (humanismes). Il y a là une vérité universelle et un dynamisme admirable, mais c’est aussi le danger d’une liberté autonome qui n’est plus éthiquement responsable, ni à l’égard de Dieu, ni à l’égard d’autrui. À partir du XVIe siècle, on a l’impression que c’est l’homme qui s’affirme (humanisme et début de la sécularisation) au risque de rejeter Dieu et la perspective d’une vie au-delà du terrestre. Le Moyen Âge avait sans doute trop accentué le pôle transcendant. En somme, il s’agit toujours de « l’équilibre » christologique à chercher.

Approfondissons brièvement cette perspective dans trois domaines, économique, politique et idéologique, qui couvrent les XIXe et XXe siècles.

3 L’étape industrielle au XIXe siècle : une expérience européenne de puissance (économique et technique)

On a écrit des bibliothèques sur l’origine de la société industrielle. À notre avis, elle s’enracine dans l’héritage européen : liberté d’esprit et de recherche intellectuelle et culturelle ainsi que mouvement de sécularisation. La terre ne fait pas partie du divin et est donc exploitable ; les bourgeois cherchent leur bonheur ici-bas dans la réussite économique. Pour que cela réussisse, il faut des inventions dans des domaines économiquement exploitables ; c’est là que les sciences et les techniques ont joué leur rôle indispensable.

Le centre fut sans doute l’Angleterre, mais toute l’Europe y participa selon des cercles concentriques étalés dans le temps. C’est une expérience vraiment européenne, d’une très grande brutalité d’ailleurs : Schumpeter parle d’un processus de « destruction créatrice »16. Elle divise bourgeois et prolétaires (maître-esclave), avec des conséquences terribles au plan de la condition de vie des travailleurs. La montée du marxisme qui marquera si profondément le XXe siècle s’origine là ; nous connaissons son impact sur l’Europe, spécialement l’Europe Centrale. Cependant, il ne faut pas oublier que par les luttes ouvrières, la démocratie effective avec le suffrage universel s’installe au fur et à mesure dans tous les pays.

Depuis l’époque néolithique, il n’y eut point de changement semblable dans les systèmes de production économique : à la fois les forces animale et humaine sont remplacées (abolition de l’esclavage) et infiniment démultipliées, tandis que de larges parts de l’activité mentale de l’homme sont prises en charge par l’informatique. L’impact est sidérant, évidemment en termes de niveau de vie, mais malheureusement aussi en termes de domination du monde. On est devant une première forme de réelle mondialisation économique, structurée selon le schéma centre-périphérie : la rivalité des grandes puissances s’y déploie selon leur strict intérêt. Contrairement à la théorie économique, les conflits sont inévitables et les nationalismes impérialistes vont amener l’Europe à la première guerre mondiale, qui est en fait une guerre civile européenne. À plus long terme, l’évolution démographique rendue possible par la révolution industrielle, fera de l’Europe une petite entité dans l’humanité de demain, menacée d’extinction et certainement soumise à une forte pression d’immigration : l’histoire recommence. Ce qui peut apparaître comme l’aboutissement de la quête européenne de la liberté (prométhéenne), son triomphe, contient déjà des logiques de mort.

4 La première guerre mondiale comme guerre civile européenne (politique)

La rivalité économique, y compris dans les colonies, a certainement joué son rôle dans le déclenchement de ce conflit ; mais il ne faut pas sous-estimer l’échec du système politique de Westphalie basé sur « l’équilibre » des (grandes) puissances. Il est frappant qu’il n’existe aucune volonté politique qui transcende l’intérêt étatique national (Bismarck au long du XIXe siècle en est un bon exemple). On revient ici à notre problématique de base, apparue au XVIe siècle : celle de la liberté, ici au plan politique. Elle semble ballottée entre les pôles destructeurs de la dialectique maître-esclave, la peur et/ou la puissance. Les ravages absurdes de la « Grande Guerre » (14-18) blessent l’Europe mortellement. Elle sera incapable de s’en sortir seule, les États-Unis vont jouer les arbitres, signe des temps. La mondialisation est guerrière, et la violence industrielle.

Il est intéressant de dire un mot de l’Empire austro-hongrois. Car voilà une entité politique plurinationale qui va à l’encontre du principe strictement nationaliste (un État, une nation). Pour notre propos, cette structure présente l’intérêt d’avoir été une organisation qui regroupait des populations de l’Europe de l’Ouest et de l’Europe Centrale. Après 1918, c’est la désagrégation, car l’unité impériale qui transcendait les nationalismes n’était pas librement consentie et ne présentait pas un intérêt économique suffisamment attrayant. Il y a là une double leçon à recevoir : c’est certes une organisation supranationale, mais elle le fut par le « haut » et n’était pas assez profitable économiquement ! Les traités de Versailles (Trianon et Saint-Germain) créent douze nouveaux États, surtout en Europe Centrale, mais aussi beaucoup de ressentiments. L’empire ottoman s’est effondré. Souvenons-nous enfin que les guerres entraînent souvent des révolutions. En Russie naît l’URSS en 1917, en pleine première guerre mondiale.

Rappelons encore que l’idée d’une Europe unie ou même d’une réconciliation négociée (voir la proposition de Benoît XV en 1917) est rejetée, car les sentiments de haine dominent les cœurs et les esprits. La représentation des États mus uniquement par des motifs rationnels (monstres froids excluant émotions et sentiments) est fausse, quand on se rend compte quelle haine est à l’œuvre auprès des peuples et des dirigeants politiques. D’une part la volonté de faire payer, de l’autre le désir de vengeance et de revanche. La semence de la seconde guerre mondiale est déjà en terre.

Cependant, en 1924 déjà, dans sa « Lettre ouverte aux parlementaires français », le comte Coudenhove-Kalergi préconisa une forme paneuropéenne d’union. Il fut chaudement soutenu par le ministre français Aristide Briand, qui rédigea en 1930 un remarquable mémorandum et l’envoya à vingt-six États : le document fut rejeté, les mentalités n’étaient pas prêtes et surtout la terrible crise de 1929 était en route.

On connaît la suite funeste : montée des totalitarismes et du fascisme. Il faut cependant mentionner les avertissements lancés par de nombreux intellectuels de tout bord prônant une Europe organisée… Mais en vain.

5 Les totalitarismes et la renaissance de l’Europe (idéologique)17

Jusqu’ici, nous avons mis en évidence l’ambivalence de l’émancipation de la liberté autonome (libéralisme) à partir du XVIe siècle dans les domaines politique et économique. Achevons cette étape déterminante pour l’Europe par l’analyse de la dimension idéologique. Là aussi l’ambivalence est patente.

En effet, le XXe siècle illustrera les dérives perverses du libéralisme par l’émergence de deux totalitarismes idéologiques qui vont ruiner et diviser l’Europe. Certes, il conviendrait de situer davantage leur avènement dans le contexte proche. Il y a en effet des causes immédiates : d’une part les bouleversements de la première guerre mondiale avec leur règlement politique marqué par la haine et la revanche ainsi que la crise économique de 1929 ; du point de vue de la pensée au sens large, il faut sans doute faire allusion aussi au grand courant rationaliste critique (XVIIe et XVIIIe siècles) et à l’idéalisme allemand (XIXe siècle).

Ce qui est significatif pour notre démarche, c’est de montrer comment ces totalitarismes sont des perversions de l’autonomie de la liberté. Ce type de régime n’est concevable que dans un contexte idéologique où la liberté non seulement s’est « libérée » de toute tutelle « hétéronome », mais prétend à une maîtrise absolue (récupération du divin) sur l’histoire humaine. Or le marxisme-léninisme se présente comme une eschatologie juive sécularisée (le « royaume » se réalise sur terre) en faveur des prolétaires (esclaves), tandis que le nazisme constitue une idéologie néo-païenne basée sur la prééminence de la race aryenne, race des maîtres. L’un plutôt axé sur l’économique, l’autre plus politique. Autrement dit, la perversion de la liberté se perçoit ici par le fait que la dialectique violente du Maître et de l’Esclave enchaîne la liberté dans un combat mortel (au cours de la seconde guerre mondiale). Il faut surtout ne pas oublier que l’un et l’autre, mais surtout le nazisme, s’attaquent au peuple juif en tant que symbole de l’élection divine (Shoah).

Le fait que ce sont les États-Unis qui « sauvent » l’Europe une deuxième fois durant la seconde guerre mondiale, indique bien à quelle profondeur l’Europe est atteinte. Une des conséquences de cet irréversible affaiblissement sera le processus de décolonisation qui marquera le retour de l’Europe à ses territoires propres.

L’Europe Centrale fut cependant broyée une fois de plus par des acteurs extérieurs (l’Allemagne et l’URSS) et durant la guerre froide elle a servi de bouclier et de glacis protecteur à la fois pour le Pacte de Varsovie et pour l’OTAN. Heureusement, notamment grâce à la présence de l’Église catholique (Pologne), ces pays n’ont pas renoncé à leur identité culturelle et nationale. La visibilité de cet échec de la liberté en Europe, c’est que celle-ci se trouve coupée en deux, y compris en Allemagne, et que durant tout le XXe siècle les deux grands acteurs sont d’une part les États-Unis et de l’autre l’URSS, y compris en Europe : période de la guerre froide et division du monde entier selon les deux blocs. Cette partition éprouve l’Europe Centrale de manière irréversible : cinquante années (plusieurs générations) sous la domination communiste de l’URSS ont marqué profondément ces peuples exploités par la puissance soviétique. Il faut les comprendre quand encore de nos jours, ils estiment que les États-Unis seuls sont capables de les protéger de la menace qui vient de l’Est. Décidément, tout au long du dernier millénaire, ces pays ont payé le prix de leur position géopolitique exposée.

Voilà la face sombre de l’héritage libéral, mais il y a aussi une face de lumière : il s’agit, après la seconde guerre mondiale, de la « miraculeuse renaissance » de l’Europe18, aujourd’hui au seuil d’un élargissement tout à fait significatif puisqu’il symbolise la ré-union de l’Europe. Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas seulement d’adjoindre quelques membres de plus. Non ! Ce sont vraiment des retrouvailles qui symbolisent l’héritage européen. Deux traits innovateurs sont remarquables dans cette réunification de l’Europe : c’est la première fois en Europe que l’unité se construit par libre adhésion des peuples, et non par la violence d’un Maître quelconque. Ensuite, cette alliance des libertés des peuples (comme opposée à la logique maître-esclave) inclut une dimension importante de réconciliation : pas d’union réelle sans réconciliation, pourrait-on dire ; il s’agit du dépassement de l’époque nazie.

Notons encore qu’au Concile Vatican II, l’Église catholique a voté enfin un document (1965) qui proclame le droit à la liberté religieuse et par là clarifie fondamentalement les relations Église-État dont nous avons souligné l’importance dans le développement de l’Europe. Ce droit s’enracine dans le message de l’Évangile.

6 Reprise

L’anthropologue L. Dumont a bien mis en évidence le caractère unique au monde de l’émergence de la société individualiste en Europe aux Temps Modernes19. Le paradoxe de cette nouvelle constellation européenne, c’est qu’elle s’est souvent faite contre l’Église et que par ailleurs cette émancipation ne pouvait naître qu’à partir de la religion chrétienne comme religion de la sortie de la religion. Il faut reconnaître que l’Église a eu souvent peur de la liberté qui est pourtant au cœur de son message, puisqu’il s’agit de répondre librement à l’initiative d’amour de Dieu. Il est heureux qu’en la personne de Jean-Paul II, pardon ait été demandé pour cette peur. Par ailleurs, n’est-il pas vrai que cette conquête de la liberté s’est réalisée tout au long des quatre derniers siècles de manière extrêmement dominatrice et abusive : capitalisme sauvage, impérialisme et colonialisme, totalitarisme ? En somme, nous, européens, et le reste de l’humanité (qui a profité mais aussi souffert de l’Europe), n’avons pas encore réussi à assumer cette expérience très ambiguë et complexe de manière adéquate, c’est-à-dire sans fausse culpabilité, mais sans fausse innocence non plus. Ici s’éclairent l’héritage et la mémoire collective. En effet, ces deux réalités ne sont pas des données toutes faites, mais nous, européens, nous avons à les travailler, à les assumer, sinon notre unité restera factice. Un mot comme « réconciliation » vient ici spontanément à l’esprit. D’ailleurs, elle a déjà été vécue entre la France et l’Allemagne par exemple, à la naissance du projet européen. À l’heure de l’élargissement à vingt-cinq, il faut encore « revisiter » notre mémoire commune, y compris au sein de l’Europe Centrale (problèmes des minorités). Car les unions de peuples, ce sont aussi des unions de mémoires, souvent très différentes. Le fait heureux que la Roumanie et la Bulgarie vont se joindre dans quelques années à l’Union Européenne, va toucher notre histoire sur un autre point très sensible : le rapport à l’orthodoxie slave héritière, elle, de Byzance — souvenons-nous du schisme qui remonte à 1054 et s’est approfondi avec les croisades. Cette affaire est de première importance, car elle concerne nos liens avec les Balkans et la Russie. Quel défi ! En matière de réconciliation au plan social, les européens pourraient tirer profit d’expériences comme celles de l’Afrique du Sud (après l’apartheid).

Analogiquement, le rapprochement de la Turquie (et du Maghreb) avec l’Europe posera la question d’une histoire souvent douloureuse à assumer. Dans ce contexte élargi, nous aurions dû encore parler du rôle de Malte et de Chypre, qui nous ramènent à la Méditerranée, carrefour de rencontres.

Conclusion

Si on voulait dégager le fil rouge de notre parcours, on pourrait dire avec Braudel que c’est la lutte pour la liberté et les libertés qui caractérise l’héritage de l’Europe. D’un point de vue théologique, le discernement de ce déploiement des libertés peut se faire selon l’axe christologique suivant : unir ce qui l’est difficilement— la liberté divine et la liberté humaine ; c’est le principe christologique de Jésus vrai Dieu et vrai homme, c’est l’Incarnation ; et distinguer ce qui normalement tend à la confusion — le religieux et l’humain, notamment le religieux et le politique20. C’est alors qu’il devient clair que la véritable autonomie est celle qui se reçoit de Dieu et se déploie librement en s’ouvrant à l’ensemble des dimensions humaines21.

Ne faudrait-il pas ajouter par ailleurs une nuance à ce fil rouge centré sur la liberté et les libertés ? En effet, l’histoire européenne des libertés qui fut souvent d’une très grande cruauté, a été interpellée toujours à nouveau par la recherche de la liberté pour tous, à savoir la justice : mouvements de libération des plus pauvres, lutte pour les droits humains, luttes ouvrières, etc. À partir de là, la remarque de R. Guardini, le grand philosophe chrétien, prend tout son sens. Il dit ceci : s’il fallait préciser quelle responsabilité l’Europe aurait à assumer, compte tenu de son héritage, dans le concert des nations et cultures du monde, ce serait l’usage du pouvoir et de la puissance avec sagesse. Car justement son histoire passée lui a enseigné les risques terribles de l’abus de puissance. Nous sommes là en pleine actualité, car lors de la deuxième guerre du Golfe (2003), les néo-conservateurs américains ont durement reproché aux européens d’être des « impuissants » et des « faibles » qui cachent leur démission derrière une facade de pseudo morale internationale22.

Helmut Schmidt, l’ancien chancelier de la RFA, aime répéter que l’Europe constitue dans son effort de construction un laboratoire pour toute la communauté mondiale, car c’est l’effort politique d’unir les nations par alliance et non par domination.

J. Ladrière23 dit qu’une culture est faite d’une part de racines (passé, traditions, mémoires, héritages, esthétique) et d’autre part de fins (avenir, éthique, visions, utopies, projets). Nous avons essayé de montrer que l’élargissement à l’Europe Centrale s’intègre tout à fait dans l’héritage (les racines) de l’Europe, mais cette mémoire commune, qu’il s’agit d’assumer, n’a de sens que si elle dynamise et inspire les projets et visions d’avenir24. Dans sa formalité christologique, l’héritage européen peut donc servir de guide pour l’avenir de l’Europe… et du monde.

Notes de bas de page

  • * Cet article a été revu fin février 2004.

  • 1 Valéry Giscard d’Estaing présente La Constitution pour l’Europe, Paris, Fond. Robert Schuman/Albin Michel, 2003.

  • 2 Duroselle J.-B., L’Europe. Histoire de ses peuples, Paris, Perrin, 1990.

  • 3 Braudel F., Grammaire des Civilisations, Paris, Arthaud-Flammarion, 1987, p. 349s.

  • 4 Sellier A. et Sellier J., Atlas des peuples d’Europe Centrale, Paris, La Découverte, 1991.

  • 5 Duroselle J.-B., L’Europe… (cité supra, n. 2), p. 159-199.

  • 6 On a fait remarquer que les moines, qui « priaient et travaillaient » (ora et labora), ont eu une influence décisive en Europe parce qu’ils ont donné du travail manuel une vision positive. Ce qui n’était pas du tout le cas dans le monde gréco-romain. On peut penser que cet apport fut déterminant pour l’évolution de l’économie européenne et une promotion de la dignité humaine des paysans et travailleurs manuels.

  • 7 Pour l’ensemble de cette partie, la lecture du livre suivant est recommandée : Le Goff J., L’Europe est-elle née au Moyen Âge ?, Paris, Seuil, 2003.

  • 8 Sellier A., Atlas… (cité supra, n. 4), p. 15.

  • 9 Brague R., La voie romaine, Paris, Folio essais, 1992.

  • 10 Polanyi K., La Grande Transformation, Paris, Gallimard, 1972.

  • 11 Gauchet M., Le désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985.

  • 12 Manent P., Histoire intellectuelle du libéralisme, Paris, Calmann-Lévy, 1987.

  • 13 Burdeau G., Le libéralisme, Paris, Seuil Politique, 1979.

  • 14 Hazard P., La crise de la conscience européenne, Paris, Fayard, 1961.

  • 15 de Mandeville B., La fable des abeilles (1714), Paris, Vrin, 1991.

  • 16 Schumpeter J., Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, 1946, p. 122.

  • 17 Fessard G., De l’actualité historique, Paris, DDB, 1959.

  • 18 Schuman R., Pour l’Europe. Écrits politiques, préf. J. Delors, Genève, Nagel, 2000.

  • 19 Dumont L., Homo Aequalis, Paris, Gallimard, 1977.

  • 20 Cf. Brague R., La voie romaine (cité supra, n. 9), p. 193-225 ; cf. Gauchet M., le christianisme comme religion de la sortie de la religion, dans Le désenchantement… (cité supra, n. 11).

  • 21 Cette réflexion théologique en termes d’héritage et de mémoire pourrait éclairer les débats à propos du Préambule et de l’Art. I-51 de la Convention pour l’Europe (Approfondissement).

  • 22 Cf. Kagan R., La puissance et la faiblesse, Paris, Plon, 2003.

  • 23 Cf. Ladrière J., Les enjeux de la rationalité, Paris, Aubier/Unesco, 1977, p. 197.

  • 24 Le lecteur a sans doute remarqué que le texte ne thématise pas l’apport de Malte et de Chypre. Et pourtant ces deux pays nous ramènent à la Méditerranée, si cruciale pour l’Europe. Là se joue le contact avec l’Afrique du Nord, mais aussi la Turquie, sans oublier l’orthodoxie (voir le plan d’unification de Chypre initié par Kofi Annan). Partant, on est entraîné à réfléchir l’apport de l’Islam à la construction de l’Europe. De manière tout à fait concrète, il faudrait prendre position par rapport au processus d’adhésion de la Turquie à l’UE. Mais plus immédiatement, c’est l’entrée prochaine de la Bulgarie et de la Roumanie, et donc aussi de l’orthodoxie. Il reste donc de l’ouvrage. — Évidemment surgit alors une deuxième limite, encore plus grave, de ce travail : l’apport des juifs à l’héritage européen. Le christianisme est spirituellement enraciné dans la religion juive, et l’influence juive fut immense en Europe. Les enjeux théologiques le sont autant. Mais une telle recherche aurait dépassé de loin les frontières de notre travail et de notre compétence.

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