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La position de la femme par rapport au sacerdoce est habituellement exprimée de façon négative: les femmes sont dites «exclues» du sacerdoce ministériel. Cette manière de parler, sans doute inévitable en un temps de recherche et de contestation, ne suffit pas. Le présent article, inspiré surtout par une méditation de l'Écriture, voudrait faire un pas de plus: chercher une formulation positive du rapport de la femme au sacerdoce et montrer qu'une telle formulation correspond à la pensée de Jésus, le Verbe incarné. La femme symbolise le sacerdoce éternel (marial) de l'Église. L'ordination au sacerdoce ministériel, par essence temporel, ne pourrait qu'oblitérer cette plénitude.

Nous voudrions, dans les pages qui suivent, tenter d’élucider la relation de la femme au sacerdoce. Nous devrons pour cela nous interroger sur sa relation à Dieu et sur sa relation à l’homme. Nous le ferons principalement à partir de l’Écriture sainte.

I La Création

1 Le premier récit de la création (Gn 1,1–2,4)

Dès que l’être humain prend conscience de lui-même, il se saisit comme homme ou comme femme. La conscience de soi et la conscience d’être sexué vont de pair. Conscience de ne représenter qu’une partie, ou mieux : qu’une moitié de l’humanité. Cette situation est paradoxale : l’homme et la femme se savent à égalité pleinement humains (corps et esprit ; mémoire, sensibilité, imagination, intelligence, volonté, liberté ...) ; ils se reconnaissent l’un devant l’autre comme ayant même structure anthropologique ; et en même temps, ils savent qu’ils ne sont homme que sur un mode particulier : le mode masculin ou le mode féminin. La différence sexuelle, inscrite déjà dans la constitution des corps, va s’affirmer encore par les rôles différents assumés dans la conception, la gestation, la mise au monde et l’éducation de l’enfant. Elle s’exprimera aussi à travers les engagements de la vie culturelle, au sens le plus large du mot (économie, politique, profession, art, science, religion).

L’expérience de la différence sexuelle peut être le lieu d’affrontements, de domination, de violence et d’injustice. Elle peut aussi s’accomplir dans l’amour. Naît ainsi l’idée d’une complémentarité, d’une collaboration nécessaire (en premier lieu pour que l’humanité se perpétue), d’une aide mutuelle, pour réaliser ensemble la plénitude de l’humanité. Celle-ci, comprend-on, ne sera atteinte que par une union — dans l’amour, le respect, la synergie, la promotion mutuelle — de l’être masculin et de l’être féminin.

Cet idéal se cherche à travers les siècles de l’histoire.

Les premières pages de la Bible témoignent avec profondeur de ces réalités anthropologiques. Elles les expriment et les éclairent.

L’homme pourrait être tenté de ne donner qu’une signification accidentelle à la différence sexuelle. S’il l’interprète à partir de sa ressemblance avec les animaux plutôt qu’à partir de sa ressemblance avec Dieu, elle n’apparaîtra plus que comme une sorte de ruse de la Nature pour que se perpétue l’espèce humaine.

La Parole de Dieu nous oriente tout autrement : « Dieu créa l’Homme (singulier : l’Humanité) à son image, à l’image de Dieu il le créa ; homme et femme, il les (pluriel) créa » (Gn 1,27). L’Humanité — son être, son essence — n’est complète que par la complémentarité de l’homme et de la femme. La différence sexuelle reçoit ainsi une signification ontologique. Loin d’être accidentelle, elle appartient à l’essence, à l’être de l’Humanité.

Bien plus, elle acquiert une signification théologique. Puisque l’Humanité est créée à l’image de Dieu et qu’elle n’existe que grâce à la complémentarité masculine et féminine, l’être homme et l’être femme sont des éléments de l’image divine. Ce qui signifie, semble-t-il, deux choses : premièrement, chacun des éléments dit quelque chose du Mystère de Dieu ; deuxièmement, Dieu n’est dit, autant qu’Il peut l’être, qu’à travers la conjonction du masculin et du féminin : c’est ensemble, par leur union, que l’homme et la femme sont image de Dieu1. Seule, cette union réalise l’idée divine de l’Humanité.

Ces affirmations du premier chapitre de la Genèse sont d’autant plus surprenantes que la Bible témoigne à chaque page de la différence abyssale existant entre le Créateur et la créature et qu’un des commandements divins les plus fondamentaux est l’interdiction de toute image (Ex 20,4 et Dt 5,8). Le face à face de l’homme et de la femme semble être le seul accès convenable à la Transcendance. Il l’est précisément à travers le consentement à la limite sexuelle. N’être qu’homme ou n’être que femme est une des expériences les plus originaires de la finitude. Si l’homme et la femme sont ensemble l’image de Dieu, ni l’homme ni la femme ne le sont en plénitude isolément. La nécessaire relation à l’autre sexe est le signe de la dépendance du Créateur. Le fait que je ne représente qu’une moitié de l’être humain me rappelle que je suis un être créé. La finitude sexuelle de l’homme et de la femme témoigne de l’unicité du Créateur, qui, seul, possède la plénitude de l’Être.

Dieu révèle, dans le texte biblique, comment vivre cette finitude sexuelle non dans la révolte, mais comme une bénédiction : l’union de l’homme et de la femme constitue le premier commandement que nous rencontrons dans l’Écriture : « Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, remplissez la terre et dominez-la » (Gn 1,28). Par leur union, l’homme et la femme expriment leur « être à l’image », en chacun partiel. Ils consentent à leur finitude et la surmontent dans la joie de l’amour et de la fécondité. Leur dépendance de l’autre sexe est ainsi le signe de leur dépendance à l’égard de Dieu2. Leur consentement à la finitude sexuelle exprime leur soumission au Créateur.

2 Le second récit de la création (Gn 2,4-25)

Le second récit de la création confirme et complète ce que nous avons constaté dans le premier. À travers un petit drame, la confrontation de l’homme avec les animaux, il dit clairement l’incomplétude de ce dernier avant la création de la femme. Après cette création, il fait entendre le cri de jubilation de l’homme qui a enfin trouvé un être égal à lui-même, un vis-à-vis à sa hauteur : « Cette fois c’est l’os de mes os et la chair de ma chair » (Gn 2,23). L’union de l’homme et de la femme est nettement caractérisée comme une coopération, une collaboration ; le Créateur dit en effet à propos de l’homme : « Je veux lui faire une aide qui lui soit accordée » (Gn 2,18).

La finale du récit nous laisse entendre que nous y avons affaire à un texte voulant fonder et justifier l’institution matrimoniale : « C’est pourquoi l’homme laisse son père et sa mère pour s’attacher à sa femme et ils deviennent une seule chair » (Gn 2,24). Le mariage apparaît ainsi comme le « sacrement primordial », c’est-à-dire comme un signe efficace grâce auquel l’union et la coopération de l’homme et de la femme peuvent porter tous leurs fruits. La relation d’amour de l’homme et de la femme est bien, en dépendance de Dieu, le dynamisme le plus fondamental de l’histoire humaine.

3 Péché et victoire sur le mal

La Genèse enseigne encore que la relation de l’homme et de la femme a été et est historiquement profondément bouleversée par le péché. « Domination » et « désir désordonné » y ont désormais une place (cf. Gn 3,16). Cependant le plan du Créateur n’en est pas pour autant anéanti. Dieu promet à la « femme » et à sa « descendance » la victoire sur les forces du péché et de la mort, symbolisées par le serpent. En maudissant celui-ci, le Seigneur dit : « Je mettrai l’hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et la sienne. Celle-ci te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon » (Gn 3,15). Seul le serpent est frappé de malédiction, il sera touché à la tête, coup mortel, tandis que la femme ne sera atteinte qu’au talon : le combat contre le mal est coextensif à toute l’histoire de l’humanité. Les douleurs de l’enfantement (Gn 3,16) qui sont ensuite annoncées à la femme ne constituent nullement, selon le texte biblique, une malédiction, ainsi qu’on le pense encore souvent, même si elles sont une suite et une conséquence du péché. L’enfantement dans la douleur est bien plutôt le moyen que prend, pour se réaliser, la promesse de salut qui vient d’être faite (Gn 3,15). La bénédiction divine continue de reposer sur la femme et sur l’humanité. Tout enfantement est un pas vers le salut. « L’homme appela sa femme du nom d’Ève — c’est-à-dire La Vivante —, car c’est elle qui est la mère de tout vivant » (Gn 3,20).

4 Puissance et finitude

Tirons quelques conclusions de notre lecture de la Genèse.

Exister « à l’image de Dieu » constitue pour l’humanité sa puissance fondamentale. Une potentialité pour ainsi dire infinie. Cette puissance est immédiatement exprimée dans le verset qui suit la création « à l’image » : « Soyez féconds. Remplissez la terre. Dominez-la » (cf. Gn 1,28).

Mais cette puissance ne peut s’exercer que si l’homme et la femme se soumettent à la puissance de l’autre sexe, que s’ils acceptent leur finitude sexuelle et consentent à recourir à la coopération, à l’aide, de l’« autre ». Cette acceptation de la finitude propre est signe de l’acceptation de l’état de créature. Elle est au concret reconnaissance de la Transcendance du Créateur, de son unicité.

Du point de vue de la connaissance de Dieu, la doctrine de l’« image » est annonce (qui s’ignore) du fait que Dieu est pluralité de Personnes dans l’amour. Annonce lointaine du Dieu Trinitaire.

Si l’homme et la femme acceptent leur dépendance du Créateur en consentant à leur finitude sexuelle et donc en recourant à l’aide de l’autre sexe, ils peuvent exercer cette puissance extraordinaire dont nous parlions plus haut. Leur relation à Dieu constitue, répétons-le, leur puissance essentielle, mais au plan humain, l’union dans l’amour de l’homme et de la femme est la force motrice fondamentale de l’histoire humaine, précisément parce que Dieu s’y rend présent. Elle en est le dynamisme le plus puissant.

Il est important de remarquer la conjonction du consentement à la finitude et de l’exercice de la puissance.

II Les Prophètes

La structure anthropologique fondamentale que nous venons de lire dans la Genèse sous-tend l’enseignement des Prophètes au sujet de l’Alliance entre Dieu et son peuple. L’union de l’homme et de la femme symbolise l’amour de Dieu et d’Israël. L’Alliance est d’essence nuptiale. Dieu est l’Époux, Israël, l’épouse. Une épouse souvent adultère, mais que le Seigneur aime « d’un amour éternel » (Jr 31,3).

1 L’Épouse

« Faites un procès à votre mère, car elle n’est pas ma femme et moi je ne suis pas son mari. Qu’elle éloigne de son visage les signes de sa prostitution, et d’entre ses seins les marques de son adultère. (…) Elle poursuivra ses amants sans les atteindre ; elle dira : Je vais retourner chez mon premier mari, car j’étais plus heureuse alors que maintenant. (…) Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai à moi par la justice et le droit, l’amour et la tendresse. Je te fiancerai à moi par la fidélité et tu connaîtras le Seigneur » (Os 2,4.9.21-22)3. « Va clamer aux oreilles de Jérusalem : Ainsi parle le Seigneur : Je te rappelle ton attachement du temps de ta jeunesse, ton amour de jeune mariée » (Jr 2,2). Quelques versets avant le passage fameux concernant la « nouvelle alliance », Jérémie encore : « Je t’aime d’un amour d’éternité, aussi c’est par fidélité que je t’attire à moi. De nouveau, je veux te bâtir, et tu seras bâtie, vierge d’Israël. (…) Reviens, vierge d’Israël. Jusques à quand vas-tu rester à l’écart, fille apostate ? Le Seigneur crée du nouveau sur la terre : la femme fait la cour à l’homme » (Jr 31,3-4. 21-22). « En passant près de toi, je t’ai vue ; or, tu étais à l’âge des amours. J’ai étendu sur toi le pan de mon habit et couvert ta nudité ; je t’ai fait un serment et suis entré en alliance avec toi – oracle du Seigneur Dieu. Alors tu fus à moi. Je t’ai lavée dans l’eau, j’ai nettoyé le sang qui te couvrait, puis je t’ai parfumée d’huile » (Ez 16,8-9). « Ainsi parle le Seigneur : Où est donc la lettre de divorce par laquelle j’aurais renvoyé votre mère ? » (Is 50,1). « Celui qui t’a faite, c’est ton époux : le Seigneur, le tout-puissant, c’est son nom. (…) Car, telle une femme abandonnée et dont l’esprit est accablé, le Seigneur t’a rappelée : “La femme des jeunes années, vraiment serait-elle rejetée ?” a dit ton Dieu. Un bref instant, je t’avais abandonnée, (…) mais avec une amitié sans fin je te manifeste ma tendresse » (Is 54,6-8). « On ne te dira plus : “l’Abandonnée”, on ne dira plus à ta terre : “la Désolée”, mais on t’appellera “Celle en qui je prends plaisir” et ta terre “l’Épousée”, car le Seigneur mettra son plaisir en toi et ta terre sera épousée. En effet, comme le jeune homme épouse sa fiancée, tes enfants t’épouseront et de l’enthousiasme du fiancé pour sa promise, ton Dieu sera enthousiasmé pour toi. (…) Dites à la fille de Sion : Voici ton Salut qui vient. (…) On t’appellera “la Recherchée”, “la ville non abandonnée” » (Is 62,4-5.11-12).

D’être ainsi assumée pour exprimer l’amour de Dieu et de son peuple, la relation de l’homme et de la femme en est comme recréée, restaurée. On a pu montrer que l’Alliance avec Dieu a déterminé en Israël les progrès de l’idéal monogamique. L’Alliance recompose patiemment l’image de Dieu, l’union de l’homme et de la femme, qui avait été gravement obscurcie par le péché.

Ainsi l’espérance messianique est-elle liée en Israël à l’attente du parfait mariage entre Dieu et son peuple, et du même coup, à l’attente de la parfaite révélation de l’Homme et de la Femme, révélation qui ne peut être donnée qu’à travers leur parfaite union (s’ils ne sont pleinement eux-mêmes que l’un par l’autre et que l’un avec l’autre). On n’imagine évidemment pas que l’Époux lui-même puisse s’incarner, mais la conscience s’affirme qu’un jour la communauté messianique d’Israël pourra, moyennant sa fidélité à l’Époux, donner naissance à celui qu’on appellera « Dieu avec nous ». L’espérance messianique est espérance de maternité.

2 La Mère

Michée voit que le salut vient à la fille de Sion à travers des douleurs d’enfantement : « Et toi, tour du troupeau, hauteur de la fille de Sion, vers toi fera retour la souveraineté d’antan, la royauté qui revient à la fille de Jérusalem. Maintenant pourquoi pousses-tu des cris ? N’y a-t-il pas de roi chez toi ? Ton conseiller est-il perdu que la douleur t’ait saisie comme la femme qui enfante ? Tords-toi de douleur et hurle, fille de Sion, comme la femme qui enfante, car maintenant tu vas sortir de la cité, (…) tu iras jusqu’à Babylone. Là tu seras délivrée, là le Seigneur te rachètera de la main de tes ennemis » (Mi 4,8-10). Quelques versets plus loin, le prophète annonce « celui qui doit gouverner Israël » au temps « où enfantera celle qui doit enfanter » : « Et toi, Bethléem Ephrata, trop petite pour compter parmi les clans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent à l’antiquité, aux jours d’autrefois. C’est pourquoi Dieu les abandonnera jusqu’au temps où enfantera celle qui doit enfanter » (Mi 5,1-2).

Dans le même temps, Isaïe livre la grande prophétie de « Dieu avec nous » : « Le Seigneur nous donnera lui-même un signe : Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is 7,14).

Aux cris de la fille de Sion en douleur d’enfantement chez Michée répondent, à peu près un siècle plus tard, ses cris de joie en écho aux prophéties de Sophonie, le prophète du « Jour de Yahvé » : « Crie de joie, fille de Sion, pousse des acclamations, Israël, réjouis-toi, fille de Jérusalem. (…) Le roi d’Israël, le Seigneur lui-même, est au milieu de toi. En ce jour-là, on dira à Jérusalem : Ne crains pas, Sion, le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi » (So 3,14-17 ; cf. Za 2,14 et 9,9 ; Joël 2,21-23).

3 Le Serviteur et Sion

En strict parallélisme avec la fécondité mystérieuse qu’il voit surgir de l’humiliation du Serviteur souffrant en son sacrifice d’expiation (Is 53,10-12), Isaïe voit la stérilité de l’Épouse du Seigneur se muer en une maternité pour ainsi dire sans limite (Is 54,1-5). « Daigne faire de sa personne un sacrifice d’expiation, qu’il voie une descendance (…). Ayant payé de sa personne, il verra une descendance. (…) Juste, il dispensera la justice, lui, mon Serviteur, au profit des foules. (…) Je lui taillerai sa part dans les foules et c’est avec des myriades qu’il constituera sa part de butin, puisqu’il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort et qu’avec les pécheurs il s’est laissé recenser, puisqu’il a porté, lui, les fautes des foules et que, pour les pécheurs il s’est laissé récuser, puisqu’il a porté, lui, les fautes des foules et que, pour les pécheurs, il vient s’interposer » (Is 53,10-12) : ainsi se termine le quatrième chant du Serviteur. Ensuite, le livre continue sans transition : « Pousse des acclamations, toi, stérile qui n’enfantais plus, explose en acclamations et vibre, toi qui ne mettais plus au monde ; car les voici en foule, les fils de la désolée, plus nombreux que les fils de l’épousée, dit le Seigneur. Élargis l’espace de ta tente (…), car à droite et à gauche, tu vas déborder : ta descendance héritera des nations (…). La risée sur ton veuvage, tu ne t’en souviendras plus. Car celui qui t’a faite, c’est ton époux : le Seigneur » (Is 54,1-5). Nous aurons à nous souvenir de cette fécondité conjuguée du Serviteur et de l’Épouse, lorsque nous entendrons, en Jn 19,25-27, l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde s’adresser à la Femme.

Isaïe continue, toujours à l’adresse de Jérusalem : « Humiliée, ballottée, privée de réconfort, voici que moi je mettrai un cerne de fard autour de tes pierres, je te fonderai sur des saphirs, je ferai tes créneaux en rubis, tes portes en pierres étincelantes et tout ton pourtour en pierres ornementales. Tous tes fils seront disciples du Seigneur et grande sera la paix de tes fils » (Is 54,11-13). Femme-cité que l’on retrouve dans l’Apocalypse.

Isaïe nous a laissé une image absolument bouleversante de la maternité miraculeuse de Jérusalem, œuvre du seul Seigneur : « Avant d’être en travail, elle a enfanté, avant que lui viennent les douleurs, elle s’est libérée d’un garçon. Qui a jamais entendu chose pareille ? Qui a jamais vu semblable chose ? Un pays est-il mis au monde en un seul jour, une nation est-elle enfantée en une seule fois pour qu’à peine en travail Sion ait enfanté ses fils ? (…) Est-ce que moi qui fais enfanter, j’imposerais à la vie une limite ? — dit ton Dieu » (Is 66,7-9).

4 La femme, symbole de tout Israël, de l’Humanité, de la Création

À travers la parole des Prophètes, de nouvelles déterminations nous sont données au sujet de la signification des sexes, en particulier en ce qui concerne la femme. Celle-ci devient le symbole de tout le peuple en alliance avec Dieu, hommes y compris. Elle représente devant Dieu tout Israël. Elle symbolise aussi la partenaire, la collaboratrice, du Messie. En tant que Dieu est indéfectiblement fidèle à son Alliance, ce symbolisme appartient au Dessein éternel de Dieu. Il dépasse le temps. Il est absolument irréversible. Il sera scrupuleusement respecté par Jésus.

Dans la mesure où Israël lui-même représente devant Dieu toutes les nations (le Serviteur de Dieu est destiné à devenir « la lumière des nations » : Is 49,6, et les « nations » de leur côté sont appelées à « marcher vers la lumière » de Jérusalem : Is 60,3), la femme symbolise devant Dieu toute l’Humanité, et même l’ensemble de la Création, puisque celle-ci est intégrée à l’Alliance.

III La Sagesse

Dans les livres sapientiaux, la réflexion d’Israël sur le rôle et la signification des sexes fait un pas de plus. Nous ne nous attarderons pas à tout ce qui est dit sur l’éducation du père et de la mère, sur le bon et le mauvais mari, sur les mauvais garçons, sur l’adultère, sur « la femme de ta jeunesse », la femme aimée, la femme vaillante et fidèle, la femme adultère, la femme mauvaise, l’étrangère. Mais nous nous attacherons à l’un des thèmes les plus importants de ces livres : celui d’une créature féminine, premièrenée de la pensée divine, commencement de ses œuvres, inspiratrice et collaboratrice du Créateur et du Maître de l’histoire, la Sagesse ; celui de la créature qui coopère avec Dieu dans son œuvre de création et de salut, qui tient auprès de Dieu lui-même le rôle d’« aide » qui avait été dévolu à la première femme auprès du premier homme. Ici, de nouveau, les textes sont bien connus. Rappelons seulement les principaux : « Le Seigneur m’a engendrée, prémice de son activité, prélude à ses œuvres anciennes. J’ai été sacrée depuis toujours, dès les origines, dès les premiers temps de la terre. Quand les abîmes n’étaient pas, j’ai été enfantée. (…) Je fus maître d’ œuvre à son côté, objet de ses délices chaque jour » (Pr 8,22-24.30 ; cf. aussi Pr 3,19-20) ; « Avant que le temps ne commence, il m’a créée, et pour les siècles je ne cesserai pas d’exister » (Si 24,9).

La sagesse est l’épouse idéale du Roi (Salomon). Grâce à elle, il peut gouverner et juger son peuple selon les vues de Dieu : « C’est elle que j’ai aimée et recherchée dès ma jeunesse, j’ai cherché à en faire mon épouse et je suis devenu l’amant de sa beauté » (Sg 8,2). Figure royale elle-même, elle est associée à l’esprit (l’Esprit ?) et d’un rayonnement universel (cf. Sg 7,22-30).

Le Cantique des Cantiques magnifie l’amour humain tel qu’il est donné à l’homme et à la femme par Dieu, Créateur et Sauveur, mais on ne peut non plus totalement exclure de sa perspective l’Alliance nuptiale de Dieu et de son peuple.

La femme est ainsi devenue figure de la Sagesse-épouse, collaboratrice de Dieu.

IV « Et le Verbe s’est fait chair »

Le but du Verbe de Dieu, en s’incarnant, en prenant la nature humaine, est de faire de l’Humanité son Épouse, par la médiation de l’Église, et d’accomplir ainsi l’antique promesse faite au premier homme et à la première femme : celle d’une union qui embrasserait l’universalité des hommes et de la terre : « Soyez féconds. Soumettez la terre » (cf. Gn 1,28).

L’Alliance de Dieu avec Israël a assumé la structure nuptiale de la création — les Prophètes n’ont cessé de le répéter — elle est elle-même d’essence nuptiale. La « nouvelle Alliance », annoncée déjà par Jérémie et Ézéchiel — expression et fondation définitive, dans l’histoire, de l’Alliance éternelle — sera la réalisation parfaite des noces entre Dieu et son peuple, entre Dieu et l’Humanité (appelée à devenir l’Église). Cette réalisation sera du même coup la parfaite révélation de l’Homme et de la Femme, de leur vocation respective ainsi que de leur union. En son incarnation, le Fils unique de Dieu assume à son tour la structure nuptiale de la Création et de l’Alliance.

De nombreux textes du Nouveau Testament nous montrent qu’il en est bien ainsi. Aux pharisiens qui l’interrogent à propos de ses disciples, Jésus répond : « Est-ce que les compagnons de l’Époux peuvent jeûner pendant que l’Époux est avec eux ? Aussi longtemps qu’ils ont l’Époux, ils ne peuvent jeûner » (Mc 2,19). Toujours à propos des disciples, Jean-Baptiste proclame : « Celui qui a l’épouse est l’Époux » (Jn 3,29). Il se déclare lui-même « l’ami de l’Époux », dont la « joie » est maintenant « parfaite », à cause de la réalisation des épousailles. À Cana, en effet, ont été célébrées les noces de Jésus et de son Église commençante, représentée par ces disciples auxquels, dans les jours précédents, il a adressé un premier appel (cf. Jn 1,35-51) : « Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui » (Jn 2,11). Or, dans cette Église, Marie tient d’emblée une place essentielle. C’est elle qui obtient cette première manifestation de la gloire de Jésus grâce à laquelle les disciples peuvent lui donner leur foi entière et c’est elle qui a indiqué l’attitude de foi radicale sans laquelle aucune manifestation de la gloire n’est réellement possible : « Quoi qu’il vous dise, faites-le » (Jn 2,5).

Paul, lui aussi, comprend les choses selon cette perspective sponsale. Aux Corinthiens, il écrit : « Je vous ai fiancés à un seul homme, comme une vierge pure à présenter au Christ » (2 Co 11,2), et aux Éphésiens : « L’homme quittera son père et sa mère et il s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. C’est là un grand mystère ; je l’entends du Christ et de l’Église » (Ep 5,31-32).

Dans l’Apocalypse, le voyant contemple les noces de l’Agneau et de l’Église (Ap 19 à 21).

Ce qu’il importe de remarquer ici c’est que, dans le mystère de son incarnation, le Verbe se faisant chair, se fait chair sexuée, donc limitée. Il entre dans la finitude d’un sexe. Il se fait homme (vir). Il n’est pas un sur-homme, qui comprendrait en lui les richesses de la masculinité et de la féminité, une sorte d’androgyne, au-delà de la distinction des sexes. Entrant dans la finitude d’un sexe, il fait sienne par conséquent la loi de collaboration ou de complémentarité de l’homme et de la femme, cette loi révélée par tout l’Ancien Testament. Le Verbe fait homme a besoin, pour son œuvre de salut, de la coopération de la Femme. Il ne fera rien sans son Épouse, l’Église. Il ne fera rien sans Marie.

V La coopération mariale

« Réjouis-toi, comblée de grâce … » (Lc 1,28) : la première parole dite par l’Ange à Marie lors de l’annonciation fait écho à celles que les prophètes Sophonie, Zacharie et Joël avaient adressées à la « Fille de Sion » (cf. supra).

Représentante de la communauté d’Israël, Marie consent au nom de toute l’humanité à l’incarnation du Fils de Dieu, à ses épousailles avec l’humanité entière. Elle est devant Lui, la Femme qui coopère à son dessein de salut.

À la Parole de Dieu qui lui révèle l’identité de son enfant (Jésus, messie et Fils du Très-Haut) en même temps que sa vocation personnelle, Marie répond par une adhésion de foi parfaite : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta Parole » (Lc 1,38). Elle ne se contente pas d’exprimer sa disponibilité au plan de l’agir (« qu’il m’advienne … ») ; elle se définit encore elle-même, au plan ontologique (« voici la servante du Seigneur »), par sa relation au Seigneur.

Résumant la méditation ecclésiale de l’Écriture à travers les siècles, c’est-à-dire la tradition de l’Église, le concile Vatican II proclame : « Le Père des miséricordes a voulu que l’acceptation de la mère prédestinée précédât l’incarnation. (…) Marie, fille d’Adam, consentant à la parole divine, est devenue mère de Jésus, et, embrassant de tout cœur, et sans être retardée par aucun péché, la volonté salvifique de Dieu, elle s’est offerte totalement comme la servante du Seigneur à la personne et à l’ œuvre de son Fils, se mettant, sous lui et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant, au service du mystère de la rédemption. C’est donc à bon droit que les saints Pères pensaient que Dieu ne s’est pas servi de Marie d’une façon purement passive, mais que dans la liberté de la foi et de l’obéissance, elle a coopéré au salut des hommes. C’est elle qui, comme dit saint Irénée, “est devenue par son obéissance, pour elle et pour tout le genre humain, cause du salut” » (LG 56).

Lors de l’annonciation, il est révélé à Marie que les derniers temps sont arrivés — le temps de l’accomplissement : « (Ton fils) sera appelé le Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob pour tous les siècles, et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1,32-33).

À la croix, Jésus se tourne vers Marie et, dans une parole déclarative4, lui dit, en montrant le disciple qu’Il aimait : « Voici ton fils ». Le Sauveur révèle à « la mère » (Jn 19,26) que sa souffrance, unie à Son sacrifice à Lui, est une souffrance d’enfantement. Il désigne en Jean5 l’enfant qui naît, à cette heure même, de cette souffrance conjointe à la sienne. « La femme, avait-il annoncé, quand elle enfante est dans la tristesse, parce que son heure est venue ; mais quand elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de l’affliction, dans la joie de ce qu’un homme est né » (Jn 16,21). À ce moment, Jésus appelle sa mère : « Femme » (Jn 19,26). Lui qui, pendant sa passion, a été manifesté comme « l’Homme » (Jn 19,5) reconnaît en elle la « Femme » par excellence, celle que les siècles attendaient depuis que le premier « homme avait appelé sa femme Ève, parce qu’elle fut la mère de tous les vivants » (Gn 3,20).

De l’Homme et de la Femme, du nouvel Adam et de la nouvelle Ève, naît une humanité nouvelle inaugurée par la « naissance d’enhaut » (cf. ce que nous dirons plus loin de Jn 3,1-18) du disciple aimé.

Jésus et Marie sont l’Homme et la Femme des derniers temps, l’Homme et la Femme eschatologiques, la parfaite révélation de l’Homme et de la Femme.

En mourant, le Verbe s’adresse donc à sa mère plein de reconnaissance. Il a pleine conscience de n’avoir pu épouser et sauver l’Humanité que grâce à l’humanité singulière (la chair finie) qu’Il a reçue d’elle. Il sait aussi qu’Il ne pourra continuer à « s’incarner », à naître dans le cœur de ses disciples, que s’Il trouve l’attitude d’humilité, de service, de disponibilité absolue qui fut celle de Marie. Il a la consolation de pouvoir appeler celle-ci « Femme ». Il donne Marie comme le prototype de l’Église, le prototype de la collaboration à sa volonté de sauver toute l’humanité. Il sait qu’Il est né de la Femme et qu’Il ne pourra jamais naître que de la Femme.

La loi de son incarnation à Nazareth (être conçu et enfanté par le oui) est la loi de son incarnation jusqu’à la fin des temps.

Lui, l’homme sauveur, est redevable à la femme. La loi du salut assume la loi de collaboration ou de complémentarité de l’homme et de la femme, énoncée dans la Genèse, reprise par les prophètes, méditée par les sages. Mais cette loi de complémentarité comporte aussi la consécration et la transfiguration de la finitude de chaque sexe. L’homme ne peut rien sans la femme (Jésus en a fait l’expérience), ni la femme sans l’homme. C’est en s’incarnant, c’est-à-dire en entrant dans la finitude d’un sexe et d’une chair finie, qu’Il a sauvé le monde. L’Infini n’a sauvé qu’en se faisant fini.

Dans sa conception, Jésus n’a pas eu de père humain. Il n’a pas inauguré une lignée masculine. En effet, étant le Fils Unique du Père, Il est l’Universel. Mais Il a la joie de se tourner vers sa mère et de l’appeler « Femme », c’est-à-dire de reconnaître en elle la continuité possible, l’enfantement des générations à travers le temps. Et elle ne peut être telle que parce qu’elle-même est restée vierge, a renoncé à une autre descendance que Lui, pour ne plus être occupée que de l’enfanter Lui, l’Unique. Par là, elle a atteint à l’éternel. Elle est « la Femme éternelle »6.

L’intuition-mère de Vatican II, au chapitre 8 de Lumen gentium, nous permet d’entrevoir la pensée divine : la singularité de Marie (avec l’ensemble des grâces qu’elle comporte) ne constitue pas un privilège tout individuel ; elle résulte au contraire de la mission dévolue à Marie de toute éternité de représenter (au sens le plus fort du mot) pour le Christ-Jésus lui-même et pour nous, l’Église, prémices de l’Humanité entière ; Marie est la « figure » ou le « type » de l’Église.

C’est par amour pour sa personne singulière que Marie a reçu de Dieu les grâces qui la font qui elle est, mais, dans la pensée de Dieu, la personne de Marie est inséparable de son union intime au mystère de l’Église. Il en découle que c’est en même temps par amour de toute l’Église, par amour pour nous tous, que Marie a été comblée par le Seigneur des dons qui la définissent et qui définissent aussi l’Église ou ce que celle-ci est appelée à être.

Si l’on tient que l’incarnation et la croix sont les conditions de possibilité de la création7, le oui de Marie à l’annonciation et à la croix conditionnent non seulement l’ œuvre du salut, mais la création elle-même. Marie réalise ainsi pleinement ce qui a été dit de la Sagesse dans l’Ancien Testament. En dépendance du Christ, elle est la créature première-née qui coopère à l’ œuvre créatrice elle-même.

VI Le « Fils Unique ». La « mère de Jésus »

À Nicodème, Jésus révèle la nécessité de « naître d’en-haut » (Jn 3,3) et il précise que cette naissance s’effectue par « l’eau et l’Esprit » (Jn 3,5). « Comment cela peut-il se faire ? », demande Nicodème. Jésus répond : « Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’Homme soit élevé afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle. Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3,14-16).

La naissance à la vie divine, à la vie éternelle, se réalisera donc quand Jésus sera élevé sur la croix. Effectivement, c’est à la croix que Nicodème devient pleinement croyant, pleinement disciple (cf. Jn 19,39). Mais sa « naissance » a été d’abord signifiée, symbolisée, par la naissance du « disciple que Jésus aimait », type de tout disciple.

Dans l’évangile de Jean, Jésus meurt en spirant l’Esprit : « Inclinant la tête, il livra l’Esprit » (Jn 19,30). Et de son côté ouvert coule, avec le sang, l’eau annoncée en Jn 7,38-39 : « de son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit ». Les conditions de la naissance d’en-haut (l’eau et l’Esprit) sont ainsi réalisées.

En cet instant, le Crucifié révèle à Marie qu’elle est en train, par sa souffrance, de donner la Vie : « Voici ton fils » (Jn 19,26), et au disciple, qu’il est en train de naître : « Voici ta mère » (Jn 19,27). En dépendance de Jésus, Marie donne la Vie d’enfant de Dieu au disciple.

Mais c’est le Père qui est la source de la Vie que Jésus est venu apporter (cf. Jn 10,10, etc.). C’est le Père qui engendre le disciple bien-aimé comme son fils dans le Fils unique. C’est le Père qui l’engendre à sa vie d’« enfant de Dieu » (Jn 1,12). Et cela à travers la mort de son Unique et la souffrance de la Femme. Il ne s’agit pas de n’importe quelle vie divine, mais de la Vie du Père.

L’unicité du Père, source de la Vie, n’est véritablement accueillie que si l’on reconnaît l’unicité du Fils, le « Monogène, l’Unique engendré » (Jn 1,18)8, de la plénitude duquel tous les fils reçoivent leur filiation ; que si l’on a une vive conscience de l’unicité de Jésus qui, seul, peut dire sans nuance : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14,9).

Or, c’est la mère de Jésus qui est la garante de l’unicité de celui-ci. Pour Jésus, être le fils de Marie, c’est avoir reçu d’elle un corps absolument singulier, signe de son unicité dans l’histoire des générations humaines. Donner sa mère à Jean, pour le Christ, c’est, au moment où son disciple naît comme fils de Dieu en Lui, le Fils, lui montrer qu’il ne reçoit cette filiation que parce qu’il Le reconnaît, dans son unicité de Fils, comme source unique parmi les hommes de la Vie qui vient du Père, source qui jaillit à travers son corps de chair (cf. l’eau et le sang en Jn 19,34). Il faut en effet que soit manifesté, au moment où elle est pleinement donnée et révélée, que la filiation divine des enfants de Dieu a son origine en Jésus seul, cet homme singulier, mourant sur la croix pour transmettre la Vie du Père.

Mais cela, il ne suffit pas de le « savoir ». Il faut qu’une médiation soit là pour le signifier efficacement. L’homme est si prompt à s’approprier la source, à se faire source, à se diviniser. Cette médiation efficace, c’est la présence de Marie, la mère de Jésus — Marie qui rappelle par son être de mère, l’unicité de la chair singulière et sexuée du Fils de l’homme9.

Pour Jean, « prendre chez soi » Marie, c’est recevoir pleinement sa filiation divine en reconnaissant sans aucune ambiguïté que cette filiation vient d’un Autre, de Jésus, qu’elle a sa source unique en Jésus. La seule relation à Jésus ne suffit pas à sauvegarder l’altérité d’avec Lui à l’intérieur de l’identification à Lui (fils dans le Fils). Il faut accueillir Marie pour que cette altérité (l’unicité de la Source) soit pleinement sauve, à l’intérieur de l’identification. La relation à Jésus n’est pleinement juste que si elle s’accompagne de la relation à Marie.

Jésus trouve ainsi en Marie, dans son œuvre du don de la Vie, sa parfaite collaboratrice.

VII Le Prêtre unique et Marie, figure du Sacerdoce éternel

Jésus, le Fils unique, le Médiateur unique, est aussi le Grand-Prêtre unique. Son acte sacerdotal posé à la croix — acte de parfaite adoration du Père, acte de salut et de sanctification universels pour les hommes — est pleinement reçu, accueilli, fait sien par Marie qui, en tant que « la mère » (universelle) et en tant que « la Femme », est à côté de l’Époux unique de l’Humanité, la figure de l’Épouse, la figure de l’Église, de telle sorte qu’elle peut être dite en toute vérité « le sacerdoce commun en personne »10, c’est-à-dire le sacerdoce que l’Église tout entière reçoit du Christ, dans l’acte même du salut. Être sauvée, c’est pour l’Église devenir Église sacerdotale.

Se recevant de Jésus et de Marie comme fils du Père, ainsi que nous l’avons vu, c’est aussi de Jésus et de Marie, figure de l’Église, que Jean reçoit son sacerdoce, ce sacerdoce que nous appelons « sacerdoce ministériel » ou « hiérarchique ». Jean est en effet clairement l’un des Douze : il apparaît constamment lié à Pierre. S’il ne recevait son sacerdoce de Jésus et de Marie, garante de l’unicité de Jésus, il risquerait de s’approprier indûment son sacerdoce, de s’identifier purement et simplement au Prêtre unique, sans que soit sauvegardée son altérité d’avec Lui. Le disciple que Jésus aimait se dissimule, croyons-nous, et se révèle d’une manière cryptique, sous la figure de Jean le Baptiste qu’il présente comme le « témoin » dès le Prologue de son Évangile (Jn 1,6-8 et 15) et qu’il appelle « l’ami de l’époux » (Jn 3,29). Or, il fait dire au Baptiste : « Je ne suis pas le Christ » (Jn 3,28). L’apôtre Jean dit aussi comme prêtre : « Je ne suis pas le Christ, je ne suis que son représentant ».

Comment cet homme, Jean, pourrait-il comprendre sa vocation particulière dans l’Église, s’il ne se savait pas d’abord enfant de l’Église, avant d’y assumer un rôle paternel et maternel ? Comment le pourrait-il si son sacerdoce n’était situé que dans le collège masculin des Douze ? Comment pourrait-il vivre son sacerdoce pour l’Église-Épouse, féminine, s’il n’était pas d’abord lui-même Église-Épouse, dans la foi et l’amour pour l’Époux Unique ? Et cela, comment le pourrait-il s’il n’avait pas devant les yeux celle qui est en personne l’Église-Épouse, Marie, et s’il ne pouvait symboliquement s’identifier à elle par l’amour ? D’ailleurs comment pourrait-il accueillir sa vocation propre s’il ne faisait sienne l’attitude mariale et sponsale qui lui a été montrée dès Cana : « Quoi qu’Il vous dise, faites-le » (Jn 2,5) ?

S’il n’entre pas dans cette attitude féminine et sponsale — et il ne le peut que par la médiation de Marie qu’il « prend chez lui » (Jn 19,27) —, il se croira source immédiate de vie (par les sacrements qu’il donne), d’une manière indue, exclusivement masculine, dominatrice, « cléricale » dirions-nous aujourd’hui.

Il apparaît ainsi dès maintenant que toute atténuation de la médiation mariale dans l’Église ne peut avoir pour effet qu’une inflation du pôle hiérarchique, épiscopal, presbytéral, diaconal.

Nous venons de voir comment l’Église naît à la Croix : le Christ, donnant sa vie, fait appel à la Femme ; celle-ci enfante dans la douleur ; le disciple accueille le Fils unique et sa Mère. Ces trois actes constituent l’Église. La vie intime de l’Église nous est ici révélée. Il y a unité, communion dans l’amour, de ces trois personnes : Jésus, Marie, Jean. Nous contemplons en eux la Communion trinitaire elle-même : Jésus est l’image du Père, Jean est l’image du Fils, Marie est l’image de l’Esprit.

Il ressort de ce qui précède que la structure sacerdotale de l’Église du Christ est une réalité très complexe : elle comprend trois éléments inséparables11 : 1) Jésus, le Verbe incarné, le Grand-Prêtre unique ; 2) le sacerdoce commun des fidèles ; 3) le sacerdoce hiérarchique. Dans la participation au Christ, Unique Prêtre, les rapports du sacerdoce hiérarchique et du sacerdoce commun sont eux-mêmes complexes. D’une part, de même que le sacerdoce du disciple s’origine en Jésus, le sacerdoce commun des fidèles ne s’exerce jamais que suscité par le sacerdoce hiérarchique mis en œuvre in persona Christi. D’autre part, dans la mesure où il naît de la plénitude du sacerdoce commun d’emblée atteinte par Marie et dans la mesure où il se reçoit toujours de l’Église (non seulement hiérarchique) et dans l’Église, le sacerdoce ministériel trouve sa condition de possibilité dans le sacerdoce commun. Après la scène christique, mariale et johannique, de Jn 19,25-27, l’évangéliste continue : « Après quoi, sachant que dès lors tout était achevé, … » (Jn 19,29). S’il peut s’exprimer ainsi, n’est-ce pas que le sacerdoce du Christ a pu être totalement participé dans le sacerdoce du disciple, grâce à la médiation de la plénitude du sacerdoce marial ?

Expliquons-nous. En offrant sa vie sur la croix, le Christ, le Verbe incarné, pose son acte sacerdotal, « pour la gloire de Dieu et le salut des hommes », une fois pour toutes, in aeternum. Cet acte est d’emblée accueilli en plénitude, sans aucune restriction, par Marie, l’Immaculée, de telle sorte que l’acte sacerdotal de Marie s’égale, dès cet instant, au sacerdoce éternel de l’Église, tel qu’il s’exercera non seulement jusqu’à la fin des temps, mais au-delà même de la Parousie, tel que nous pouvons déjà en contempler l’exercice dans le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse. Lumen gentium note, en effet, que « l’Église pérégrinante, dans ses sacrements et dans ses institutions qui appartiennent à cette phase présente, porte le visage fugace de ce siècle » (n. 48), tandis que Marie est « l’image et le commencement de l’Église à venir » (n. 68). La mission des évêques et de leurs collaborateurs ordonnés est de représenter le Christ Seigneur et Rédempteur, d’agir – ainsi que nous l’avons dit – in persona Christi, de Le signifier sacramentellement comme Source de la grâce dans l’Église. Cette mission durera « jusqu’à la fin des siècles » (LG 20 ; cf. aussi LG 18 et 19). Mais il est évident que la Parousie y mettra fin. Dès que l’humanité sera mise en la présence immédiate du Seigneur, il n’y aura plus à Le « représenter ». La mission de l’Église hiérarchique est coextensive au temps. Elle ne s’étend pas au-delà de l’histoire, tandis que la liturgie sacerdotale de l’Église ne prendra pas fin pour autant. Elle est éternelle. En Marie cette éternité du sacerdoce ecclésial est déjà présente. Marie symbolise (au sens fort du mot) le sacerdoce éternel de l’Église12.

VIII La pensée du Verbe

Jésus a reconnu en Marie la réception totale de son acte sacerdotal posé « une fois pour toutes » (He 9,12) à la croix. Marie est ainsi le signe du caractère unique, définitif, absolument non-réitérable, complet, éternel, de cet acte. À cette lumière apparaît comme totalement absurde l’idée qu’elle aurait pu recevoir « en plus » le sacerdoce ministériel, dont la fonction est de susciter le Christ par la parole et les sacrements et qui est donc, par nature, lié à l’aspect « non encore accompli » de l’ œuvre du salut. En tant que mère universelle, Marie est au contraire la condition de possibilité, la condition de réception de tout ministère dans l’Église.

Marie appartient à l’« heure » (cf. Jn 17,1) de l’accomplissement du Sacerdoce. En elle, parce qu’elle y consent sans la limite d’aucun péché, le sacerdoce de Jésus obtient son plein effet, de telle sorte qu’il devient, ainsi pleinement reçu, sacerdoce commun. Jésus et Marie sont ensemble, à des plans différents, à la source de toute grâce, de tout sacrement.

Marie est ainsi la « Femme » eschatologique. En elle, la femme atteint son accomplissement et sa signification théologique ultimes. Dans l’Ancien Testament déjà toute femme était symbole de l’Épouse, du Peuple élu, de l’Humanité. Fidèle à cette symbolique, le Verbe fait chair suscite — et reçoit de son Père — en Marie une réalisation concrète, personnelle, dépassant toute attente, de ce qui était annoncé. Il ne convie aucune femme au sacerdoce ministériel, mais en donnant à la personne de Marie une signification universelle, il appelle toutes les femmes à symboliser, comme elle, le caractère éternel de son sacerdoce. Dans l’évangile de Jean, en parfaite continuité avec la scène du Calvaire que nous avons longuement méditée (Jn 19,25-37), c’est Marie de Magdala qui, la première, court au tombeau, voit le Ressuscité, et reçoit la mission d’annoncer aux « frères » qu’Il est vivant (cf Jn 20,1-18). Dans le prolongement de la « femme » présente à la croix, elle est pour les apôtres eux-mêmes la médiatrice du Vivant, la mère.

En Marie, c’est donc la signification théologique de la féminité elle-même qui nous est révélée. La femme est symbole marial, symbole d’une fécondité christique universelle, dépassant le temps, débordant sur l’éternité. Pour cette raison même, le Christ ne pouvait la limiter à une fonction, fût-ce celle du sacerdoce ministériel. Elle symbolise le sacerdoce commun, éternel, toujours à la source du sacerdoce ministériel.

Fondé dans son corps, le symbolisme de la femme dépasse le plan des corps. Les hommes peuvent et doivent s’y reconnaître. Marie symbolise l’Église, les hommes y compris. La totalité des femmes est appelée à symboliser le sacerdoce éternel du Christ ; un certain nombre d’hommes sont appelés au sacerdoce ministériel.

Nous avons vu que, dès la Genèse, Dieu ne se dit que par les deux sexes, à travers leur complémentarité. Il en va toujours de même quand il s’agit d’exprimer le sacerdoce de l’unique Grand-Prêtre. Certains hommes sont appelés dans l’histoire à représenter le Christ prêtre, à agir in persona Christi, signes que l’ œuvre de la rédemption se continue, qu’elle n’est pas encore arrivée à son accomplissement. Mais cette représentation du Christ par des êtres de même sexe que lui, qui font souvenir ainsi qu’Il nous a sauvés à travers une chair finie, sexuée — cette représentation appelle, pour être pleinement signifiante (pour être un signe d’espérance et non de désespoir !), la collaboration de l’autre sexe : la symbolisation du caractère déjà totalement accueilli du salut en Marie, son caractère définitif, éternel. La totalité des femmes est invitée à en témoigner, à exister et à agir in persona Mariae. Ainsi la distinction fondamentale de l’humanité, la distinction homme/femme, est appelée à devenir signe du salut. Celui-ci exigeait, pour se dire, un signe aussi essentiel.

Jésus a donc reconnu en Marie la Femme des derniers temps, celle qui accomplit en perfection la Femme de l’Alliance. Il voit en elle la signification théologique ultime de la féminité elle-même, de toute femme. Il appelle toutes les femmes à vivre leur vocation mariale.

Si Jésus et Marie sont l’Homme et la Femme eschatologiques, il était impossible que cette réalité eschatologique ne détermine pas l’histoire et la structure même de l’Église ainsi que l’exercice du sacerdoce en celle-ci.

En liant la distinction du sacerdoce commun et du sacerdoce ministériel à la distinction des sexes, Jésus reste fidèle à la symbolique de l’Ancien Testament et donne une force inouïe tant à la distinction interne au sacerdoce qu’à la distinction et à la signification théologique des sexes.

La distinction du sacerdoce commun et du sacerdoce ministériel, ainsi que la distinction des sexes, appartiennent à la sacramentalité de l’Église. En promouvant les deux distinctions dont nous venons de parler, l’Église est « sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1).

Elle promeut la signification théologique des sexes, elle aide l’homme et la femme à se trouver. Cela, à travers l’acceptation de la finitude sexuelle elle-même, à l’exemple du Verbe incarné.

Selon nous, la position de la femme par rapport au sacerdoce ne peut pleinement se comprendre qu’à la lumière de la théologie mariale13. C’est à partir de son regard sur Marie que Jésus a pensé l’articulation de ce que nous appelons le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun.

Notes de bas de page

  • 1 Ce qui laisse entendre que Dieu lui-même est un mystère de communion.

  • 2 Cf. Gn 4,1 : « L’homme connut Ève sa femme. Elle devint enceinte et dit : j’ai procréé un homme de par le Seigneur ».

  • 3 Les textes prophétiques que nous utiliserons sont bien connus. On nous permettra de simplement les remettre en mémoire et de ne les commenter que brièvement.

  • 4 Cf. de Goedt M., « Un schème de révélation dans le quatrième évangile », dans New Testament Studies 8 (1961-62) 142-150.

  • 5 L’auteur du quatrième évangile, le « disciple que Jésus aimait » (cf. Jn 21,24), ne se donne jamais, on le sait, sous un nom particulier, sans doute parce qu’il se voit comme le type de tout disciple. Nous l’appelons Jean avec toute la tradition (qui remonte à Polycarpe et à Irénée).

  • 6 Pour une justification de cette expression, on se reportera au livre de Gertrud von Le Fort qui a précisément pour titre La Femme éternelle.

  • 7 Cf. von Balthasar H.U., Théologie de l’histoire, préf. A. Béguin, Le Signe/Fayard, nouv. éd., 1970, p. 82. Balthasar cite Pedro de Godoy (†1677) : « Dans l’ordre de l’intention, le Christ, non seulement quant à l’incarnation en général, mais aussi quant aux conditions prochaines de possibilité de l’incarnation, et comme rédempteur effectif, fut voulu avant les choses d’ordre naturel, avant celles qui appartiennent à l’ordre de la grâce, et avant la permission du péché. Par la passion, il nous a mérité d’exister, puisque notre être … fut l’effet de la prédestination, et par conséquent (parce que nous sommes prédestinés dans le Christ et comme ses frères) le prix des mérites de la passion et de la mort du Christ ».

  • 8 Jésus dit, d’une manière stupéfiante, aux pharisiens qui croient dans le Dieu d’Israël, qu’ils ne connaissent pas son Père (Jn 8,19). Cela parce qu’ils ne le reconnaissent pas : « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père ».

  • 9 « La médiation unique du Rédempteur n’exclut pas, mais suscite chez les créatures, une coopération variée qui participe de l’unique source » (LG 62).

  • 10 Cf. Congar Y., « La personne “Église” », dans Revue Thomiste (1971) 613-640, et surtout von Balthasar H.U., Qui est l’Église ?, prés. et tr. M. Vidal, coll. Cahiers de l’École Cathédrale 45, Paris, Parole et Silence, 2000.

  • 11 On ne devrait jamais parler du sacerdoce ministériel sans parler aussi du sacerdoce commun auquel le premier est ordonné. Cf. dans A. Chapelle, Au creux du rocher. Itinéraire spirituel et intellectuel d’un jésuite, Bruxelles, Lessius, 2004, « Pour la formation sacerdotale du Peuple de Dieu », p. 143-153. H.U. von Balthasar écrit : « Le sacerdoce commun des fidèles constitue, avec Marie comme principe premier et archétype, la base et la condition de possibilité du sacerdoce ministériel » (La Dramatique divine. III. L’action, Namur, Culture et Vérité, 1990, p. 370). Rappelons ce que dit Lumen gentium : « Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, bien qu’ils diffèrent entre eux d’essence, et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre ; car l’un et l’autre participent, chacun d’une façon particulière, à l’unique sacerdoce du Christ » (LG 10, nous soulignons).Que le sacerdoce commun soit ordonné au sacerdoce hiérarchique, c’est un des thèmes principaux du présent article. Si nous insistons d’autre part sur le fait que le sacerdoce hiérarchique est ordonné au sacerdoce commun des fidèles, c’est pour mettre en lumière que le sacerdoce hiérarchique n’a pas en lui-même sa finalité : il n’a été institué que pour susciter et promouvoir le sacerdoce de toute l’Église. Il est regrettable, nous semble-t-il, que les Documents officiels de l’Église concernant la femme et le sacerdoce : Inter insigniores (1976) et Ordinatio sacerdotalis (1994) ne parlent pas du sacerdoce commun (à peine une ligne dans le premier de ces Documents).

  • 12 « En vérité, la réalité de l’Église ne s’épuise pas dans sa structure hiérarchique, sa liturgie, ses sacrements, ses ordonnances juridiques. Son essence profonde, la source première de son efficacité sanctificatrice sont à rechercher dans son union mystique avec le Christ ; union que nous ne pouvons concevoir en faisant abstraction de celle qui est la Mère du Verbe incarné, et que Jésus-Christ a voulu si intimement unie à lui pour notre salut » (Paul VI, Discours de promulgation de la Constitution dogmatique Lumen gentium, le 21 novembre 1964, dans Doc. Cath. 1437 [61, 1964] 1543-1544).

  • 13 On aura toujours profit pour le sujet qui nous occupe à se reporter à l’article déjà ancien de J. Bodson, « La Femme et le Sacerdoce », dans Vie consacrée 54 (novembre-décembre 1972) 342-367.

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