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Le processus « Aller au coeur de la foi » conduit par les évêques de France

Jean-Claude Reicher
Le document «Aller au coeur de la foi» (2003) a été publié par les évêques de France en vue de susciter un renouvellement de la pratique catéchétique dans le pays. À bien des égards en effet, la situation actuelle en France est inédite: à côté du catéchisme adressé aux enfants dans des parcours paroissiaux linéaires orientés vers les sacrements, naissent toutes sortes d'initiatives destinées à des adultes 'recommençants' ou en quête de sens pour leur existence. Les évêques ne proposent pas une nouvelle méthode catéchétique. Ils cherchent à refonder la nature même de la responsabilité catéchétique. Ils invitent pour cela tout chrétien à aller au coeur de la foi tel que l'expérience de la nuit pascale le fait vivre. Cette célébration d'une liturgie devient, par delà le clivage entre ceux qui savent et ceux qui ont à apprendre, le lieu même où tout un peuple en marche, revient à ce qui fonde sa foi dans l'Église.

J’ai été invité à présenter quelques hypothèses qui se dessinent aujourd’hui pour la catéchèse en France. Je le ferai du point de vue concret de l’opération que les évêques de France ont décidé de conduire à l’issue de leur dernière assemblée plénière, en novembre 2002. Ils ont en effet appelé tous ceux qui le voudraient bien, à entrer dans un processus destiné à « renouveler la pratique de la catéchèse en France ». Cette opération, actuellement en cours, est comme cristallisée dans un instrument de travail paru à cet effet en février 2003 sous le titre : Aller au cœur de la foi1.

Je commencerai par décrire la situation qui a conduit à un tel projet et les raisons d’être d’une telle opération. Puis j’évoquerai l’un ou l’autre enjeu qui se dégage dès à présent, pour autant qu’on puisse déjà esquisser des débouchés possibles, puisque c’est aux évêques eux-mêmes qu’il appartiendra de valider dans un nouveau Directoire National les perspectives qu’il leur paraîtra souhaitable et nécessaire de retenir pour l’Église de France.

I La situation en quelques brèves observations

Quelques constats largement partagés permettent de se faire une idée concrète des défis, questions et mutations qui interrogent aujourd’hui l’action catéchétique en France.

1. Je le rappelle d’emblée : il n’y a pas en France d’autre possibilité institutionnelle pour organiser la catéchèse que l’espace paroissial. C’est en paroisse, et avec les seuls moyens paroissiaux, que la catéchèse est réalisée2. Cette situation est connue, mais on n’en mesure pas toujours ailleurs les conséquences. Je me contenterai de souligner ici que la surface de contact qui permet de proposer la catéchèse est de ce fait de plus en plus étroite, à telle enseigne que des campagnes de communication (affichage public, tracts, conférences de presse…) sont maintenant couramment organisées par les diocèses au moment de la rentrée scolaire. Il s’agit par là moins de « vendre » un produit que d’informer très largement, parce que la proposition que fait l’Église n’est plus identifiée socialement.

2. Notre situation en France repose pour une grande part sur un texte-cadre publié en 1980 et couramment appelé Texte de référence3. Comme le dit son véritable titre, ce texte se préoccupe exclusivement de la catéchèse des enfants. Ce cadre a entraîné l’idée qu’il y aurait en quelque sorte une équation entre « catéchèse » et « enfants ». Effectivement, dans l’esprit de beaucoup, la catéchèse se réduit au « caté » des enfants. Quand on est responsable d’une autre activité ecclésiale ou d’un autre âge, on estime ne pas être concerné par « la catéchèse », parce que ce terme évoque automatiquement l’institution du catéchisme.

3. Le même Texte de référence établit que la catéchèse se déploie normalement sur cinq années. Il part surtout du principe que ce « parcours » linéaire est de nature à garantir le caractère organique et complet de la proposition. Or la participation à ce dispositif de cinq ans se fait aujourd’hui en pointillé. On entre dans le parcours en cours de route et on en sort souvent avant terme. Ce qui était pensé comme une institution cohérente s’affronte aujourd’hui à une autre manière de nous inscrire dans le temps. La participation « linéaire » à un programme étalé dans le temps est aujourd’hui de plus en plus remplacée par la participation à des temps forts. On pense en modules limités dans le temps.

4. Pour autant, le constat que nous faisons aujourd’hui n’est pas un constat de désolation. Toutes sortes de demandes surgissent en effet en-dehors du cadre que nous avons pris l’habitude de donner à la catéchèse. Les mouvements d’enfants et de jeunes repensent leur pédagogie pour accueillir et répondre aux questions de foi qui s’expriment en leur sein4. Les aumôneries de l’enseignement public organisent actuellement des mini-stages de la foi. Les équipes de préparation au mariage ou d’accompagnement des familles en deuil attestent qu’il y a aujourd’hui une attente et un appétit pour des questions de la foi. Dans cet ordre d’observation, on fait souvent remarquer le développement extrêmement rapide du catéchuménat des adultes et de ce qu’on appelle en France « les recommençants à croire ».

5. Cette situation relativement nouvelle porte en elle un défi dont nous commençons à peine à prendre la mesure. Nous avons en effet hérité d’une conception selon laquelle la catéchèse s’adresse à des croyants, avec la fonction de structurer ou de rendre intelligible la foi de ces croyants. Difficile de rester sur cette position quand les personnes ne s’adressent plus à l’Église pour demander le catéchisme déjà préparé à leur intention. À titre d’exemple : dans le cadre de la catéchèse des enfants de 8-12 ans, il y a en France environ 50.000 enfants en catéchèse qui ne sont pas baptisés et qui, pour une grande part ne demanderont pas le baptême. Or notre héritage nous conduit naturellement à présupposer un éveil de la foi chez ceux à qui nous nous adressons.

6. Cela veut donc dire qu’il y a aujourd’hui des personnes qui peuvent manifester de l’intérêt pour une proposition catéchétique sans pour autant être prêtes à accepter l’ensemble du chemin. Or notre pratique associe encore automatiquement la célébration des sacrements au parcours catéchétique5. Inversement, des personnes viennent demander un sacrement et sont très étonnées que cela nécessite un parcours de catéchèse qui y achemine. Nous avons été habitués à ne jamais dissocier catéchèse et célébration des sacrements. Mais qu’en est-il lorsque des éléments de la vie de foi que nous estimons essentiels ne trouvent plus leur place ? On pourrait se donner comme tâche de les expliquer à nouveau. Mais le problème ne vient pas d’une méconnaissance d’abord. Aujourd’hui, la requête des personnes s’exprime à l’égard des questions de leur existence. Un sacrement donne-t-il de quoi faire la route ? C’est là que se noue l’intérêt.

C’est sur l’horizon de cet état des lieux que les évêques de France ont souhaité appeler l’ensemble des chrétiens à réfléchir à un renouvellement de notre pratique catéchétique.

II L’opération actuellement en cours

1 Un pas en arrière

Il a d’abord semblé aux évêques de la Commission épiscopale de la catéchèse et du catéchuménat que la situation nécessitait de faire un pas en arrière. Lorsque les questions se posent dans les termes où elles se posent, il ne suffit pas de simplement réformer la pratique existante. Il faut accepter de refonder la nature même de la responsabilité catéchétique. Je dis bien refonder la responsabilité engagée en catéchèse, et non pas refonder la pratique de la catéchèse.

Les évêques ont souhaité que nous nous projetions dans l’avenir sans commencer par nous demander comment nous pourrions faire autrement ce que nous nous représentons par « catéchèse ». « Avant de décider ce qu’il conviendra de faire et avant de choisir les moyens pour le faire »6, disent-ils, prenons le temps de nous remettre au clair sur l’intention qui nous anime quand nous mettons en œuvre la catéchèse dans la société actuelle. Prenons le temps de clarifier la nature de la responsabilité que l’Église engage en catéchèse. Redisons-nous l’utilité que nous attendons de cette action et donc les raisons que nous avons d’y investir, en moyens, en personnes, en formation.

Ce choix de faire un pas en arrière n’a pas été immédiatement compris, tant les attentes du terrain sont pressantes : demandes d’organisations nouvelles, de méthodes renouvelées, de livres adaptés… N’allions-nous pas inutilement perdre du temps ? On peut dire aujourd’hui qu’il a favorisé au sein des communautés chrétiennes le sentiment d’être engagé et pris au sérieux dans une véritable recherche.

2 Un détour

Ce choix s’accompagnait d’une profonde conviction : il nous faut consentir à vivre des déplacements. En réfléchissant aux questions de la catéchèse à partir de ce que chacun de nous en pense déjà, nous risquons fort d’apporter aux questions nouvelles un habillage de réponses anciennes. Pour renouveler notre pratique de la catéchèse, il faut donc que quelque chose vienne nous renouveler nous-mêmes. Il nous faut vivre un détour qui nous déplacera dans le regard que nous portons sur les choses. Et voilà la nature du détour proposé : « Nous sommes persuadés qu’il nous faut aller ensemble, les uns avec les autres au cœur de la foi »7.

C’est en raison des données nouvelles observées que ce choix fut fait. « Aujourd’hui, disent les évêques, frappent à la porte des personnes qui cherchent un chemin possible. De l’Évangile ils attendent une force de renouvellement pour l’existence. La catéchèse doit alors se préoccuper de ce que des hommes et des femmes puissent se tenir dans la vie en croyants »8. C’est la situation dans laquelle s’exerce la catéchèse aujourd’hui qui demande que nous réinvestissions sérieusement la vie de foi, en allant chercher les éléments qui structurent et animent en profondeur notre vie en relation avec Dieu. Comment l’Église pourra-t-elle apporter l’aide attendue si elle ne va pas elle-même au cœur de la vie de foi ?

La mise en œuvre de la démarche atteste que cette proposition a rencontré des attentes qui étaient sans doute déjà présentes et que le document est venu cristalliser. « Nous sommes toujours dans le faire » entendons-nous dire, « jamais nous ne prenons le temps de partager autour des questions de la foi ». L’éveil de ce goût pour le partage des questions de foi sera, à mon sens, déterminant pour demain.

3 Une démarche spirituelle

On aurait pu envisager que les évêques invitent les chrétiens à discuter de ce qui, pour eux, était le cœur de la foi. Il n’en a rien été. Pour vivre ce détour par le cœur de la foi, les évêques ont fait un choix de méthode. « Pour guider cette démarche, nous avons fait le choix d’aller à ce cœur (de la foi) tel que la veillée pascale nous le fait vivre chaque année »9. Où est la pertinence de ce choix ? Nous avons l’habitude de réfléchir aux nécessaires connexions entre catéchèse et liturgie. Mais quel est le point de jonction entre le projet de refonder la nature de la responsabilité catéchétique et le choix de passer pour cela par la liturgie pascale ? C’est dans le verbe « vivre » que se trouve la clé du projet.

Les évêques n’ont pas choisi la veillée pascale parce qu’elle offrirait une sorte de résumé de la foi, et que ce résumé pourrait avantageusement devenir une sorte de nouveau programme pour la catéchèse (un nouveau « catéchisme »). Les évêques n’ont pas non plus choisi la veillée pascale parce que cette liturgie serait un « modèle » de démarche pour toute méthode catéchétique. Il ne s’agit pas plus de réfléchir à la catéchèse à partir de ce que nous dirions au sujet de la liturgie, à partir d’enseignements que nous en retirerions ou à partir de significations que nous lui donnerions. En appelant à faire le détour par la veillée pascale, les évêques souhaitent que nous soyons menés au cœur de la foi par les « expériences de la foi » que fait vivre la liturgie.

C’est donc une invitation à se laisser mettre en mouvement, à se laisser emmener, toucher, déplacer par les expériences croyantes dans lesquelles la communauté chrétienne est établie lorsqu’elle célèbre cette liturgie : l’expérience d’être une communauté rassemblée dans la foi et la prière, mais dehors, sur le parvis ; l’expérience de constituer un peuple marchant derrière le Christ mort et ressuscité ; l’expérience de Dieu qui entre en conversation avec nous ; l’expérience d’être précédés par des hommes et des femmes qui se sont aventurés dans ce chemin de croyants avant nous ; l’expérience que vivre le compagnonnage avec le ressuscité passe par des renonciations ; l’expérience que c’est Dieu le premier qui s’offre à nous gratuitement ; l’expérience d’être renvoyé dans la nuit du monde avec la certitude que le jour va se lever.

C’est à partir de la résonance en nous de ces expériences de la foi que les évêques souhaitent voir s’organiser la réflexion. C’est donc bien une aventure spirituelle qui est proposée et non un débat sur l’opportunité de telle ou telle hypothèse d’organisation ou de méthode. C’est une aventure, parce que personne ne sait par avance où cette démarche nous conduira (il s’agit justement de se laisser renouveler !). Elle est « spirituelle » parce que nous acceptons de « recevoir » orientations et impulsions du chemin de foi qu’une liturgie nous fait faire par sa force propre (sans partir d’hypothèses et d’idées que nous aurions déjà nous-mêmes).

4 Une démarche ecclésiale

Les évêques ont voulu adresser cette invitation à tout le Peuple de Dieu et non pas aux seules personnes en charge de catéchèse ou aux seuls spécialistes des questions catéchétiques. Pour vivre la démarche, nul n’a besoin en effet d’être déjà familier de la chose catéchétique. On peut être à la fois responsable de catéchèse et « simple » baptisé, responsable pastoral et catéchiste de base, habitué de la paroisse et adulte simplement soucieux que l’Église continue à investir le champ éducatif… Si c’est bien la liturgie qui conduit la démarche, la liturgie elle-même et non ce que nous en disons, pensons ou déduisons d’elle, alors tout le monde se trouve à pied d’égalité, parce que chacun est interpellé et mobilisé comme croyant et non comme chrétien engagé dans telle ou telle tâche. Chacun est concrètement mené au cœur de ce qui fait la vie de foi, bien en deçà d’une tâche dont il serait le responsable, l’organisateur ou le spécialiste.

Dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons pas continuer à considérer que la responsabilité catéchétique est la seule affaire de ceux à qui on a confié la charge de faire la catéchèse. Il nous faudra, disent les évêques, quitter une représentation des choses que nous avons héritée. Je veux parler de cette idée selon laquelle il y aurait d’un côté ceux qui ont la foi et de l’autre ceux à qui il faut enseigner cette foi, d’un côté ceux qui savent, de l’autre ceux qui ont encore à apprendre. Cette distinction a progressivement conduit nos communautés chrétiennes à se préoccuper seulement de trouver les personnes qui feront la catéchèse. Or il s’agit aujourd’hui de susciter des communautés chrétiennes où la vie ecclésiale elle-même donnera à voir et à goûter les expériences qui structurent la vie de foi. « C’est au cœur des communautés chrétiennes que nous voulons replacer la catéchèse », disent les évêques10.

Cette option a autant surpris que mobilisé. Elle a surpris parce que tout le monde s’attendait à un premier texte d’orientation que les évêques soumettraient au débat11. Elle a mobilisé parce que l’invitation à vivre un chemin de croyant rejoignait sans doute une réelle soif de partage et de questionnement croyant qui était déjà présente dans les communautés chrétiennes. Comment interpréter autrement le chiffre des 91.000 exemplaires du document de travail vendus en l’espace de dix mois ?

5 Dans le prolongement de la Lettre aux catholiques de France

L’opération actuellement conduite dans le domaine de la catéchèse prolonge et effectue ce qui est en fait une option de fond que l’Église de France a déjà formulée et validée dans la célèbre Lettre aux catholiques de France : « Si l’Église catholique ne recouvre pas toute la société, si elle a renoncé à toute position dominante, elle demeure missionnaire, c’est-à-dire tournée vers tous et ouverte à tous… (Cela) nous oblige à comprendre plus radicalement où s’enracine notre identité catholique, où se trouvent les références fondamentales de notre vie et de notre action, à quelles conversions nous sommes appelés pour vivre l’Évangile… (Pour cela), notre Église tout entière doit se mettre davantage en état d’initiation »12. Connaissant les différents éléments qui sous-tendent le processus actuellement conduit pour la catéchèse, on ne s’étonnera pas que « Aller au cœur de la foi » soit à la fois le titre de la seconde partie de la Lettre aux catholiques de France et le titre du document qui guide aujourd’hui le renouvellement de la pratique catéchétique.

Il reste que ce lien est aussi le nœud d’une question qui s’avère difficile. Beaucoup en France avaient en effet compris que « proposer la foi » pouvait être un langage de remplacement pour « transmettre la foi ». Cela a progressivement conduit à rendre difficile l’articulation entre vocation évangélisatrice de l’Église et responsabilité proprement catéchétique dans une Église qui évangélise.

III Quelques enjeux possibles

Formulons maintenant l’un ou l’autre enjeu qui semble se dessiner déjà. Le premier peut être sujet à polémique : c’est d’expérience qu’il pourrait s’agir en catéchèse. Les évêques invitent en effet à aller au cœur de la foi, tel que la veillée pascale nous le fait « vivre ». S’il s’agit de vivre le cœur de la foi, c’est bien d’expérience que nous parlons. Mais l’expérience dont il est question n’est pas l’expérience de foi personnelle, subjective. Nous parlons des expériences de la foi dans lesquelles nous sommes établis comme communauté chrétienne.

Nous venons d’une époque qui nous a habitués à nous préoccuper d’un « objet » à transmettre. Pour élaborer nos propositions, nous avons en effet l’habitude de nous demander : qu’est-ce qu’il faut faire découvrir, enseigner, transmettre ? Pour cela nous formulons en nous-mêmes un énoncé. Aujourd’hui nous dirions plutôt que nous avons un message à faire passer parce que c’est notre expérience personnelle qui est devenue un critère primordial. Mais fondamentalement rien n’a changé. Tout commence toujours par un programme que nous nous formulons à nous-mêmes.

Quand nous faisons le chemin que les évêques nous invitent à aller, nous apprenons à placer ailleurs notre préoccupation. Nous apprenons à nous préoccuper des expériences de la foi dans laquelle nous sommes établis comme croyants. Nous avons eu l’habitude de nous demander par exemple : que signifie Noël pour les chrétiens ? Il s’agirait de nous demander : qu’est-ce qui rend heureux les chrétiens, qu’est-ce qui les dynamise dans leur vie de croyants, qu’est-ce qui les structure dans leur vie de foi lorsqu’ils célèbrent Noël ? C’est bien d’expérience qu’il s’agit, mais d’une expérience qui structure fondamentalement notre vie de foi à tous.

Le second enjeu est d’ordre pédagogique. Il a trait au travail concret qui nous incomberait si nous prenions ce chemin. Si nous disons que la responsabilité catéchétique doit se préoccuper des structures essentielles de la vie de foi et non pas d’un objet à transmettre, alors le travail que cela représente est en effet d’une toute autre nature que celle dont nous avons hérité. Quand nous nous préoccupons d’un « objet » à transmettre, le travail consiste à chercher le moyen de le transmettre à d’autres. Quand nous nous préoccupons de la vie de foi, ce modèle relationnel montre ses limites. Une leçon, je peux l’enseigner une fois que je me la suis formulée à l’intérieur de moi. Mais l’expérience qui fonde la vie de foi, elle ne s’explique pas. Comment l’exposer ? On ne peut que réunir les conditions pour que quelqu’un puisse l’éprouver comme bonne pour lui. S’il s’agit de servir les expériences de la foi, alors c’est d’une aventure spirituelle que nous portons la responsabilité.

Le troisième enjeu est d’ordre plus ecclésial. Nous avons eu l’habitude de considérer et de définir la catéchèse comme une activité monolithique : une activité propre qui a ses outils, ses lieux, ses rythmes, son personnel… Nous faisons aujourd’hui une autre hypothèse : en dégageant quelques grands enjeux et fondements de la responsabilité catéchétique qu’il s’agit de servir toujours, quel que soit l’âge auquel nous nous trouvons, quelle que soit l’activité ecclésiale dont nous sommes responsables, nous pourrions aller en quelque sorte vers une responsabilité catéchétique partagée. Il ne s’agit pas de dire que tout le monde fait la catéchèse ou que tout est catéchèse. Mais à l’intérieur d’un projet diocésain ou local, chacun pourrait s’interroger sur la part qu’il peut (veut) prendre dans une responsabilité qui est alors comprise comme celle de l’Église tout entière.

Nous sommes encore à l’heure qu’il est dans l’étape du détour. L’intérêt du détour vient de ce qu’il nous autorise à explorer, hors des sentiers battus. Je me suis aventuré devant vous à formuler quelques perspectives. Il importe, je crois, de souligner au point où nous en sommes du processus, que ce chemin fait ensemble a déjà généré une encourageante dynamique nationale. Nous ne savons par encore où l’aventure spirituelle nous entraînera en termes de décisions et d’orientations, mais d’ores et déjà nous pouvons dire qu’elle a considérablement mis en mouvement les communautés chrétiennes en France.

Notes de bas de page

  • 1 Conférence épiscopale de France, Aller au cœur de la foi, questions d’avenir pour la catéchèse, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2003, p. 11-15. Nous renvoyons aussi à « Aller au cœur de la foi. Un appel à renouveler notre pratique de la catéchèse en France. Lettre des évêques de France à l’ensemble du Peuple de Dieu », dans Doc. Cath. 2281 (99, 2002) 1028-1029.

  • 2 Seules l’Alsace et la Moselle connaissent un statut scolaire particulier qui leur permet d’assurer de l’enseignement religieux à l’école publique, au niveau élémentaire, au collège et au lycée. La question de la catéchèse dans les établissements de l’enseignement catholique est, elle, au cœur d’un débat où interfèrent d’autres éléments : la question de la culture religieuse intégrée dans toutes les matières d’enseignement, particulièrement dans les programmes d’histoire, et le rapport entre la catéchèse et l’animation pastorale de l’établissement.

  • 3 Conférence épiscopale de France, La catéchèse des enfants. Texte de référence au service des auteurs de publications catéchétiques et des responsables de la pastorale, Paris, Centurion, 1980.

  • 4 Par exemple le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) arrive au terme d’un chantier de trois ans qui a ajouté à son projet : approfondir la connaissance et l’expérience de la foi.

  • 5 On se souvient du « système par escalier » qui associe à chaque âge un sacrement.

  • 6 Conférence des évêques de France, « Lettre au Peuple de Dieu », dans Id., Aller au cœur de la foi (cité supra n. 1), p. 11.

  • 7 Ibid. p. 12.

  • 8 Ibid. p. 13.

  • 9 Ibid. p. 12.

  • 10 Conférence des évêques de France, « Lettre au Peuple de Dieu » (cité supra n. 6), p. 14.

  • 11 Tel avait été le processus choisi pour le rapport Dagens (Conférence des évêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle, rapport présenté par Mgr Claude Dagens à l’assemblée plénière de Lourdes 1994, Paris, Cerf, 1994). Un texte initial proposé à tous avait abouti, par enrichissements successifs, à un texte final connu aujourd’hui sous l’appellation Lettre aux catholiques de France (Conférence des évêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France, Paris, Cerf, 1996). Cette manière d’engager le dialogue a marqué à ce point les esprits qu’il semble aujourd’hui constituer une référence.

  • 12 Conférence des évêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle (1996), cité supra n. 11, Partie 1, 2, 6.

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