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Moines et moniales dans la ville. Les Fraternités de Jérusalem

Pierre-Marie Delfieux
Les Fraternités monastiques de Jérusalem ont été fondées en 1975 à Paris et ont essaimé, depuis lors, dans plusieurs villes d'Europe. Le Père Delfieux met ici en lumière quelques-unes des options de théologie spirituelle à la base des fraternités dans leur lien avec la ville: la valeur du désert, le travail, l'adoration, l'écoute de l'Écriture, une prière qui soit d'abord en Dieu, prière du Dieu Trinitaire en nous, et tout cela dans l'Église, Épouse du Christ et notre Mère.

Les Fraternités monastiques de Jérusalem font partie de cette constellation de communautés et de fondations nouvelles qui ont vu le jour dans les années soixante-dix, alors qu’à la fin des années soixante soufflait un vent de contestations radicales un peu partout à travers le monde, donnant lieu, entre autres, à des théologies de la cité séculière et de la mort de Dieu.

Nous avons demandé au Père Pierre-Marie Delfieux de nous faire part, en tant que fondateur, des options spirituelles qui ont été à la source de la fondation des Fraternités de Jérusalem, et qui sont toujours au cœur de leur engagement dans l’Église.

Pour ce faire, le P. Pierre-Marie s’est laissé guider par les questions que nous lui avions posées.

La Rédaction

* * *

Traditionnellement, la vie monastique semble avoir choisi de se situer à la campagne, insérée dans un contexte rural favorisant silence, prière, solitude… Implanter la vie monastique au milieu des mégapoles d’aujourd’hui paraît assez révolutionnaire ou, du moins, représenter un défi. Qu’est-ce qui a pu motiver votre choix ?

On peut rappeler tout d’abord que le monachisme ne s’est jamais opposé par principe à la ville, même si on en est arrivé parfois à sacraliser ou idéaliser son insertion au désert, comme au quatrième siècle moyen-oriental, ou son implantation à la campagne, comme en Europe occidentale dans le contexte socio-politique de la Restauration, teinté de romantisme chrétien aux lendemains de la Révolution de 1789.

L’Histoire apporte à cette vision un solide démenti. Le monachisme chrétien est né dans les laures citadines de Jérusalem, avec les vierges et les ascètes. Au cœur d’Alexandrie, il a germé avec les thérapeutes et les suppliants, avant de s’étendre vers les déserts d’Égypte avec saint Antoine, puis Antioche, Rome et les grandes villes de l’Empire. Avec saint Basile, père des moines d’Orient, il s’est implanté à Césarée. Avec saint Martin, premier moine d’Occident, il apparaît à Tours-Marmoutier. Avec saint Jean Cassien, le voici implanté à Marseille, avec des moines et des moniales à Saint-Victor et à Saint-Laurent, près du Vieux Port.

Du cinquième au quinzième siècle, on a pu dénombrer jusqu’à 325 monastères à Constantinople. À Rome, on en a vu fleurir 70 intra muros et 20 dans les faubourgs, une fois les barbares convertis au christianisme. Durant des siècles, Paris en a abrité des dizaines. Les chartreux eux-mêmes se sont installés tout un temps dans nombre de grandes villes de France (Paris, Toulouse, Strasbourg…), de Belgique (Liège, Gand, Bruges…), d’Allemagne (Trèves, Mayence, Cologne) et d’Italie (Gênes, Bologne, Florence). Sans parler des Carmélites, Visitandines, Ursulines, qui sont toujours demeurées citadines1.

Vingt siècles de vie chrétienne le montrent à l’évidence : les villes ont besoin du monachisme et le monachisme a besoin des villes. Il faut donc se garder autant de sacraliser le monde rural que de désacraliser le monde urbain. Le monachisme peut vivre tant à la ville qu’à la campagne, et cela dans une belle et fructueuse complémentarité. Si donc, des siècles durant, le monachisme a été fortement citadin dans un monde qui, lui, était majoritairement rural, à combien plus forte raison peut-il le devenir dans un monde aujourd’hui majoritairement citadin ! Nous avons donc de nombreux devanciers !

Ceci posé, la vraie raison qui a motivé notre choix d’un monachisme citadin se fonde sur des valeurs plus fondamentales. Les moines et les moniales, en effet, veulent vivre le cœur à cœur avec Dieu, dans la ligne des conseils évangéliques et, par là même, témoigner de Dieu. Mais où rencontrer Dieu ?

Faut-il pour cela se réfugier au fond des bois ou à l’écart sur les montagnes ? La révélation judéo-chrétienne nous enseigne que l’homme est créé à l’image de Dieu (Gn 1,26-27). La ville, qui rassemble les hommes, est donc la plus belle image de Dieu qui soit sur terre. Puisque Dieu est dans l’homme, il est par conséquent au cœur de la ville des hommes2. Au cœur des villes on peut donc vivre au cœur de Dieu ! Voilà fondamentalement ce qui a motivé notre choix.

N’est-il pas significatif que la grande majorité des saints inscrits au Martyrologe soient des citadins ? Certes, nous ne pouvons parvenir que petitement, et par pure grâce divine, à sanctifier la ville. Mais la ville, elle, la ville où l’on travaille, où l’on prie, où l’on aime, où l’on vit, où l’on peine, où l’on souffre, où l’on chante, où l’on meurt, la ville où Dieu réside, elle, nous sanctifie et peut dès lors devenir un vrai « monastère ».

À bien lire l’Évangile, on voit vite que Jésus et Marie, les parfaits modèles de la vie consacrée, comme l’a si bien rappelé le pape Jean-Paul II3, sont des citadins. Ils ont vécu, au cœur des villes, le « seul en face du Seul », en dehors de quoi il n’est pas de vraie vie de prière. Mais cela dans une présence à tous, en dehors de quoi il n’est pas de vraie vie de charité (1 Jn 4,20-21). Comment dès lors ne pas vouloir marcher sur leurs traces ?

Qu’est-ce que vous ne trouviez pas, qu’est-ce qui vous manquait et qui fait que vous avez eu besoin de fonder les Fraternités Monastiques de Jérusalem ?

Je n’étais ni malheureux ni frustré dans ma vie de prêtre séculier. Vicaire dans une cathédrale de province, deux ans durant, et aumônier universitaire à la Sorbonne avec l’équipe du P. Jean-Marie Lustiger, j’étais heureux de pouvoir vivre ces types de ministères. Et j’ose dire que cela marchait bien. Mais restait au-dedans de moi un sentiment d’insatisfaction, pour ne pas dire de frustration, par rapport à ce que je voyais, en priant l’Évangile du Christ. Un désir de plus en plus marqué en somme de vivre les conseils évangéliques, dans le cadre d’une vie communautaire où tout puisse fraternellement se partager (la maison, le temps, l’argent, l’écoute mutuelle, les exigences de la vie communautaire) et où une règle commune de vie me pousserait à la prière personnelle (lectio divina, oraison, adoration) et liturgique, des heures et de l’Eucharistie.

Mais je restais devant un dilemme. Ni épouser un monachisme de type rural, claustral et abbatial, tant l’exemple de Jésus dans l’Évangile ne me semblait pas imposer cela. Ni perdurer dans le clergé séculier où le double idéal d’une vie de prière réellement vécue et d’une vie fraternelle effectivement partagée semblait difficilement réalisable. Je sentais de plus en plus monter en moi ce désir d’une vie de type monastique, en voyant comment Jésus avait été, tout du long, en s’entourant sans cesse de disciples, un communautaire ; et comment par son assiduité à aller à la synagogue et à fréquenter « chaque jour le Temple », il avait été un liturge. Et cela, encore une fois, en vivant essentiellement au cœur des villes.

Si donc ni ceci ni cela ne s’offrait à moi, peut-être fallait-il chercher du côté de Dieu la lumière. J’ai eu pour cela la grâce de vivre deux ans une vie érémitique, dans la solitude saharienne de la haute montagne de l’Assekrem, et de trouver au retour l’approbation aussi chaleureuse que spontanée du Cardinal Archevêque de Paris, François Marty, pour essayer de faire germer des « moines dans la ville ». Ainsi, dès le départ, « Jérusalem » est née comme une œuvre d’Église et, grâce à Dieu, tout du long, a pu le rester. Les Fraternités de Jérusalem sont aujourd’hui deux instituts religieux, de frères et de sœurs, dont nos Constitutions disent qu’ils sont d’inspiration, de tradition et de caractère monastiques. À priori, je n’ai nullement cherché à être un « fondateur », mais, au fil des années, j’ai dû constater qu’aux yeux de mes frères, de mes sœurs et de l’Église, je l’étais devenu. Sachant bien, comme dit Paul, que « de fondement, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve déjà, à savoir Jésus-Christ » (1 Co 3,11). Ce qui est rassurant !

Vivez-vous cela comme un fruit du Concile Vatican II ? Ou comme le fruit d’un héritage de Charles de Foucauld, de saint Basile, saint Martin et d’autres devanciers ?

J’ai fait toutes mes études de théologie dans des Instituts Catholiques où tout se vivait en écho direct du Concile. Il est donc sûr que cela m’a et nous a profondément inspirés et influencés. Gaudium et Spes, notamment, ainsi que Lumen Gentium ne sont pas des textes étrangers à notre enfantement. Je dirais même que nous sommes nés après ou avec l’émergence de toute une série de renouveaux qui ont profondément marqué le vingtième siècle : renouveau biblique, patristique, œcuménique, théologique, liturgique, canonique, charismatique, pastoral, pour ne citer que les plus marquants. Nous avons hérité de tout cela. Peut-être avons-nous pu participer alors, à notre humble place, au renouveau monastique.

Sur ce plan, il est sûr que la figure, la vie, la spiritualité de frère Charles de Jésus nous ont aussi inspirés. « Jérusalem » est en tout cas vraiment de sa famille. Libérés de toute attache à une règle datant du sixième siècle, nous avons pu emprunter librement à tout ce que les diverses écoles de spiritualité ont pu engendrer et le faire nôtre, en toute liberté : ainsi devons-nous beaucoup à saint Basile, pour l’insistance portée sur la vie fraternelle ; à saint Benoît, pour la valeur reconnue à l’obéissance ; à saint François, pour les épousailles d’une joyeuse pauvreté ; à saint Ignace de Loyola, pour sa science du discernement ; à Thérèse d’Avila, pour sa science de l’oraison ; et à frère Charles, pour cette simplicité de vie et cet appel à devenir « frère universel ». Mais par-dessus tout, c’est bien au Christ Jésus et à son Évangile que nous nous référons, car il reste à jamais le modèle unique et seul digne d’être pleinement imité.

« Ora et labora » dit un vieil adage bénédictin, pour montrer qu’à côté de la prière, le travail a toute sa place. Quelle importance et quelle valeur lui accordez-vous dans votre vie de moines et moniales citadins ?

Le travail découle en droite ligne des commandements originels de Dieu. Et cela, autant dans le premier récit de la création (Gn 1,28-29) que dans le second, après la chute (3,17-19). Dans le premier cas, on lui reconnaît une valeur d’épanouissement de la création et, dans le second cas, une valeur de participation à l’œuvre de la rédemption. Si telle est donc la condition humaine voulue par Dieu, nous ne pouvons nous en abstraire.

Notre Livre de Vie en tire dès l’abord une triple exigence : « L’homme travaille. Le chrétien travaille. Le moine travaille. Pour ces trois raisons, à l’évidence, il nous faut travailler avec zèle »4.

Nous aimons aussi ajouter qu’en ce domaine également l’exemple vient d’en haut. Le Père qui crée, juge et soutient le monde, travaille. Le Fils, qui s’est fait charpentier et, par sa parole, maintient l’univers, travaille. L’Esprit, qui anime les cœurs et renouvelle la face de la terre, travaille. Considéré de la sorte, le travail prend toute sa dimension. Ce n’est plus un labeur imposé, mais une œuvre de Dieu à accomplir. On vit ainsi la pâque quotidienne de la peine à l’offrande, de la contrainte à l’acceptation, de la sueur du front à l’épanouissement du cœur, de l’homme soumis au coopérateur filial.

Pour affirmer plus concrètement l’importance du travail et la valeur que nous lui accordons, j’ajoute que notre travail vise, comme en toute vie monastique, à subvenir aux besoins de la communauté, de façon à n’être en charge à personne ; et à pouvoir partager l’accueil à table, toujours dans la gratuité, et l’entraide dans la mesure de nos moyens.

Tel est l’état d’esprit dans lequel vous travaillez. Mais comment y parvenez-vous concrètement, compte tenu du contexte urbain dans lequel vous êtes insérés et de toutes les exigences parallèles de votre vie monastique ?

C’est un peu un défi en effet. Nous n’avons ni ferme ni atelier et n’avons pas vocation à imiter les prêtres ouvriers. Il nous est très vite apparu que la seule solution possible était le salariat. Hier, les moines ont été agriculteurs dans un monde agricole, et artisans dans un monde artisanal. Ils étaient en cela pleinement solidaires de la société de leur temps. Aujourd’hui la grande majorité du monde moderne, en Occident du moins, vit du salariat. Nous nous sommes donc faits solidaires du monde où nous sommes, tout en cherchant à donner au travail sa juste place, qui n’est ni première (c’est la vie fraternelle), ni deuxième (c’est la vie de prière), mais seulement troisième.

Nous avons donc opté pour un travail à mi-temps et pour un salaire par le fait même modeste. Ainsi pouvons-nous, sans discours mais par notre vie, rappeler à ce monde, conduit par le couple production-consommation, qu’il faut « chercher d’abord le Royaume de Dieu et sa justice » et que « tout le reste nous sera donné par surcroît » (Mt 6,33). Certes, cette parole de Jésus s’adresse à ses disciples. Mais il est frappant de voir combien elle parle encore à beaucoup.

Trouver un travail à mi-temps, dégageant les lundis de désert, respectant nos horaires de liturgie et de la vie communautaire n’a pas toujours été évident. Mais la Providence nous y a partout aidés. Comme la quasi-totalité des frères et des sœurs sont de formation universitaire, cela n’a pas été trop difficile de trouver un emploi. Et ce n’est pas sans y mettre tout leur cœur que l’assument ceux et celles qui en ont la charge. Ce mode de travail qu’on ne situe pas dans la stricte clôture du monastère, pourrait en surprendre certains. Le travail confiné toute une vie entre quatre murs pourrait aussi poser problème à d’autres. Nous constatons, pour notre part, après plus de trente ans d’expérience, que ce va-et-vient quotidien entre la communauté et le lieu de travail offre aussi bien des avantages : solidarité avec nos contemporains dont c’est, pour beaucoup, le lot quotidien ; ouverture psychologique au plan personnel à une bonne respiration équilibrante ; occasion offerte à chacun d’un vrai temps de prière durant la durée du trajet (le premier lieu de prière de Paris, c’est son métro). À nous d’unifier cela en nos cœurs, comme le veut la vie monastique.

Cela n’enlève rien à la stabilité à laquelle nous tenons fort également5. Mais en la vivant d’une manière nouvelle, toujours dans la ligne de la parole de Jésus disant : « Père, je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du mal » (Jn 17,15). Hier, en allant régulièrement travailler à « la ferme » parfois éloignée de plusieurs kilomètres de leur monastère, les cisterciens ne craignaient pas de se déplacer pour leur travail. Nous marchons sur leurs traces ! Mais en prenant le vélo, le bus, le métro ou en faisant une bonne marche tonifiante à travers rues et avenues.

Et le travail à l’intérieur de vos Fraternités ?

Nous l’assumons par nous-mêmes et entièrement. Ce travail au- dedans garde tout autant de valeur. Cuisine, intendance, ménage, accueil, sacristie, gestion, comptabilité, secrétariat, entretien courant sont assurés par chaque Fraternité. Cela ne fait que renforcer et réjouir la vie fraternelle et créer entre tous une belle complémentarité.

Il revient à chaque prieur, chaque prieure de communauté, de veiller à ce que ce travail soit effectif, utile, bien fait, équilibré, et n’ait rien de troublant ou de trop disparate. Il peut alors être vécu, de surcroît, comme un témoignage auprès de ceux, engagés pour la plupart dans la vie laïque, avec qui il est partagé. « Pour dire au monde du travail la valeur de la contemplation solitaire et au monde de la contemplation la richesse du travail solidaire, mets la prière dans ton travail et porte ton travail dans la prière »6. « En le faisant avec âme comme pour le Seigneur » (Col 3,23).

Vous avez écrit un jour : « Si le moine est adossé au désert, il est plus encore appuyé sur l’adoration. » Quelles sont, pour vous, les racines de l’adoration eucharistique, du point de vue théologique ?

L’adoration eucharistique a tout d’abord de lointaines racines bibliques dans le Premier Testament et de réels fondements dans ce qui ressort du Nouveau Testament.

Après Abraham à Mambré, Jacob à Béthel qui ont eu la grâce insigne de se trouver un jour en présence mystérieuse de Dieu, Moïse, conducteur du Peuple nouveau, s’entend dire par le Seigneur en personne : « Fais-moi un tabernacle que je puisse résider parmi eux » (Ex 25,8). Il taille l’Arche d’Alliance dans laquelle il place « le témoignage » et sur laquelle il dispose « le propitiatoire d’or pur » (25,7.20). Et les dépose dans « la tente de réunion ». Et YHWH Dieu précise : « C’est là que je te rencontrerai et te communiquerai mes ordres » (25,22).

Les fils de Lévi vont prendre le relais. Lors de la fête des Tentes, tout Israël se rend « pour voir la face du Seigneur son Dieu, au lieu qu’il a choisi » (Dt 31,9-12). C’est là que l’on vient « consulter le Seigneur », que « l’on se tient en sa présence » et que le peuple « s’assemble pour l’adorer ». Avec le roi David, un nouveau pas est franchi quand il déclare : « J’ai désiré, moi, édifier une demeure stable pour l’arche de l’Alliance du Seigneur, pour piédestal de notre Dieu » (1 Ch 28,2). Le roi Salomon réalise ce souhait en bâtissant le Temple, « ce lieu dont il est écrit : Mon Nom sera là » (8,2.29). Le drame pour Israël est que l’Arche et le Tabernacle seront perdus, murés par Jérémie, dit le deuxième livre des Maccabées, dans une grotte du mont Nébo dont on n’a jamais retrouvé l’entrée (8,5-8).

Mais, « à la plénitude des temps » (Ga 4,4), la Vierge Marie (que l’Église se plaît à parer du nom d’Arche d’Alliance) donne à la terre des hommes « le Fils du Très-Haut, l’Emmanuel », venu « établir sa demeure » parmi nous (Jn 1,14). Et c’est ce même Jésus qui, après nous avoir appelés à être « des adorateurs dans l’esprit et la vérité » (Jn 4,24) et avoir institué l’eucharistie, remontera au ciel en disant à ses disciples et, à travers eux, aux fidèles de tous les temps : « Et moi, je reste avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).

Ne tirons pas plus des textes bibliques que ce qu’ils veulent nous dire. Il n’en reste pas moins frappant de voir combien, à travers toute l’Écriture, Dieu nous révèle son désir constant de se faire proche des hommes (Dt 4,7), jusqu’à la shekinah, cette mystérieuse et divine présence au milieu de nous. Quoi donc, mieux que l’Eucharistie et son tabernacle, pourrait nous dire que le Seigneur demeure toujours parmi nous, en son Christ Jésus, Lui, ose même dire l’apôtre Paul, Lui que « Dieu a exposé instrument de propitiation — littéralement : propitiatoire — pour notre salut » (Rm 3,25).

Que peut-on dire de l’adoration eucharistique par rapport à la Tradition de l’Église ?

On relève des pratiques ou des déclarations assez éparses, ténues et plutôt tardives. Mais, au total, il ressort de ces vingt siècles de christianisme que la dévotion eucharistique n’a pas été sans consistance.

Dès les origines, la coutume est acquise de maintenir une Sainte Réserve dans les églises pour pouvoir porter le viatique aux malades ou handicapés. On a pu noter également que nombre d’anachorètes conservaient le pain consacré dans leur cellule. À partir du Concile de Nicée (325), l’usage de la réserve eucharistique se répand dans les monastères et les églises, avec l’apparition des premiers réceptacles qui s’uniformisent avec la mise en place des tabernacles au moment de la Contre-Réforme. Au xie siècle, contre l’hérésie de Bérenger de Tours, un débat théologique approfondit l’étude de « la Présence réelle ». Le roi Louis VIII, en 1226, demande une exposition du Saint-Sacrement à Avignon, en action de grâce pour la victoire sur les Cathares. Le succès est tel que l’évêque décide de la poursuivre jour et nuit. Initiative approuvée par la papauté et qui perdurera jusqu’à la Révolution. On sait le geste éloquent de sainte Claire d’Assise (+ 1253), arrêtant une bande de pillards en brandissant devant eux « la monstrance » de la chapelle de San Damiano. Par ailleurs, on connaît les belles pages de saint Bernard sur l’adoration eucharistique dont a su s’inspirer le bienheureux Charles de Foucauld, et tout ce qu’a si bien écrit sur le Saint-Sacrement saint Thomas d’Aquin. Au seizième siècle, avec saint Antoine Marie Zaccaria, s’instaure la dévotion des « Quarante heures » dont le pape Clément VIII étendra la pratique à travers l’Église.

En réaction aux doctrines protestantes sur l’Eucharistie, le Concile de Trente, après avoir réaffirmé la foi en la Présence réelle, promeut le culte de latrie rendu au Saint-Sacrement. L’adoration permanente prend dès lors tout son sens au dix-neuvième siècle, avec Pierre-Julien Eymard et toutes les associations ou sociétés vouées au culte du Saint-Sacrement. Les premiers congrès eucharistiques apparaissent avec Léon XIII, en prenant au vingtième siècle une dimension de plus en plus internationale et missionnaire.

On sait tout ce que la vie de frère Charles de Jésus à Tamanrasset a pu éveiller en ce domaine. Le pape Paul VI, pour lutter contre la désaffection du culte eucharistique des années soixante, n’hésite pas à affirmer dans son fameux Credo que la présence réelle du Christ « demeure, après le sacrifice eucharistique, dans le Saint-Sacrement qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises ». Il ajoute que « c’est un devoir pour nous, un devoir très doux, d’honorer et d’adorer dans la Sainte Hostie que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent voir et qui, sans quitter le ciel, s’est rendu présent devant nous »7. Prolongeant ce souhait, les papes Jean-Paul II et Benoît XVI n’hésitent pas à demander aux fidèles d’aller vers « le sacrement de l’amour pour y rencontrer Jésus dans l’adoration ».

Fondé sur ces deux colonnes de l’Écriture et de la Tradition, bases de toute théologie, que pourrait-on ajouter, montrant la valeur profonde de l’adoration eucharistique ?

Lui reconnaîtriez-vous aussi une valeur spirituelle et pastorale ?

Oui, d’abord une grande valeur spirituelle. « La vraie valeur d’une vie spirituelle, dit le Père Jules Monchanin, pionnier du dialogue entre le christianisme et l’hindouisme, c’est son poids d’adoration. » Que de bienfaits ne peut-on retirer pour son âme, son cœur, son esprit et même son corps, à travers, par exemple, une heure d’adoration quotidienne ! Que de témoignages pourrait-on donner ici, à la vue de ce qui se vit à Saint-Gervais de Paris, par exemple, où le Saint-Sacrement est exposé tous les jours de 7h30 du matin à 21h30, et chaque nuit du jeudi soir au vendredi matin. Les laïcs qui s’y succèdent seraient les premiers à pouvoir en parler éloquemment. S’il est vrai que « l’on juge l’arbre à ses fruits », il est sûr que l’adoration du Saint-Sacrement est « un arbre bon », à voir tous les bons fruits qu’il peut produire. Les échos des diverses Fraternités implantées à Bruxelles, Montréal, Strasbourg, Florence, Cologne, Varsovie, montrent combien le phénomène, loin d’être seulement français, est pour le moins largement européen.

Il y a aussi, et ceci n’est pas à négliger, une raison profonde qui reste attachée à cette pratique. Plus que jamais peut-être notre monde est rempli de personnes qui, pour des raisons fort diverses, ne peuvent se rendre à une célébration eucharistique (trop matinale, trop tardive ou trop éloignée), ne se sentent pas le droit ou ne sont pas en disposition de communier. Quelle grâce alors pour eux de pouvoir s’arrêter en présence du Saint-Sacrement pour y vivre, dans le silence et la paix, un temps d’adoration. Pour les divorcés remariés dont on connaît le drame de conscience, quel réconfort de pouvoir se tenir dans ce face à face où visuellement, sensiblement, le Christ leur révèle sa présence et son amour, dans le signe lumineux et silencieux de l’Eucharistie ! Et que dire de ceux et celles qui ne se sentent pas en état de s’avancer vers l’autel ? Catéchumènes, gens en recherche, sans religion ou même d’une autre religion (on se dit aussi adorateurs dans le judaïsme et l’islam). Quelle sagesse de la part de l’Église et quel sens pastoral plein de réserve et de bonté, dans le fait de permettre ainsi à quiconque le désire, dans la discrétion, la liberté, le respect, de pouvoir se tenir là ! Comme le publicain de l’Évangile ou les Grecs disant à l’apôtre Philippe : « Nous voudrions voir Jésus » (Jn 12,20-22). Il y a tant de paroisses sans prêtres aujourd’hui, où l’on serait heureux de pouvoir le voir et le prier dans l’adoration eucharistique.

Puis-je avancer, pour finir, une raison d’ordre psychologique ? On connaît le mot de Thérèse d’Avila : « Il est dur d’aimer un Dieu dont on n’a jamais vu le visage ! » Et Jésus lui-même nous rappelle : « Vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face » (Jn 5,37). Serions-nous donc contraints à le chercher dans l’invisible, à l’écouter dans l’inaudible, à le toucher dans l’insensible ? Non ! Car le Fils incarné s’est fait « l’image du Dieu invisible ». La lettre aux Hébreux peut donc le proclamer : « Approchons-nous avec un cœur sincère dans la plénitude de la foi » (He 10,19-22). Mais approchons-nous ! Nous avons tant besoin, un besoin plus que psychologique, viscéral, de voir, d’entendre, de toucher, de contempler (1 Jn 1,1-2). Et le Seigneur est bien là, comme il l’a voulu, dans le mystère lumineux et la réalité cachée de son Eucharistie. Il « illumine les yeux de notre cœur pour nous faire voir les trésors de gloire que renferme son héritage » (Ep 1,18). Désormais nous pouvons écouter l’inaudible, voir l’invisible, toucher l’insensible. Le Christ est « présent », sous les apparences du pain consacré. Je ne l’entends pas, ne le vois pas, ne le touche pas. Mais c’est lui qui touche mon cœur, se montre aux yeux de ma foi et parle à mon âme. Quel divin psychologue que « ce Jésus », lui qui « savait ce qu’il y a dans l’homme » (Jean 2,25) !

« Plus l’homme deviendra homme, dit Pierre Teilhard de Chardin, plus il sera en proie au besoin, et à un besoin toujours plus explicite, d’adorer »8. C’est dire combien ce monde a besoin de veilleurs, et combien, au cœur des villes, plus que jamais, dans ce monde qui perd toute référence à Dieu, on a besoin de veilleurs adorateurs, dans la permanence paisible et forte de la foi qui contemple, de l’espérance qui attend et de l’amour qui chante.

Comme l’adoration eucharistique, l’oraison silencieuse a une place importante dans vos Fraternités Monastiques. Quelle différence faites-vous entre l’une et l’autre et sur quoi mettriez-vous plutôt l’accent à « Jérusalem » ?

Dans sa codification des différents états ou étapes de la prière, devenue classique dans l’Église d’Occident, Guigues le Chartreux, au xiie siècle, énumère successivement, dans sa fameuse lettre à frère Gervais, la lectio, la meditatio, l’oratio et la contempaltio9. On peut noter qu’il n’est nullement question chez lui d’adoration, et moins encore eucharistique. Celle-ci est importante pourtant puisque c’est Jésus lui-même qui nous appelle à être des « adorateurs », et que la prière n’est jamais autant adoratrice que lorsqu’elle se situe dans le face à face eucharistique. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu lui donner dans nos Fraternités monastiques toute sa place, sans pour autant la mettre en opposition avec l’oraison silencieuse. Elles sont si complémentaires !

Très concrètement, nous avons donné d’abord toute une part à l’oraison. À la façon des Carmélites, nous la vivons en commun et en complet silence, frères et sœurs, à raison d’une heure le matin, de 6 à 7 heures avant le chant de laudes, et le soir, en fin d’après-midi, avant les vêpres de 18h, précédant l’eucharistie. C’est une grâce insigne que ces longs temps d’oraison quotidienne précédée d’une simple phrase tirée de l’évangile du jour pour en fixer l’orientation commune.

Si l’on veut aller plus avant, on touche ici au domaine de l’indicible et du plus personnel à chacune et à chacun. Mais on sent une grande grâce d’unité, au niveau de chacune de nos Fraternités et entre nos Fraternités de frères et de sœurs ainsi rassemblées. Nous n’avons rien à nous dire mutuellement. Mais nous sommes ensemble, assis sur nos talons, tournés vers le Seigneur et à l’écoute de sa Parole évangélique. Sans qu’on puisse dire comment cela se fait (car alors, c’est essentiellement le Seigneur qui agit au profond de chaque cœur), on voit combien cela nous enracine en lui, nous apaise, nous fortifie.

Si cela ne se faisait pas ainsi, on peut deviner combien cela manquerait à notre vie monastique, tant au plan personnel que communautaire. De ces oraisons en commun, qui n’empêchent pas les oraisons individuelles faites en cellule ou les jours de désert, ressort toute une grâce d’unification de l’être, au plan personnel, et de la Fraternité, au plan communautaire. C’est dans ces oraisons vécues tous ensemble en silence, dans « le secret du Roi », qu’on apprend le plus à coïncider, à se soutenir réciproquement, à discipliner notre affectivité, à faire taire les vains bavardages entre nous et à laisser monter en nous la parole juste, paisible et constructive.

L’adoration eucharistique n’en garde pas moins toute sa valeur et sa grâce. C’est pourquoi nous l’avons effectivement maintenue dans « Jérusalem », ainsi que l’ont fait d’ailleurs nombre de communautés nouvelles. Nous avons emprunté cela à la famille spirituelle de frère Charles et notamment des Petites sœurs de Jésus, sans oublier que nombre de congrégations, depuis deux siècles, se sont tout spécialement consacrées à cela. Et ce n’est peut-être pas sans raison que notre Fraternité du Québec s’est vu hériter du Sanctuaire du Saint-Sacrement, en plein cœur de Montréal. Exprimer ce que cela représente en nos vies est un peu une gageure. Peut-être est-on là, plus encore, dans le domaine de l’indicible. La démarche ici est plus personnelle, laissée à la libre initiative de chacun. Mais il est beau de voir combien chacune, chacun se plaît à donner ainsi à Dieu un temps d’adoration. Tant dans l’église qui nous est affectée avec le concours de laïcs, que dans les divers oratoires de nos Fraternités, dont celui de nos jours de désert à Magdala, en Sologne, ou autres lieux d’accueil.

Rester en face à face avec le Christ qui nous a dit : « Ceci est mon corps » est une grâce incomparable. « Je l’avise et il m’avise. » En répondant ainsi, dans son patois bourguignon, à son saint curé, le paysan d’Ars nous a tout dit. Je suis là et le Christ est là. Cette simple hostie consacrée me rappelle son Incarnation, sa Passion rédemptrice, sa Résurrection glorieuse et sa présence toujours agissante au milieu de nous. Il n’y a rien à dire. Il n’y a même rien à écouter. Mais le sommet de l’amour ne s’exprime-t-il pas dans le silence ? Quand on peut simplement dire à l’être aimé : « Je t’adore », quelle ampleur cela peut-il prendre quand c’est au Christ en personne qu’on le dit !

« Mon Seigneur et mon Dieu ! » Heureux sommes-nous alors de « croire sans avoir vu » (Jn 20,28). Chacun peut murmurer tout à son gré les petites formules de son invention qui peuvent alors se répéter à l’envi. « Ô toi qui es présent dans le Saint-Sacrement, je t’adore, ô mon Christ, en ton eucharistie… » Il suffit de se laisser aimer par Dieu, en premier, en lui disant qu’on l’aime à notre tour. « Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera et nous ferons chez lui notre demeure » (Jn 14,23). La shekinah de Dieu n’est plus seulement dans l’ostensoir. Elle a planté sa tente en nos cœurs.

Il n’y a donc pas lieu d’opposer oraison silencieuse et adoration eucharistique. On va de l’une à l’autre. En passant par la lectio divina, la méditation des Écritures et la contemplation. L’important est de désirer entrer un jour dans la vie éternelle. Et c’est cela, nous dit saint Augustin, qui est véritablement prière perpétuelle, ce désir de voir Dieu.

Vous avez dit un jour : passant du désert de l’Assekrem au désert de la ville, « il m’a fallu apprendre à prier autrement ».

Je crois l’avoir dit dans les deux sens. Passant en effet de la mégapole parisienne, bouillonnante de vie, à la solitude rocailleuse des monts de l’Atakor, plongés à perte de vue dans un silence minéral et sidéral, il m’a effectivement fallu apprendre à prier autrement. Je priais à Paris, et plus spécialement dans le contexte de l’aumônerie universitaire, comme on peut l’imaginer. Dans un environnement urbain, au cœur d’assemblées diverses, à travers des liturgies quotidiennes, l’esprit informé chaque jour de ce que véhiculent l’actualité, les rencontres, les événements. Il faut apprendre à prier la ville, c’est-à-dire en elle, avec elle, par elle et pour elle10. Nous en faisons quotidiennement l’expérience.

En atterrissant au milieu du désert saharien, grand comme quinze fois la France, et au sommet de cette montagne pierreuse de l’Assekrem, à près de 3.000 m d’altitude, on a l’impression d’être tombé sur une autre planète. Il faut apprendre à vivre et donc à prier tout autrement. À travers la solitude, dans le cadre étroit d’un petit ermitage de pierres sèches, mais en face d’horizons étendus à l’infini. En composant avec le froid, la nuit, le poids de la chaleur, à la mi-journée, et dans un silence absolu11.

Mais la prière est fondamentalement partout la même. Certes, au désert, il n’y a pas de grandes liturgies chantées, d’églises gothiques pour en accentuer l’élévation, de bibliothèques pour nourrir la réflexion… Mais il ne manque fondamentalement rien. La bible ouverte sur la petite table en planches de caisse traduit la parole de Dieu. Le petit ostensoir éclairé à la lampe à huile, au devant de la pierre en relief du tabernacle, révèle la Présence Réelle du Christ Seigneur des mondes. Qu’importe ou, au contraire, vive silence et solitude ! « Dieu a fait ton cœur assez grand pour le contenir. Ton cœur contenant celui que l’univers ne contient pas est donc plus grand que l’univers. Au cœur de toi réside le créateur du monde et, avec lui, le monde »12. Quelle joie alors de s’associer chaque jour à la liturgie des heures et à ces centaines de milliers d’eucharisties célébrées chaque jour de par le monde ! Et de pouvoir louer le Créateur devant un des plus beaux paysages de la terre dans sa beauté nue !

Le Seigneur est autant au cœur de la ville, qui est la plus belle image de Dieu, que dans le dépouillement extrême du désert, qui est Dieu sans les hommes. Mais peut-être faut-il passer par le désert de rocailles pour découvrir qu’un autre désert est au cœur des mégapoles de ce temps. On y priera bien sûr autrement. Mais ce sera toujours équivalemment.

Quelle est la place de l’Écriture dans votre vie spirituelle et celle de vos communautés ?

Je crois que l’Écriture Sainte est la plus belle et la plus grande réalité au monde. Pourquoi cela ? Parce que l’Écriture Sainte n’est rien moins que la Parole de Dieu et que la Parole de Dieu a déjà créé le monde. Parce que cette même Parole s’est incarnée parmi nous, et a sauvé le monde. Parce que cette Parole qui maintient l’univers est « Lumière et Vie », nous enseigne la Vérité qui rend libre et nous donne en partage la joie, la paix et l’amour de Dieu. Parce que « celui qui garde sa parole ne verra jamais la mort » (Jn 8,51) et que, par là même, elle est la source de toute l’espérance du monde. La Parole de Dieu qui est équivalemment Écriture Sainte est finalement la plus belle et la plus grande réalité qui soit, parce qu’elle est Dieu même !

Quand on croit cela et que l’on en vit, on ne peut plus s’en passer. Se passer de revenir chaque jour à son écoute, de la méditer, de la chanter, de la partager et de l’annoncer. C’est dire combien, en chacun de nous et dans nos communautés religieuses, l’Écriture Sainte a la première et la plus grande place. Là est la Source unique et éternelle de toute vie spirituelle. Tout le reste en découle. Nous pouvons rendre grâce à Dieu d’être nés à une époque où, dans l’Église, on a redécouvert la valeur primordiale de l’Écriture Sainte. Ce qui ne nous empêche nullement, tout au contraire, de venir puiser aussi à la source patristique et des grands maîtres spirituels. L’Écriture Sainte ne saurait aller sans la Tradition. Ce sont les deux qui font l’Église. Et l’on se doit d’être fils et filles de l’Église.

Chaque chapitre du Livre de Vie commence par un déploiement trinitaire. Pourquoi avez-vous écrit ainsi Jérusalem — Livre de Vie ? D’où est née cette intuition que notre vie doit être un reflet de la vie trinitaire, ce qui sera plus tard confirmé par Vita Consecrata, sachant qu’à l’époque la théologie redécouvrait plutôt l’Esprit Saint ?

Ce n’est pas intentionnellement que cela s’est fait, mais plutôt intuitivement et spontanément. Peut-être est-ce le fruit secret de mon séjour au désert ? J’ai toujours été frappé cependant par la place que tient la Trinité dans le Quatrième Évangile du disciple bien-aimé. Durant mes années de théologie, j’ai été également saisi en voyant combien, dans le mystère du salut, tout est trinitaire. La création est trinitaire. La Rédemption est trinitaire. L’Église est trinitaire. On ne peut dissocier un Dieu qui tout en étant Trine est également Unique. La splendeur de son Unité s’exprime et chante alors plus encore à travers la diversité. Il ne peut en être autrement puisqu’il est Amour.

En abordant successivement chaque chapitre du Livre de Vie : Amour — Prière — Travail — Silence — Accueil, et même Chasteté — Pauvreté — Obéissance — Humilité — Joie etc., il m’est apparu, comme à l’évidence, que la meilleure manière de fonder ce Livre de Vie (notre règle monastique en somme) sur l’essentiel, en évitant l’écueil du moralisme, du réglementaire, du psychologisme, du socio-culturel, c’était de tout fonder sur sa base la plus solide et la plus éclairante, à savoir sa base trinitaire. On parle alors d’une tout autre manière de l’Amour, de la prière, du silence, des vœux monastiques, de l’Église, de la joie…

À « Jérusalem », même si plusieurs de nos « devanciers » sont inscrits dans nos Constitutions, nous n’avons pas, et pour cause, de grande figure fondatrice exemplaire et reconnue (!). Mais pourquoi s’en plaindre ? Allons à la Source des sources : l’Amour trinitaire, la vie parfaite de Jésus sur la terre, « l’Évangile de Dieu » (Mc 1,14 ; 1 P 4,17) qui est aussi « l’Évangile du Christ » (1 Co 9,12 ; 2 Co 10,14), qui est par là même « l’Évangile de notre salut » (Ep 1,13), « l’Évangile de la paix » (6,15) et « de la gloire » (1 Tm 1,11).

Où trouver meilleure référence ? C’est dire avec quelle joie, comme vous le signalez, nous avons vu cette mention trinitaire inscrite tout du long dans Vita Consecrata et que Jésus de Nazareth demeure le grand modèle de la vie monastique.

Vous parlez également de « la prière qui est en Dieu ». Comment entendez-vous cela ?

On a toujours beaucoup de difficultés à prier tant que l’on considère la prière dans sa phase ascendante. On s’efforce alors d’élever son âme vers Dieu, en se faisant entendre, depuis la terre, du Dieu du ciel, et on considère la prière comme un devoir qui nous incombe et dont le Seigneur attend qu’elle monte jusqu’à lui, « dans l’humble hommage de nos chants ».

Mais tout change si l’on considère la prière comme d’abord descendante (ceci est vrai d’ailleurs de toute la théologie) puisqu’elle jaillit du cœur de Dieu et descend jusqu’à nous pour continuer à vivre en nous. Nous pouvons dire dès lors, premièrement et fondamentalement, que nous la vivons nous-mêmes par lui, avec lui et en lui qui, le premier, la vit divinement, non seulement au cœur de l’Amour trinitaire, mais encore par nous, avec nous et en nous. Cela nous met en présence d’un grand et lumineux mystère. Mais comment comprendre cela ?

En contemplant d’abord ce mystère en la personne du Christ Jésus, « le Fils de l’homme », et en Jésus-Christ, « le Fils de Dieu ». N’est-il pas étonnant en effet de voir Jésus de Nazareth toujours et partout en prière ? Pourtant, cela ne lui est pas demandé. Mais cela fait partie de son être le plus profond. Il y a d’abord en lui la prière du Fils coéternel au Père dont nous avons un bouleversant écho dans la sublime élévation de son âme vers le Père à l’ultime chapitre du discours des adieux. On entrevoit par là « la hauteur, la profondeur, la longueur et la largeur » de cette prière divine, car c’est celle de l’amour qui « surpasse toute connaissance ».

On contemple ce même mystère en tournant « les yeux de notre cœur » vers la prière, en Dieu, du Fils de Dieu. « Dieu est Amour », en effet. Or le sommet de l’amour, c’est l’adoration. Le Fils, qui est tout amour pour son Père, est donc toute adoration en face du Père. Et réciproquement, dans la communion la plus vivante et la plus parfaite qui a pour nom l’Esprit Saint. En contemplant, à partir de là, la prière, en l’homme, du Fils de l’homme, on comprend pourquoi la prière du Fils unique devient le modèle de toutes les prières des fils de Dieu. Le problème n’est plus, du moins tout d’abord, de « faire sa prière », mais d’accueillir en nous la prière de « notre grand Dieu et Seigneur Jésus-Christ ». De laisser le Christ prier et donc aimer et vivre en nous. En disant le Notre Père, la prière dominicale, c’est-à-dire du Seigneur, c’est donc non seulement avec le Fils de Dieu que nous prions, mais plus encore en vivant littéralement avec le Christ, tournés vers le Père (Jn 14,23).

Ainsi « Jésus lui-même, écrit Benoît XVI, nous fait-il participer à sa prière. Il nous conduit à l’intérieur du dialogue intime de l’amour trinitaire… Chacun de nous, grâce à sa relation personnelle à Dieu, peut se sentir accueilli et gardé dans cette prière… Ainsi le cœur de chacun s’ouvrira et il verra comment le Seigneur vient à ce moment prier avec lui »13. Dans cette perspective, tout change. Notre prière en est transformée. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit — et prie — en moi » (Ga 2,20).

La prière l’est plus encore si l’on comprend alors que l’on peut également prier dans l’Esprit, en accueillant en nous sa propre prière. Il est bien vrai en effet que « nous ne savons pas prier comme il faut » (Rm 8,26). Mais le problème n’est plus là, puisque « l’Esprit en personne se joint à notre esprit » (8,16). On peut dire, dès lors, que l’Esprit de Dieu est en prière au plus profond du cœur de l’homme. « Plus intime à moi-même que moi. » Comme dit Isaac le Syrien, « lorsque l’Esprit établit sa demeure dans l’homme, celui-ci ne peut plus s’empêcher de prier, car l’Esprit ne cesse de prier en lui ». La prière de l’Esprit qui « scrute tout en nous jusqu’aux profondeurs divines » (1 Co 2,10) nous devance toujours et partout !

Il ne s’agit plus de partir à l’assaut, à la force du poignet, des hauteurs célestes, mais simplement d’accueillir en notre âme la prière ininterrompue de l’Esprit. « Si, à l’oraison, vous vous sentez portés à rester l’âme silencieuse et immobile auprès de Dieu, si toute parole vous paraît superflue, beaucoup moins explicite et vraie que le silence de votre être offert au regard du Seigneur, alors c’est que l’Esprit Saint vous a introduits dans son Royaume »14.

Si nous tournons à présent nos regards vers ce que le Fils nous a fait connaître du Père, nous comprenons vite qu’en sa personne qui est tout à la fois au sommet, au centre et au terme de toute prière, en lui, notre Père, se situe finalement le plus grand et le plus beau de cette divine révélation.

Puisque la prière a sa plus pure expression dans l’adoration d’amour, il est clair que le Père, qui est Source première de cet Amour divin, ne se situe pas en dehors de cet admirable échange. Il participe pleinement à ce glorieux partage d’un amour toujours en expansion. Dans l’icône de Roublev, évoquant à travers la figure de trois anges le mystère de ces trois personnes qui ne sont ensemble qu’un seul Dieu, que contemplons-nous ? Le conseil éternel et divin décidant du salut du monde. Le Père prie son Fils d’être le Rédempteur des hommes. Le Fils prie le Père de faire de lui le Sauveur du monde. Et l’Esprit se propose pour aider au rachat et à la sanctification des fils d’Adam. Quel exemple divin pour nos prières !

Au premier jour du monde, la Bible nous montre le Père créateur se louant de tout ce qu’il a fait et qui est « bon », et même « très bon ». C’est lui, le premier, qui a entonné le Cantique des créatures ! Et, au terme des six jours symboliques de la création, le voilà entrant en prière pour la sanctification du sabbat et nous invitant à le rejoindre pour faire de même. Le Christ Jésus nous révèle que le Père lui-même « demeure » en nous (Jn 14,23). Pour peu qu’ils soient dignes de ce nom, nos pères de la terre prient pour nous, veillent sur nous, intercèdent pour nous. À combien plus forte raison notre « Père céleste » (Mt 23,9) qui « lui-même nous aime » (Jn 16,27). Il veille sur nous avec sollicitude. Il se penche vers nous. Il prie pour nous. Mieux encore : il prie en nous !

Comment cela ? En reconnaissant en nous la présence vivante de son Fils. Ne sommes-nous pas « des autres christs » et même « le Corps du Christ » ? En retrouvant en nous la présence agissante de son Esprit. « Ne savez-vous pas que vous êtes un Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3,16). Quelle joie pour nos âmes de savoir quel regard d’amour le Père du ciel porte déjà sur nous dans sa prière pour nous, avec nous et en nous !

À partir du moment où l’on a compris que Dieu lui-même, Père, Fils et Esprit est prière et qu’il prie le premier en nous, on ne peut plus regarder celle-ci comme un devoir vertueux à accomplir, un pieux effort quotidien à fournir, voire un exercice austère, un tantinet rébarbatif. Le pape Paul VI n’a pas exagéré en s’écriant un jour : « La prière, ce grand bonheur ! » Avec Guigues le Chartreux, chacun de nous peut redire à Dieu : « Parle, Seigneur, à mon c œur, pour que mon cœur te parle ! »15.

Qu’est-ce qui vous a fait choisir cette ouverture à l’Orient chrétien ? Et quelle place donnez-vous à l’ œcuménisme ?

Nous sommes nés à une époque où toute une partie de la chrétienté occidentale se tournait vers les chrétiens d’Orient. L’existence du « rideau de fer », la chape des dictatures communistes attiraient nos prières et faisaient grandir notre sympathie pour « l’Église du silence ». Plus positivement, la présence des exilés des pays de l’Est, poussant nombre d’entre eux à faire revivre sur le sol occidental quelques-uns des usages les plus parlants de l’Orient chrétien, à y implanter quelques belles liturgies soutenues par l’admirable travail du monastère belge de Chevetogne ; l’influence de quelques grands auteurs, allant de Soloviev à Soljenitsyne, en passant par des petits chefs-d’œuvre de la littérature spirituelle tels que la Philocalie et les Récits du Pèlerin russe ; des figures de sainteté comme celles de Seraphim de Sarov et du staretz Silouane ; l’irruption des icônes dans le paysage religieux du catholicisme occidental : tout cela a ouvert nos âmes et nos cœurs aux richesses de l’Orient chrétien.

Après Vatican II dont les sessions se sont tenues, de 1962 à 1965, en présence d’observateurs non catholiques pour la première fois invités à un Concile, et l’ouverture alors manifestée vis-à-vis des autres confessions chrétiennes et du dialogue interreligieux, nous ne pouvions qu’entrer dans ce mouvement d’Église. Nous l’avons fait de gaieté de cœur. Dans nos Fraternités monastiques, cela s’est essentiellement traduit par divers apports au cœur de notre liturgie16. Cela n’est pas allé sans susciter quelques étonnements. Mais globalement, je crois, cela a été bien admis et même apprécié17. Sans faire de syncrétisme, notre vie de prière en est enrichie. Car, ce faisant, nous ne faisons que revenir à la source commune de l’Église indivise et bénéficions de ce que, depuis la douloureuse séparation de 1054, l’orthodoxie a continué à mettre en valeur, avec des théologiens et des maîtres spirituels comme Nicolas Cabasilas, Grégoire Palamas et, plus récemment, Paul Evdokimov, Olivier Clément et tant d’autres.

Aussi quelle ne fut pas notre joie quand le pape Jean-Paul II a publié Lumen Orientale qui invitait fermement le catholicisme à « respirer des deux poumons ». On ne peut que s’en féliciter. L’unité et la richesse des Églises ne peuvent qu’en être renforcées et augmentées, quand elles acceptent ces diversités qui font leur complémentarité, à la lumière de la même foi évangélique.

Comment relisez-vous votre intuition première à la lumière de ce que vivent aujourd’hui les Fraternités Monastiques de Jérusalem ?

Je suis frappé par la continuité qui anime tout du long leur vie et leur avancée. Entre ce que nous pressentions et écrivions en 1975 et ce que nous vivons et disons trente-cinq ans plus tard, il ressort une grande unité de fond. Certes, formellement les choses se sont précisées, ont évolué, se sont exprimées avec des nuances. Mais cela s’est fait sans ruptures ni tournants majeurs. Sans doute cela tient-il au fait que, dès le départ, l’essentiel de notre vocation, approuvée et soutenue d’emblée par l’Église, en la personne du Cardinal Marty et de son Conseil épiscopal, a pu être clairement établi et confirmé ensuite par le Cardinal Lustiger et le Cardinal Vingt-Trois.

Avec du recul, je pense à ce que l’Église appelle « le charisme de fondation » et auquel le Droit canonique donne le nom assez inattendu de « patrimoine ». J’avoue qu’au départ, ce terme ne me parlait guère. Mais, depuis, j’ai compris tout ce qu’il voulait signifier. En une phrase, le Canon 578 en montre la valeur et la force institutionnelle. Il l’exprime en ces termes : « La pensée des fondateurs et leur projet, que l’autorité ecclésiale compétente a reconnus, concernant la nature, le but, l’esprit et le caractère de l’institut, ainsi que leurs saines traditions, toutes choses qui constituent le patrimoine de l’institut, doivent être fidèlement maintenues par tous. »

« Jérusalem » est né de la conjonction entre ce que les Directives Mutuae Relationes appelle « le charisme de fondation » et « le charisme de hiérarchie ». Cela donne de l’assise à des débuts. Dès 1978, trois ans seulement après la fondation à Paris Saint-Gervais, le Cardinal Marty donnait à « Jérusalem » ses premiers Statuts. Le nouveau Code de Droit canonique étant paru en 1983, le Cardinal Lustiger nous orientait alors vers la rédaction de Constitutions. En 1996 enfin, il érigeait nos Fraternités en Institut religieux d’inspiration, de caractère et de tradition monastiques, après avis favorable de la Congrégation pour la Vie consacrée. Cela donne de la solidité à une famille religieuse dont les membres s’engagent par obéissance à vivre conformément à ces Constitutions. Comme depuis sa parution en 1981 Jérusalem — Livre de Vie était devenu notre règle commune et que la même liturgie guidait nos pas, la route était balisée. Il restait à la suivre.

Trois archevêques se sont succédé depuis nos premiers pas. Nous avons dû traverser — et c’est heureux — une bonne crise de croissance18. L’épreuve prouve. Il est bon de passer au feu du creuset. Mais la liturgie commune nous a toujours portés et gardés unis. Je suis dans l’action de grâce en voyant combien, dans l’ensemble de nos deux Instituts de moines et de moniales, l’intuition première, grâce aux frères et sœurs qui ont voulu s’y conformer, a été maintenue tout en se précisant au fur et à mesure, mais toujours dans la même ligne et avec le soutien paternel de tous les évêques ou cardinaux qui nous ont appelés et avec qui nous avons signé des conventions. Seul le soutien de l’Esprit Saint peut permettre cela. Et nous ne saurions en rien nous en glorifier, mais humblement en rendre grâce.

En 35 ans, notre monde a bien évolué pourtant. Dans les domaines sociaux, politiques, économiques, culturels et même ecclésiaux, bien des choses ont changé. Mais à travers ces fluctuations, propres à tous les temps, la Parole de Dieu ne passe pas et les puissances du mal ne peuvent rien contre l’Église. Aussi est-ce une vraie joie pour nous tous de constater, au long des jours, en ces divers lieux où la Providence nous a placés19, comment on vit dans la fidélité et l’unité la même vocation de moines et moniales citadins. On se sent partout, littéralement, en famille à « Jérusalem ». Avec une couleur propre pour chaque Fraternité. En réponse à l’appel de l’Église d’aujourd’hui et du monde de ce temps.

Ainsi en est-il d’ailleurs dans chaque Institut religieux qui sait se montrer fidèle à son Charisme de fondation et tout mettre en œuvre pour animer son Patrimoine. Je rends donc grâce pour cette fidélité à l’intuition première, qui est par excellence l’œuvre de tous les frères et sœurs.

Quelle exhortation, pour finir, adresseriez-vous à l’Église, s’il vous était donné de la lui exprimer ?

Je me souviendrai tout d’abord que l’Église est « ma Mère » et « l’Épouse du Christ », comme le dit saint Ignace de Loyola. Et que j’aime ma Mère, même si elle a des défauts ; et que je respecte l’Épouse du Christ, puisque c’est lui qui l’a choisie, l’a fondée et continue de la bâtir. Sans oublier que l’Église, c’est moi aussi, et que je suis donc, en Église, le premier à devoir me convertir.

Mais puisque vous posez la question qu’un jour ou l’autre tout disciple se pose ou s’entend poser, je souhaiterais simplement que mon Église, qui est « l’Église de Dieu » (Tt 3,15), vive dans la stricte ligne de « l’Évangile du Christ », dans la conformité radicale à sa parole et à l’imitation de sa vie. À l’écoute loyale et quotidienne de l’Esprit Saint. Car nous n’avons rien d’autre à viser que de devenir peu à eu des « enfants de Dieu ». Pour la gloire du Père.

Il n’y a qu’une seule vocation, mais qui n’est pas facultative, et c’est celle à la sainteté. Cela, c’est « notre grand Dieu et Seigneur, Jésus-Christ » (Tt 2,13) en personne qui nous l’a clairement dit : « Vous donc, vous serez — esesthe — parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Heureusement, c’est un futur ! Nous avons donc toute la vie pour y parvenir.

Notes de bas de page

  • 1 Cf. Dom J. Dubois (osb), « Éléments d’une histoire du monachisme urbain », dans Lettre de Ligugé n. 143, 1970 ; Dictionnaire de Spiritualité t. 10, col. 1558 sq et la revue des Fraternités de Jérusalem Sources Vives n. 89 (1999) : « Moines et moniales dans les villes ».

  • 2 Cf. notre article « Au cœur de la Ville-Dieu » dans Sources Vives n. 36 (1991) : « Prier la ville », p. 11-36

  • 3 Jean-Paul II, Exhortation apostolique Vita consecrata n. 1, 18, 22, 28, 36, 111.

  • 4 Jérusalem - Livre de Vie, ch. 3, §23, Paris, Cerf6, 2000.

  • 5 Ibid., ch.14, §171-174

  • 6 Ibid. ch. 3, §26d.

  • 7 Cf. Credo de Paul VI donné à la liturgie concluant l’année de la foi, Basilique vaticane, 30 juin 1968.

  • 8 P. Teilhard de Chardin, Le milieu divin, Paris, Le Seuil, p. 144.

  • 9 Guigues le Chartreux, Lettre sur la vie contemplative 2, coll. Sources Chrétiennes 163, Paris, Cerf, 1970.

  • 10 Cf. P.-M. Delfieux, « Au cœur de la Ville-Dieu … (cité supra n. 2).

  • 11 Id., « Le désert de l’Assekrem, ce lieu où nous sommes nés », dans Sources Vives n. 7 (1986) : « Le désert », p.64-71 ; Id, « Le chant du désert », dans Sources Vives n. 138 (2008) : « Vivre le désert », p.145-167.

  • 12 Jérusalem – Livre de Vie, Paris, Cerf, 6e éd., 2000, §77c.

  • 13 Car. RatzingerBenoît XVI, Jésus de Nazareth, Paris, Flammarion, 2007, p. 153.

  • 14 H. Caffarel, Présence à Dieu, Feu Nouveau, 1970, p. 289.

  • 15 Guigues le Chartreux, Douze méditations, Paris, Cerf, 1970.

  • 16 Cf. P.-M. Delfieux, « L’éveil à l’Orient chrétien. Fraternités monastiques de Jérusalem », dans le Bulletin de Littérature ecclésiastique, Toulouse, CXII/2, avril-juin 2011, p. 133-148 ; ainsi que « Le pourquoi et le comment de nos liturgies », dans Sources Vives n. 25 (1989) : « Liturgies », p. 50-37 ; « Liturgies de Saint-Gervais », dans Sources Vives n. 70 (1996) : « Liturgie sur la ville », p. 37-59.

  • 17 Cf. Préface du Cardinal Paul Poupard dans P.-M. Delfieux, Moine dans la ville, Paris, Bayard 2003, p. 7-9.

  • 18 P.-M. Delfieux, « Les épreuves traversées », dans Sources Vives n. 94 (2000) : « Les vingt-cinq ans de Jérusalem », p. 91-111.

  • 19 Paris, Bruxelles, Strasbourg, Florence, Montréal, Rome, Cologne, Varsovie, et ces hauts lieux spirituels que sont Vézelay et le Mont-Saint-Michel, comme autant de villes en itinérance. Sans parler de Magdala et Gamogna, nos deux lieux de déserts ouverts au ressourcement physique et spirituel.

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