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Penser le verbe « être » autrement

Lecture d’Exode 3,14 par Paul Ricœur

Yves Meessen

À partir d’une relecture du récit du Buisson ardent, Paul Ricœur met à jour un sens inédit du verbe « être ». Un parcours à travers la tradition chrétienne lui fait percevoir une voie conciliatrice entre l’ontologisme et l’apophatisme. Mais cette voie ne devrait-elle pas être dépassée pour répondre à la critique heideggérienne de l’onto-théologie ? La suggestion de penser ensemble « Je suis celui qui suis » (Ex 3,14) et « Dieu est amour » (1 Jn 4,8) lèverait l’impensé phénoménologique.

À l’encontre d’une « lecture minimisante » d’Exode 3,14, Paul Ricœur a soutenu, dans Penser la Bible, la thèse d’une « lecture amplifiante » de la formule ’ehyehašerehyeh (Je suis Celui qui suis)1. Invitant à prendre au sérieux la « situation herméneutique exceptionnelle »2 du passage du Buisson ardent, ainsi que son « développement historique »3 à travers les spéculations philosophiques et théologiques qui se sont prolongées sur plus de quinze siècles, Ricœur s’étonne de la facilité avec laquelle la plupart des penseurs contemporains ont admis la « dissociation entre Dieu et être » comme « nouvel événement de pensée »4. Revenant sur le procès de l’« onto-théologie »5, Ricœur fait valoir que la tentative de penser « Dieu sans l’être », pour brillante qu’elle soit, ne résout pas la question de la « marginalisation » de la théologie6. Pour Ricœur, « il reste à montrer que la pensée selon l’amour ne demande pas un nouveau ‘sacrifice de l’entendement’, mais bien une autre raison »7. Dès lors, plutôt que d’opter pour une alternative entre « l’Être ou le Bien » comme le fait Jean-Luc Marion, Paul Ricœur propose une lecture conjuguée de la voie apophatique (Denys) et de la voie ontologique (Augustin).

Loin de vouloir restaurer une « métaphysique de l’Exode »8, Ricœur propose de sortir de la crise entre la philosophie et la théologie par un « pacte nouveau », indispensable pour que « les pensées juive et chrétienne » ne consentent pas à se « désinculturer »9. En vue de ce pacte, il pose trois questions : 1) « la théologie de l’amour aurait-elle éclipsé le shema hébraïque ? », 2) « l’exégèse d’Exode 3,14 aurait-elle coupé (…) toute base pour une conjonction entre le ’ehyeh hébraïque et l’esse grec ? », 3) « peut-on traduire Exode 3,14 sans recourir au verbe être ? ».

Comme le relève Jean Greisch, ces trois questions sont autant de propositions « d’une grande fécondité heuristique »10. Cette fécondité, osons-nous ajouter, est peut-être plus grande encore que ne le laissent transparaître les perspectives tracées par Ricœur. Pour nous permettre de l’apprécier, nous proposons une lecture critique des réponses de Ricœur en remontant de la dernière à la première question : 1) Ouverture polysémique du verbe « être », 2) Voie ontologique et voie apophatique : révélé/caché, 3) Triple interprétation de « Dieu est amour ».

I Ouverture polysémique du verbe « être »

Pourquoi le verbe « être » devrait-il se trouver d’emblée proscrit de la traduction de la formule hébraïque ? Aristote affirme que l’être « se dit de diverses façons » (pollakhôs legetai)11. En entrant dans l’Écriture pour désigner Dieu, le verbe « être » se prête à une « incroyable variété d’interprétations »12. Rien n’impose a priori que cette variété se limite aux multiples acceptions définies par Platon et Aristote. Lorsque l’Écriture désigne Dieu en usant du verbe « être », elle le réinvestit d’un sens nouveau. Ce verbe ne révèle pas ce que Dieu est, mais « qu’il est l’existant »13, c’est-à-dire qu’il est l’Éternel aussi bien que l’Immuable. Cette acception du verbe « être », qui se trouve déjà chez Philon, se voit confirmée et dans la tradition patristique avec l’Ipsum esse14 d’Augustin et dans la tradition scolastique avec « l’Acte pur d’exister » de Thomas d’Aquin. Jamais ces auteurs ne prétendent réduire Dieu à un concept. Au contraire, l’incognito de Dieu est préservé dans la révélation de son Nom. Voilà pourquoi Thomas ne refuse pas de faire converger l’ontologisme d’Augustin et l’apophatisme de Denys.

Selon Ricœur, il n’y aurait donc pas lieu de craindre l’usage du verbe « être » comme s’il conduisait automatiquement à une « représentation blasphématoire »15. En revanche, remplacer toute ontologie par la logique de l’amour pour répondre au défi heideggérien ne risque-t-il pas de consommer le divorce entre la philosophie et la théologie ? Ainsi, avant d’abandonner définitivement le verbe « être », il vaudrait mieux explorer à nouveau sa polysémie de manière à découvrir « une région inédite de signification »16. Il n’est d’ailleurs pas si facile de se débarrasser de ce verbe. Les efforts des penseurs juifs contemporains de langue allemande pour trouver des traductions alternatives à la formule d’Ex 3,14 en témoignent17. Leurs travaux aboutissent à des « traductions-paraphrases »18 où le verbe « être » n’est pas évincé mais où s’exprime « une extension extrême de sa polysémie »19.

Face à la méfiance de certains exégètes pour la « lecture ontologique » d’Ex 3,1420, Ricœur évoque une triple perplexité qui, à défaut de rendre cette lecture « légitime », pourrait au moins la rendre « plausible »21.

– Première perplexité : le récit du Buisson ardent présente un « écart significatif » par rapport aux autres textes portant sur la quête du Nom inconnu22. Cet écart se manifeste par la présence insolite du verbe ehyeh aux côtés du tétragramme. De ce fait, Ex 3,14 tranche sur toutes les formules d’autoprésentation (Selbstvorstellungs-formel)23 de type « Je [suis] Yhwh » (’ani yhwh)24 où la copule est omise. Cette perplexité s’accroît par le fait que « le tétragramme lui-même appartient au champ sémantique du même verbe traditionnellement traduit par être »25.

– Deuxième perplexité : la formule d’Ex 3,14 survient suite à une objection de Moïse et elle a pour fonction de renforcer l’autorité du prophète mandaté. Elle apparaît donc comme une « expansion emphatique de l’autoprésentation de Dieu »26 qui excède le cadre narratif du récit de vocation. Du fait que la formule excède son contexte, « son sens aussi excède sa fonction »27.

– Troisième perplexité : en optant pour la forme egô eimi ho ôn et donc pour l’utilisation du verbe einai, la LXX induit une situation nouvelle, dont Philon est le témoin privilégié28. Comme l’Être grec, le Dieu d’Israël est immuable et non soumis au changement (genesis). Mais la formule scripturaire vient surdéterminer le verbe être car, « par l’emploi du participe masculin ho ôn, elle continue d’évoquer le Dieu personnel d’Israël mieux que ne le ferait le neutre to on, usuel dans le langage philosophique »29. Dans cette perspective, loin d’ôter le caractère ineffable de Dieu, l’interprétation de la formule permet « la fusion entre une ontologie positive et une suspension ascétique du Nom »30. Cette herméneutique nouvelle se trouve confirmée en passant d’un Testament à l’autre puisque l’Évangile de Jean utilise « Je suis » (egô eimi) dans un sens christologique, usage qui sera confirmé par la tradition théologique, de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge.

Cette triple perplexité évoquée par Ricœur face à la lecture de la Bible donne à réfléchir. Si on lit Ex 3,14 pour lui-même et dans son contexte, comment ne pas être frappé par sa « situation herméneutique exceptionnelle » ? Dès lors, au lieu de penser que les générations ultérieures ont déformé ce verset par des spéculations philosophiques inadéquates, n’est-il pas plus légitime de se demander si l’écrivain biblique n’a pas élevé « un verbe aussi courant que le verbe être » à une « dignité insolite »31, comme le suggère Ricœur ? L’« impressionnante convergence »32 de sens entre la Bible, Philon, des théologiens païens ou chrétiens et, surtout, l’école johannique, témoigne en faveur d’une telle interprétation. Cette convergence pointe vers une conception non compréhensive du verbe « être », c’est-à-dire vers un sens qui articule à la fois la Manifestation et le Mystère de Dieu.

II Voie ontologique et voie apophatique : révélé/caché

En évoquant la troisième perplexité, l’herméneutique rejoint une phénoménologie proprement dite de l’apparaître. En effet, Ricœur emploie le vocabulaire de la « révélation » et du « retrait »33. Cette association sémantique ne peut pas ne pas renvoyer à la phénoménologie heideggérienne34. Loin d’être occasionnelle, cette association constitue une constante chez Ricœur malgré une évolution certaine de sa pensée sur « l’interprétation onto-théologique d’Exode 3,14 »35. Un bref rappel de cette évolution permet d’en juger.

En 1977, dans « Herméneutique de l’idée de Révélation », Ricœur propose de lire l’idée de révélation selon une double face : « Le Dieu qui se montre est un Dieu caché »36. Dans la ligne de la phénoménologie de l’a-lètheia, cela donne : « Ce qui se révèle est aussi ce qui se réserve »37. À cette époque, Ricœur n’articule pas encore cette logique du Buisson ardent à « l’ontologie néo-platonicienne et augustinienne » poursuivie dans « la métaphysique aristotélicienne et thomiste »38. Il les oppose de manière frontale comme une alternative sans compromis.

En 1992, dans l’ouvrage collectif Phénoménologie et Théologie39, l’opposition n’est pas si brutale. Ricœur semble juxtaposer les deux positions sans prendre parti. En effet, il déclare à propos d’Ex 3,14 : « Bien sûr, on peut le prendre comme une sorte de proposition d’ontologie biblique, et ainsi le coordonner à la tradition grecque, comme le fait Gilson en parlant de la ‘métaphysique de l’Exode’. Mais on peut penser aussi que le redoublement du ‘Je suis’ déplace en marge de tout discours le secret d’un incognito. Aussi bien Ex 3,14b dit-il : ‘Je suis m’a envoyé’. ‘Je suis’ devenu sujet d’un envoi, ne laisse paraître que la puissance d’envoi procédant de ce retrait même »40. Cette phénoménologie de l’envoi n’est pas sans rappeler la manière dont Jean-Luc Marion relit le Es gibt comme un « envoi destinal »41. La prudence de Ricœur lors de cette publication ne doit pas occulter le fait que, en 1991, il avait résolument pris position pour une lecture conjuguée du Buisson ardent et de l’ontologie dans l’essai intitulé « D’un Testament à l’autre »42.

Avant d’analyser ce texte crucial, tirons déjà les conséquences de ce parcours de Ricœur concernant l’interprétation d’Ex 3,14. Il nous permet de considérer par quel biais il entend faire face à la critique heideggérienne. Ricœur pense que le verbe « être », employé dans l’Écriture et puis dans la tradition, ne remet pas en cause la logique manifester/cacher, se montrer/se retirer. Le verbe « être » offre une polysémie qui ne se réduit pas à la présence constante de l’ousia grecque. D’où son insistance pour relire Augustin et Pseudo-Denys de manière conjuguée. Dire que la voie ontologique et la voie apophatique ne se contredisent pas mais « se présupposent mutuellement »43 revient à affirmer que la catégorie de l’être préserve la transcendance et l’inconnaissance de Dieu.

Sur cette base, une critique pourrait être adressée à Ricœur : les interprétations du verbe « être » chez Augustin et chez Denys ne sont guère compatibles. En effet, comment, à partir d’une même acception du verbe « être », pourrait-on parler simultanément d’un Dieu qui s’identifie à l’« Être même » (Ipsum esse) et d’un Dieu « au-delà de l’essence » (epekeina tès ousias)44 ? On rétorquera que, en associant ces deux conceptions, Thomas d’Aquin a établi « le subtil équilibre entre l’ontologisme et l’apophatisme »45. Mais, dans l’élaboration conceptuelle de l’analogia entis, l’ipsum esse s’est vu dédoublé. D’une part, il est devenu l’ipsum esse per se subsistens46, appellation de la perfection de Dieu. D’autre part, il est devenu l’ipsum esse47, qui est à la fois l’actualité de tous les étants (ens) et « la première des choses créées »48. La différence entre ces deux esse, que l’on nomme respectivement esse divinum et esse commune49, réside dans le fait que seul le premier est subsistant par lui-même alors que le second participe à l’Acte pur d’être et le transmet à toutes les créatures. C’est donc l’esse commune qui est le premier connu tandis que l’esse divinum préserve l’ineffabilité de Dieu. Cette distinction étant faite, il est plus aisé de concilier l’être commun avec l’être parménidien et de laisser l’être ineffable (« Celui qui est ») s’identifier à la suressence dionysienne50.

Comme on le constate, la scolastique opère un dédoublement de l’ontologie. Sans recouvrir ce que Heidegger appelle le caractère « dimorphe » (zweigestaltig) de la métaphysique51, cette distinction n’introduit-elle pas un « impensé » phénoménologique dans le lien entre transcendance et immanence ? Il est vrai, comme l’a montré Jean-Luc Marion52, que la critique du dimorphisme n’atteint pas la pensée de Thomas d’Aquin car, même s’il choisit l’expression « Qui est »53 comme le nom le plus éminemment propre à Dieu54, il ne pense pas l’étant à la fois comme le « Tout » et comme « l’Étant suprême »55. L’esse divinum n’est pas l’esse commune et il diffère de tout autre étant56. Il se détache de toute compréhension ontique. Mais, justement, cette distinction radicale pose question lorsqu’on ne pense plus sur le mode de l’analogie et de la causalité mais sur le mode phénoménologique. Tandis que l’esse divinum s’exprime à partir du vocabulaire trinitaire, et est donc directement tributaire de la révélation du Verbe, l’esse commune s’exprime dans les catégories de l’ontologie grecque. L’articulation de ces deux modes d’expression n’est pas résolue phénoménologiquement. En effet, l’esse divinum inclut l’altérité des Personnes divines. De la sorte, son autosubsistance est fondée avant tout sur la relation (esse ad), et donc sur le don. Or, l’ontologie grecque tardive, sur laquelle se base Thomas d’Aquin, perçoit l’autosubsistance comme la causa sui57, tellement décriée par Heidegger. Cette ontologie proclusienne promeut une identité fondée sur la conservation de soi. L’« impensé » phénoménologique auquel nous faisons allusion est donc l’articulation entre une modalité de donation, incluant l’altérité, et une modalité de conservation, excluant l’altérité. Comme Klaus Hemmerle le faisait remarquer dans son essai sur l’Ontologie trinitaire, il faut montrer que le Sich-Haben de Dieu est avant tout un Sich-Geben, manifesté par le dépouillement du Verbe58. La critique de l’onto-théologie garde donc une pertinence dans la mesure où il reste de l’impensé dans la cassure entre le « ici-bas » et le « là-haut ».

En effet, la « scission » en deux régions ontologiques pose problème à la phénoménologie. Elle ne permet pas à l’Être de se manifester en vérité. Elle oblige à penser qu’il y a un autre Être « derrière » le voile du visible. Voilà pourquoi la conciliation de la voie ontologique et apophatique envisagée par Ricœur, pour intéressante qu’elle soit au niveau herméneutique, ne nous semble pas suffisamment adéquate pour répondre à la critique de l’ontothéologie. Par contre, la première question, où il suggère de penser ensemble « Je suis celui qui suis » et « Dieu est amour », ouvre une perspective totalement inédite sur le plan de la sémantique du verbe « être ».

III Triple interprétation de « Dieu est amour »

Dans « D’un testament à l’autre »59, Ricœur développe la thèse suivante : « la formule johannique (‘Dieu est amour’) devient plus significative lorsqu’elle est interprétée comme une expansion de la formule hébraïque (‘Je suis celui qui suis’) »60. Ce développement se fait en trois étapes : métaphorique, dialectique et narrative.

– Interprétation métaphorique : l’énoncé « Dieu est amour » est une « prédication bizarre » qui donne à « penser plus », tant au sujet de Dieu qu’au sujet de l’amour61. Cette appellation, qui implique la doctrine trinitaire, donne à percevoir que, dans la proclamation du Shema, « Dieu n’est pas numériquement un mais l’objet exclusif de l’amour : d’où la traduction ‘Dieu est seul’ plutôt que ‘Dieu est Un’ »62. Le Dieu de l’Alliance, qui requiert un amour exclusif, « est lui-même cet amour exclusif »63, ce qui préserve l’appellation « Je suis celui qui suis » au sein du processus métaphorique.

– Interprétation dialectique : plus que la logique de l’économie du don comme surabondance, « l’amour est dessaisissement de soi dans un autre qui confère au soi initial une dimension qu’il n’aurait pas s’il restait seul avec soi »64. Ricœur s’appuie sur un développement de l’amour chez Jüngel65 pour l’attribuer à Dieu : « À parler formellement, ‘Dieu se différencie en ce qu’il s’aime lui-même’ ; ou mieux : ‘il aime un autre et ainsi est et reste lui-même’. À parler matériellement, Dieu n’est pas encore amour tant qu’il n’est pas le Dieu souffrant et mourant »66.

– Interprétation narrative : parce que Dieu s’est fait homme et qu’il est entré dans l’histoire, parler de l’amour revient à « raconter une histoire d’amour ». Or, dans l’Évangile, cette histoire est précisément centrée sur le kérygme. L’amour devient union de la vie et de la mort au bénéfice de la vie grâce à « l’événement historique de la Croix »67.

Dans cette triple interprétation, Ricœur opère une relecture de la révélation du Dieu de l’alliance à partir de la révélation christologique. Cette relecture lui donne de « penser plus »68. En ouvrant « Je suis celui qui suis » (Ex 3,14) et « Dieu est Un » (Dt 6,4) à la dimension trinitaire, la démarcation par rapport à l’être grec s’accentue. Selon l’interprétation métaphorique, l’« auto-manifestation » du Buisson ardent se dit sur le mode du « je » et non du neutre, ce qui empêche de « fusionner trop hâtivement l’hébreu eyeh (‘je suis’) avec le grec einai »69. De même, la proclamation du Shema ne signifie pas que Dieu soit numériquement un mais qu’il requiert un amour exclusif parce qu’il est l’Unique, et qu’en dehors de lui il n’y a pas d’autres dieux.

L’interprétation dialectique, en faisant directement intervenir la dimension trinitaire, consomme ce divorce entre deux significations incompatibles du verbe « être ». La définition de l’estin parménidien, à cause de sa neutralité et de son unicité numérique (hen sunechès)70, est écartée. Que Dieu soit « amour » signifie qu’il existe sur le mode du don et non sur le mode de la possession de soi, ou plutôt que sa stance est sa donation même. Cela est inconcevable si Dieu n’est pas Trinité. En effet, un Dieu solitairement un ne peut pas se maintenir sur le mode du don, sinon il marquerait son propre anéantissement. Par contre, s’il est trine, Dieu est en se donnant. Être consiste à aimer, c’est-à-dire à se donner totalement à l’autre, sans que ce don ne quitte son être. Telle est la thèse du théologien Jüngel auquel recourt Ricœur pour énoncer sa dialectique.

Cette conception de l’être comme don permet de reconsidérer le rapport entre l’être et les étants sans faire intervenir la distinction entre essence (essentia) et existence (esse)71. Cependant, ce rapport ne se laisse pas penser comme tel à partir de la raison humaine. Il peut seulement s’interpréter à partir de l’événement de la Croix, ce qui implique l’interprétation narrative. D’où la souscription « sans réserve » de Jüngel à la thèse rahnérienne de l’identité entre la Trinité ‘immanente’ et la Trinité ‘économique’72. Il faut renoncer à disjoindre un Dieu qui se maintiendrait résolument dans la possession de soi-même et un Dieu qui se livrerait sur la Croix. Recourant au concept dionysien de « Dieu comme Être débordant » (überströmendes Sein), Jüngel énonce une thèse décisive : « Avant tout ‘avoir-soi-même’ (Selbsthabe), avant toute ‘possession-de-soi’ (Selbstbesitz), Dieu est déjà la communication de soi la plus spontanément originelle »73. Chez Jüngel, cette thèse signifie qu’il faut résolument renoncer à penser l’être comme « possession de soi »74. Or, sur ce point, Ricœur s’écarte sensiblement du théologien. Selon nous, cet écart signe aussi les limites d’une approche prometteuse d’une nouvelle interprétation du verbe « être » qui n’aurait pas été jusqu’au bout de ses implications.

L’herméneutique de Ricœur est axée sur la « phénoménologie du soi affecté par l’autre que soi »75. Cette herméneutique, dominée par la dialectique appropriation/désappropriation76, ne lui permet pas d’adhérer complètement à la démarche de Jüngel. De ce fait, il interprète l’essence de l’amour comme une « alternance entre Abwendung (se détourner de) et Zuwendung (se tourner vers) »77. Cette lecture ne nous semble pas faire droit au correctif dialectique apporté par Jüngel à la pensée hégélienne. Pour Jüngel, « le moi qui aime vraiment ne se promet absolument rien pour soi-même, mais se tourne (…) avec le plus grand naturel vers le toi aimé, de sorte qu’il se détourne totalement de soi-même »78. Force est de constater que le détachement (se détourner de) ne se situe pas en alternance avec l’attachement (se tourner vers) mais en coïncidence avec lui. Il en résulte un nouveau rapport non contradictoire entre « relation à soi » (Selbstbezogenheit) et « dessaisissement de soi » (Selbstlosigkeit)79.

À l’instar de Hegel et à l’inverse de Jüngel, Ricœur persiste à maintenir un rapport dialectique (« un initial rapport à soi est présupposé par le dessaisissement de soi, en vue d’un nouveau rapport à soi »). Selon son propre aveu, c’est là que réside son point d’éloignement maximal à Lévinas80. En effet, chez ce dernier, la dépossession n’est précédée par aucune instance en soi et n’est finalisée par aucune appropriation de soi. Tournant le dos aux « structures de retour à soi de la pensée absolue »81, Lévinas défend une attitude éthique sans ontologie jusqu’au paroxysme de la substitution où il s’agit de « se déprendre de soi … jusqu’au bout », « se dé-posséder jusqu’à se perdre »82. Face à Heidegger, par contre, Ricœur s’aligne sur Lévinas en proposant de considérer « Je suis » comme « Autre », réintroduisant la dimension éthique là où elle est éclipsée par la dimension ontologique83. Or, pour Lévinas, la relation à l’Autre est incompatible avec l’initial rapport à soi comme « possession »84. Autrement dit, une alternative se propose. Soit l’Autre est pensé et compris par le Même, soit l’Autre se manifeste à partir de lui-même (kath’auto)85.

Ce rapport conflictuel de Ricœur à Lévinas ne laisse-t-il pas entrevoir une question méthodologique essentielle : qui, du langage et de la pensée, a la priorité ? Cette question n’est pas anodine. Il s’agit évidemment d’une, voire de la question limite entre la philosophie et la théologie. En conclusion de sa triple interprétation de « Dieu est amour », Ricœur suggère une ouverture vers une « philosophie théologique » ou une « théologie philosophique »86. Jüngel, quant à lui, opte pour une « théologie évangélique » qui ne peut entrer en dialogue avec la « théologie philosophique » que sur le ton de la « controverse »87. La théologie évangélique entreprend « la tâche très spécifique de penser Dieu à partir de la rencontre avec lui et, par là, à apprendre à penser la pensée de manière nouvelle »88. Ce renversement de priorité est épinglé par Jüngel comme la possibilité de penser Dieu, tout en prenant congé de l’idée philosophique de Dieu : « Ce n’est pas la raison qui fait accéder au langage, mais le langage qui mène à la raison et à la pensée »89.

Conclusion

Par une triple perplexité devant le récit du Buisson ardent, Paul Ricœur invite le lecteur à découvrir un sens encore inédit du verbe « être ». Un parcours à travers la tradition chrétienne, en remontant d’Augustin et Denys à saint Thomas, lui fait percevoir une voie conciliatrice entre l’ontologisme et l’apophatisme. Par là, Ricœur aurait-il répondu à la critique heideggérienne de l’onto-théologie ? Sa réponse consiste à s’aligner sur la phénoménologie de la manifestation corrélative au retrait. Or, cette réponse, qui passe par la voie de la causalité, laisse un impensé phénoménologique entre l’esse divinum et l’esse commune. Tandis que l’autosubsistance du premier est le don trinitaire, celle du second est la conservation par causa sui. La suggestion de Ricœur à penser ensemble « Je suis celui qui suis » et « Dieu est amour » permet cependant de dépasser cette aporie. Le théologien Jüngel, auquel Ricœur recourt, renverse la conception habituelle de Dieu comme « possession de soi ». Par un souci phénoménologique de fonder sa théologie dans la révélation de la Croix, Jüngel pense Dieu comme « communication de soi », plus originaire que tout avoir, qui s’exprime dans un « dessaisissement de soi ». Il en résulte une nouvelle interprétation du verbe « être » qui ne se laisse réduire à aucune dialectique. À partir de là, pourra être montré que, si retrait il y a, il ne peut venir de Dieu. La donation, qu’elle soit due à la générosité du Bien ou à la neutralité du Es gibt, ne se situe pas en contre-point de l’Être mais le dévoile dans toute sa Gloire.

Notes de bas de page

  • 1 Ricœur P., « De l’interprétation à la traduction », dans Penser la Bible (en collaboration avec A. LaCocque), Paris, Seuil, 1998, p. 335-372, ici, p. 342 (désormais PB).

  • 2 PB, p. 343.

  • 3 PB, p. 347.

  • 4 PB, p. 366.

  • 5 Pour une présentation détaillée de l’onto-théologie, cf. Capelle Ph., Philosophie et théologie dans la pensée de Heidegger, Paris, Cerf, coll. Philosophie & Théologie, nouv. éd., 2001, chap. 2, p. 53-99.

  • 6 PB, p. 366.

  • 7 PB, p. 368-369.

  • 8 Cf. Gilson É., L’Esprit de la philosophie médiévale (1932), Paris, Vrin, 1989, p. 50-52.

  • 9 PB, p. 369.

  • 10 Greisch J., Le Buisson ardent et les Lumières de la raison, t. III, coll. Philosophie & Théologie, Paris, Cerf, 2004, p. 855.

  • 11 Métaphysique E 2, cité dans PB, p. 346. Sur l’interprétation heideggérienne de cette pluralité d’acceptions de l’être, cf. Mattéi J.-Fr., « La quadruple énigme de l’être », dans Heidegger, l’énigme de l’être, dir. J.-Fr. Mattéi, Paris, PUF, 2004, p. 131-157, ici, p. 138-139.

  • 12 PB, p. 346.

  • 13 PB, p. 344.

  • 14 Le Corpus Augustinianum Gissense (CD-ROM, Schwabe & Co. AG Verlag, Basel) recense 97 occurrences de l’expression « ipsum esse » et 107 occurrences du terme « idipsum » dont quatre dans l’expression « idipsum esse ».

  • 15 PB, p. 368.

  • 16 PB, p. 346.

  • 17 Cf. Goetschel R., « Exode 3,14 dans la pensée juive allemande de la première moitié du XXe siècle », dans Celui qui est, interprétations juives et chrétiennes d’Exode 3,14, éd. A. de Libera et E. Zum Brunn, Paris, Cerf, 1986, p. 269-276.

  • 18 Hermann Cohen : « der Seiende » ; Moses Mendelssohn : « das ewige Wesen » ; Franz Rosenzweig : « der Da-Seiende » (cf. ibid.)

  • 19 PB, p. 371.

  • 20 Cf. LaCocque A., « La révélation des révélations. Exode 3,14 », dans PB, p. 305-334.

  • 21 PB, p. 337.

  • 22 PB, p. 338.

  • 23 Cf. Zimmerli W., I am Yahweh, éd. et intr. W. Bruegmann, Atlanta, John Knox Press, 1982, p. 10s., cité dans LaCocque A., « La révélation des révélations … » (cité supra n. 20), p. 316.

  • 24 Textes où la formule se trouve : Ex 6,6-8 ; 7,5.11 ; 8,18 ; 10,2 ; 12,12b ; 14,4 ; 18,11 ; 16,12 ; 29,28-46 ; 31,13s. ; Lv 11,42-45 ; Nb 3,12s. ; 10,8-10 ; 15,38-41 ; Dt 29,5 ; 1 R 20,13.28 ; Jr 24,7 ; Jl 2,27 ; 4,17 … (LaCocque A., « La révélation des révélations … », dans PB, p. 317, n. 34).

  • 25 PB, p. 339.

  • 26 PB, p. 341.

  • 27 PB, p. 343.

  • 28 Cf. Starobinski-Safran E., « Exode 3,14 dans l’œuvre de Philon d’Alexandrie », dans Dieu et l’Être. Exégèses d’Exode 3,14 et de Coran 20,11-14, éd. P. Vignaux, Paris, Études augustiniennes, 1978, p. 47-55.

  • 29 PB, p. 343-344.

  • 30 PB, p. 344.

  • 31 PB, p. 347.

  • 32 PB, p. 346.

  • 33 « (…) énigme plus grande encore d’une révélation, au sens théophanique usuel, ou d’une non-révélation, au sens d’un retrait dans l’incognito » (PB, p. 346-347. Nous soulignons).

  • 34 Faut-il rappeler que Heidegger cite abondamment Héraclite : « la physis aime son propre retrait » (frg. 123) ? Il en donne cette interprétation : « se retirer, s’héberger soi-même en son propre retrait appartient à la prédilection de l’être, c’est-à-dire à ce en quoi il affermit son déploiement. Et le déploiement de l’être, c’est de se déclore, de ressortir dans l’ouvert du non-retrait – physis » (Heidegger M., Die Physis bei Aristoteles, 1958 ; « Ce qu’est et comment se détermine la physis », dans ID., Questions II, tr. F. Fédier, Paris, Gallimard, 1968, p. 275).

  • 35 Bochet I., Augustin dans la pensée de Paul Ricœur, Paris, Éd. fac. jésuites de Paris, 2004, p. 64-67.

  • 36 Ricœur P., « Herméneutique de l’idée de Révélation » dans Ricœur P., Levinas E. e.a., La Révélation, Bruxelles, Fac. Univ. Saint-Louis, 1977, p. 15-54 ; ici, p. 33.

  • 37 Ibid. p. 33.

  • 38 Ibid. p. 34.

  • 39 Ricœur P., « Expérience et langage dans le discours religieux », dans Phénoménologie et théologie, avec les contributions de M. Henry, J.-L. Marion, P. Ricœur, J.-L. Chrétien et une présentation de J.-Fr. Courtine, Paris, Criterion, 1992, p. 15-39.

  • 40 Ibid. p. 36.

  • 41 Cf. Marion J.-L., Dieu sans l’être, Paris, Communio/Fayard, 1982, p. 148-155.

  • 42 Ricœur P., « D’un Testament à l’autre : essai d’herméneutique biblique (de ‘Je suis celui qui suis’ à ‘Dieu est amour’) », dans La Mémoire et le Temps. Mélanges offerts à Pierre Bonnard, éd. D. Marguerat et J. Zumstein, Genève, Labor & Fides, 1991 ; repris dans Dialogo di Filosofia 9, 1992 ; repris dans Ricœur P., Lectures 3. Aux frontières de la philosophie, Paris, Seuil, 1994, p. 355-366 (désormais L3).

  • 43 PB, p. 348.

  • 44 Platon, République VI, 509 b 9 ; Denys, Noms divins I, 588 b ; IV, 697 a ; 716 c.

  • 45 PB, p. 358.

  • 46 Thomas d’Aquin, Somme théologique I, 4, a. 2.

  • 47 Ibid. I, 4, a. 1.

  • 48 Définition du Liber de causis, §4, cité dans Thomas d’Aquin, Somme théologique I, 45, a. 4.

  • 49 Sur cette distinction, cf. Dubarle D., « Essai sur l’ontologie théologale de saint Augustin », dans Recherches augustiniennes XVI, Paris, 1981, p. 197-288 ; ici, p. 246.

  • 50 « Ce nom ‘Celui qui est’ est dit le nom le plus propre à Dieu (…) Encore plus propre est le Tétragramme, employé pour signifier la substance divine selon qu’elle est incommunicable et, si l’on peut ainsi parler, singulière » (Thomas d’Aquin, Somme théologique I, 13, a. 11 ; tr. M.-J. Nicolas, t. 1, Paris, Cerf, 2004, p. 250).

  • 51 « La métaphysique présente d’une double manière l’étantité de l’étant : d’abord la totalité de l’étant comme tel, au sens de ses traits les plus généraux (on katholou, koinon) mais, en même temps, la totalité de l’étant au sens de l’étant le plus haut, et partant, divin (on katholou, akrotaton, theion) » (Heidegger M., Was ist Metaphysik ? (1938), « Qu’est-ce que la métaphysique ? », dans ID., Questions I, tr. H. Corbin, Paris, Gallimard, 1968, p. 40).

  • 52 Marion J.-L., « Saint Thomas d’Aquin et l’onto-théo-logie », dans Revue Thomiste (1995), p. 31-66. Dans cet article, J.-L. Marion se rétracte par rapport à la thèse de Dieu sans l’être dans lequel il identifie la pensée de saint Thomas à l’onto-théologie dénoncée par Heidegger. Cf. aussi la préface à la traduction anglaise, God without being, Chicago, U.P., 1991, p. XVII-XXV.

  • 53 « Qui est, misit me ad vos » (Ex 3,14).

  • 54 « Ergo hoc nomen Qui est maxime proprie nomen Dei » (Thomas d’Aquin, Somme théologique I, 13, a. 11).

  • 55 Heidegger M., « Die onto-theo-logische Verfassung der Metaphysik », dans Identität und Differenz, Neske, Pfullingen, 1957 ; ID., « La constitution onto-théo-logique de la métaphysique », dans Questions I (cité supra n. 51), tr. A. Préau, p. 277-310, ici, p. 305.

  • 56 « Esse divinum quod est ejus substantia, non est esse commune, sed est esse distinctum a quolibet alio ente. Unde per ipsum suum esse Deus differt a quolibet alio ente » (Thomas d’Aquin, De potentia, q. 7, a. 2).

  • 57 Cf. Proclus, Éléments de théologie, prop. 46 ; Liber de causis, prop. 26, §189.

  • 58 Cf. HEMMERLE Kl., Thesen zu einer trinitarischen Ontologie, Freiburg, Johannes Verlag Einsiedeln, 21992, p. 55-56.

  • 59 Cf. supra n. 42.

  • 60 L3, p. 355.

  • 61 L3, p. 359.

  • 62 L3, p. 359-360.

  • 63 L3, p. 360.

  • 64 L3, p. 360.

  • 65 Cf. Jüngel E., Gott als Geheimnis der Welt (1977), Tübingen, Mohr Siebeck, 2001, p. 434 ; ID., Dieu mystère du monde, t. I et II, tr. H. Hombourg e.a., coll. Cogitatio fidei 116-117, Paris, Cerf, 1983 ; ici t. II, p. 151. Pour une lecture synthétique de cet ouvrage, cf. Neusch M., « Un livre à lire », no 12, Paris, Bayard, 1984.

  • 66 L3, p. 362.

  • 67 L3, p. 362.

  • 68 Rappelons que Ricœur aime citer Kant qui affirme que l’imagination induit une représentation qui « donne beaucoup à penser (viel zu denken) sans qu’aucune pensée déterminée, c’est-à-dire de concept, puisse lui être adéquate et que, par conséquent, aucune langue ne peut complètement exprimer et rendre intelligible » (A 190), Kant E., Critique de la faculté de juger (1790), tr. A. Philonenko, Paris, Vrin, 31974, p. 144, cité dans Ricœur P., « Herméneutique de l’idée de Révélation » (cité supra n. 36), p. 53.

  • 69 L3, p. 357.

  • 70 Parménide, Fragm. VIII, 6.

  • 71 Le premier tome de Dieu mystère du monde est la démonstration de la nécessité d’abandonner la distinction entre essence et existence pour se focaliser sur Dieu comme être, manifesté par le Crucifié. Cf. Jüngel E., Gott als Geheimnis der Welt (cité supra n. 65), p. 284 ; trad. fr., t. I, p. 326.

  • 72 Cf. Rahner K., « Dieu Trinité fondement transcendant de l’histoire du salut », dans Mysterium salutis, t. VI, Paris, Cerf, 1971, p. 28, cité dans Jüngel E., Gott als Geheimnis der Welt (cité supra n. 65), p. 507 ; trad. fr., t. II, p. 234.

  • 73 Jüngel E., Gott als Geheimnis der Welt (cité supra n. 65), p. 302 ; trad. fr., t. I, p. 347. Notons que Jüngel recourt à Denys, non pas dans sa dimension apophatique, à laquelle il oppose la voie cataphatique de la communication du Verbe, mais pour la prodigalité diffusive du Bien qui demeure lui-même en sortant de soi vers l’autre.

  • 74 « Cette thèse contredit la conception que tout ce qui est ‘tend au retour vers soi’, veut ‘venir vers soi …, prendre possession de soi’, que ‘le sens de être’ soit ceci : prendre ‘possession de soi-même’ » (ibid. p. 347, note 276). Jüngel renvoie à l’axiome de K. Rahner et de J.-B. Metz qui suivent la reditio rei in seipsam de Thomas d’Aquin (Rahner K. – Metz J.B., L’homme à l’écoute du Verbe, Paris, Mame, 1968, p. 97).

  • 75 Ricœur P., Soi-même comme un autre, coll. Points/Essais, Paris, Seuil, 1991, p. 382.

  • 76 « Approprier, c’est faire que ce qui était étranger devient propre. Ce qui est approprié, c’est bien la chose du texte. Mais la chose du texte ne devient mon propre que si je me désapproprie de moi-même, pour laisser être la chose du texte. Alors j’échange le moi, maître de lui-même, contre le soi, disciple du texte » (Ricœur P., Du texte à l’action. Essai d’herméneutique II, Paris, Seuil, 1986, p. 54). De la sorte, « ce qui est appropriation d’un point de vue est désappropriation d’un autre point de vue » (ibid.).

  • 77 L3, p. 361.

  • 78 Jüngel E., Gott als Geheimnis der Welt (cité supra n. 65), p. 439 ; trad. fr., t. II, p. 156.

  • 79 « Mais si l’on voulait opposer la relation à soi de Dieu et son dessaisissement de soi, on passerait à côté de l’essence de l’amour (…) Voilà donc le Dieu qui est amour : celui qui dans une relation à soi encore si grande, est chaque fois toujours encore plus dépossédé de lui-même, et qui ainsi déborde et élève son être propre » (Jüngel E., Gott als Geheimnis der Welt, p. 506 ; trad. fr., t. II, p. 233).

  • 80 L3, p. 361.

  • 81 Lévinas E., « De l’Un à l’Autre », dans ID., Entre nous. Essais sur le penser à l’autre, Paris, Figures/Grasset, 1991, p. 153-175, ici, p. 147.

  • 82 Lévinas E., Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Dordrecht, Kluwer Academic Publ., 1991, p. 141. Nous soulignons.

  • 83 L3, p. 365.

  • 84 « La possibilité de posséder, c’est-à-dire de suspendre l’altérité même de ce qui n’est autre que de prime abord et autre par rapport à moi — est la manière du Même […] (Ce qui est absolument autre ne se refuse pas seulement à la possession, mais la conteste et, par là précisément, peut la consacrer) » (Lévinas E., Totalité et Infini [1961], Den Haag, Martinus Nijhoff, 21965, p. 8. Nous soulignons).

  • 85 Ibid. p. 21.

  • 86 L3, p. 363. Concernant « le statut de la théologie philosophique », cf. Capelle Ph., Finitude et mystère, coll. Philosophie & Théologie, Paris, Cerf, 2005, p. 57-77.

  • 87 Jüngel E., Gott als Geheimnis der Welt (cite supra n. 65), p. 205 ; trad. fr., t. I, p. 237.

  • 88 Jüngel opte pour trois décisions herméneutiques fondamentales : 1) On ne peut parvenir à une idée de Dieu résultant d’une analytique de la pensée elle-même, ce qui n’exclut pas un renouvellement théologique de la pensée ; 2) la tâche de penser Dieu est donnée par une très spéciale expérience de Dieu, par une spéciale relation de Dieu à la pensée humaine ; 3) Cette possibilité de penser Dieu comme Dieu est guidée par la réalité des textes bibliques (ibid.).

  • 89 Ibid. p. 345 ; trad. fr., t. II, p. 50.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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