Actes 2, 1-13. Le parler en langues
(dir.) Matthieu Arnold (dir.) Gilbert Dahan (dir.) Annie Noblesse-RocherSagrada Escritura - reviewer : Didier Luciani
La collection « Études d’Histoire de l’exégèse », inaugurée en 2010 (voir NRT 134, 2012, p. 659-660), poursuit sa route à un rythme soutenu de trois publications tous les deux ans. Alternant les études de l’AT et du NT, le 21e volume est consacré au récit de la venue de l’Esprit Saint lors de la Pentecôte et à sa manifestation la plus remarquable du « parler en d’autres langues » (Ac 2,4). La question qui se pose d’emblée est simple : s’agit-il, comme en 1 Co 12,30 ; 14,2, de glossolalie (paroles incompréhensibles dites sous inspiration) ou de xénoglossie (faculté de parler une langue étrangère sans l’avoir apprise) ? Et, le cas échéant, le miracle se produit-il chez les locuteurs (les apôtres « tous Galiléens », v. 7) ou chez les auditeurs venant de nations si différentes (« Parthes, Mèdes, Élamites… », v. 9-11) ? L’exégèse contemporaine (Christian Grappe, chap. 1) penche résolument en faveur de la xénoglossie. Les écrivains chrétiens de l’Antiquité (Martine Dualey, chap. 2) comme les auteurs médiévaux (Gilbert Dahan, chap. 3) vont en général dans le même sens – avec, assez souvent, une assimilation de la glossolalie à la xénolalie – tout en honorant les riches harmoniques du récit : accomplissement des prophéties (Jl 3,1-5 ; Is 28,11 ; etc.), universalité de la prédication et de la mission apostolique, signe de l’unité de l’Église (avec Babel comme antitype), manifestation de la puissance divine, préfiguration de la conversion générale, don de la loi nouvelle (en lien avec le don de la Loi au Sinaï, en Ex 19), expérience mystique des croyants « pleins non pas du vin ancien qui fait défaut lors des noces de l’Église (Jn 2,1-10) mais du vin nouveau de la grâce spirituelle » (Hugues de Saint-Cher, p. 103), etc. Ce riche parcours est complété par une enquête chez les Réformateurs (Matthieu Arnold, chap. 4). Pour Calvin, le récit de la Pentecôte manifeste la gloire de Dieu, mais nombreux sont ceux qui restent insensibles à cette œuvre divine et qui méprisent a fortiori sa doctrine. De son côté, Luther insiste « davantage sur les dons de l’Esprit et sur son ministère qui est en particulier celui de la prédication » (p. 119). En revanche, aucun des deux Réformateurs n’évoque la glossolalie, au point que l’on se demande s’ils connaissent ce phénomène. Enfin, Jean-Robert Armogathe consacre quelques pages à la relation entre « Langues de feu et langues parlées » (chap. 5) chez les auteurs du xviie s., alors que Catherine Dejeumont étudie « les signes de l’inspiration chez les dissidents [les tenants d’une « réforme radicale » comme Nicolas Storch, Thomas Müntzer, etc.] du 16e s. » (Annexe). Bien que le livre des Actes des apôtres ait été, en général, peu commenté dans son intégralité par les Pères, les médiévaux et les réformateurs, cet ouvrage montre que le texte du récit de la Pentecôte n’en a pas moins laissé une trace significative dans l’histoire de l’interprétation. — D.L.