Le mérite de cette étude très fouillée sur Hannah Arendt est avant
tout d'aborder une question qu'on ne considère pas aisément comme
significative dans l'approche de cet auteur. Si, en effet, la
relation de la philosophie au monde juif constitue une donnée
essentielle de sa pensée, peut-on en dire autant du rôle et du
mérite qu'elle reconnaîtrait au christianisme? Ce livre contribue à
mettre en lumière, avec beaucoup de précision et de finesse,
comment comprendre le recours relativement fréquent d'Arendt au
christianisme, au moins sur certains thèmes.Si on définit la
politique comme pouvoir d'agir ensemble, l'espace public, qui est
ainsi circonscrit, ne supprime pas pour autant l'espace privé où
advient le social, et l'espace public organisé, que définissent la
politique et le droit, n'élimine pas non plus l'importance du
désert et des oasis.L'A. part de ce regard porté par Arendt sur la
politique pour mettre ensuite en lumière ce que celle-ci
considérera comme les tendances anti-politiques du christianisme
(le rapport du chrétien au monde ne se traduisant pas
nécessairement par une adhésion profonde à ce monde) - ce qui ne
l'empêche pas cependant de faire surgir ces 'miracles politiques'
que sont le pouvoir de pardonner et le pouvoir de commencer, ou la
puissance de la foi…Ce livre s'achève en mettant en confrontation
l'amor mundi prôné par Arendt (dans le registre politique) et la
structure chrétienne de l'amor mundi renvoyant au concept
augustinien de l'amour du prochain dans le monde. - S. Decloux sj