En vue de dépasser cette étroitesse, l'anthropologie se fait métaphysique. Elle entend résolument aller au-delà de la description du vécu par la phénoménologie, en tout cas si celle-ci reste rivée au sujet comme source de tout le sens. Branchée sur l'Être, l'anthropologie peut décrire l'être humain non seulement comme un être de manque et de besoin mais comme ouvert à ce qui lui vient d'ailleurs. C'est sans doute sur ce point qu'A.C. se distancie du discours habituel de l'anthropologie moderne, largement diffusé par la psychanalyse. La liberté n'est pas que manque, elle est, positivement, réception de l'Être. Cette vision réunifiante a de quoi renouveler l'étude du langage, de la société et du corps. Mais aussi bien la question de la mortalité est reformulée. Celle-ci n'est pas qu'achèvement, fin; elle peut être vue comme un accomplissement dans la mesure où la liberté, découvrant sa vulnérabilité, arrive à consentir à l'attente de ce qui l'accomplit. Voilà qui prépare toute une éthique de l'incarnation mais en plus qui ouvre sur un horizon spirituel.
Bon connaisseur de Hegel, A.C. se donne les concepts opératoires pour construire une philosophie qui n'est plus isolée de la théologie. Philosophie traditionnelle certes, en ce qu'elle plonge ses racines chez saint Thomas et reprend les grands thèmes des philosophies modernes. Mais aussi bien philosophie originale de l'incarnation qui n'a de cesse de montrer que l'être humain est toujours en excès, dans la disette, la carence de son désir, autant que dans la plénitude qui l'habite. - H. Thomas osb