Bellarmino. Una teologia politica della Controriforma

Fr. Motta
Biografías - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Directeur de recherches historiques, Fr. Motta est spécialiste de Galilée et de Bellarmin. Il tente ici de découvrir le vrai Bellarmin derrière le théologien et le saint. Au cours de sa longue carrière, Bellarmin (1542-1621) est intervenu dans bien des domaines pour leur apporter des solutions théologiques et pas seulement dans les procès contre Giordano Bruno et Galilée. Il s'est montré le porte-étendard de la domination pontificale en politique et de la contre-réforme conservatrice. Il a insisté sur la hiérarchie ecclésiastique, le ritualisme dans les sacrements, etc. On l'a souvent attaqué ou défendu, mais avec peu de références à sa biographie qui n'intéressait que les jésuites. Pour surmonter la dichotomie qu'il aperçoit entre le penseur et le saint, Motta a étudié le milieu culturel de ce temps-là et les sources de son oeuvre.
Sa grande oeuvre apologétique, Les Controverses, fait sans cesse appel au principe d'autorité pour aboutir à des solutions. Il estime que la souveraineté universelle du Pape, même en politique, est la seule solution dans toutes les matières de foi contestées par les protestants et spécialement dans l'interprétation des Écritures qui était la suprême source de vérité pour eux. La vérité, sa recherche et son affirmation sont le fondement de tout son système, mais sous la conduite du critère d'autorité (Écriture, Pères, docteurs de l'Église) et de la raison, c'est-à-dire des «lieux théologiques» de Melchior Cano. La trilogie vérité-foi-conscience doit guider infailliblement l'homme vers la vérité. C'est là tout l'effort des Controverses. La théologie politique a quelque chose à voir avec le pouvoir et le salut, car elle fait intervenir Dieu, et le Pape est également un souverain temporel. Motta ne décrit pas la théologie politique de Bellarmin, mais en cherche la genèse dans la vie et le milieu du jésuite. La thèse du «pouvoir indirect» du Pape sur le pouvoir politique tire sa valeur de l'infaillibilité pontificale qui est la perspective de ce volume et que Bellarmin a si fortement défendue. Ceci exige de bien saisir le contexte intellectuel et religieux de l'époque, que l'A. développe très largement tout au long de son livre qui s'arrête à la controverse sur la grâce.
La biographie du cardinal montre l'éclosion de ses idées à partir d'un idéal de l'autorité pontificale incarnée dans le Pape Marcel II, oncle de Bellarmin, en y ajoutant sa formation jésuite et rhétorique. Il a aussi été marqué par l'étude de saint Thomas et de la théologie scolastique, par les Pères et par un humanisme dévot. Dans la grande dispute avec les dominicains sur la nature et la grâce, Dieu et la liberté humaine, et dans la controverse sur les deux manières de comprendre les traditions et surtout saint Augustin, Bellarmin fut déchiré entre sa fidélité à la tradition patristique et la nécessité d'empêcher une condamnation de la théologie des jésuites symbolisée par le livre de Molina sur la grâce et la liberté. Ce débat finit par entamer son idée d'une autorité papale toujours infaillible. Doué d'une excellente mémoire et d'un bon esprit de synthèse, le Cardinal avouait ne pas posséder un esprit subtil.
Motta développe longuement les diverses étapes de la controverse de auxiliis sur la nature et la grâce, durant laquelle Bellarmin fut nommé Cardinal par Clément VIII, désigné comme membre de la commission d'enquête sur ce sujet, avant d'être exilé à Capoue: il avait dit trop nettement au Pape quelques vérités pour lui éviter de commettre une erreur s'il tranchait seul en ce domaine épineux et obscur. Bellarmin voyait bien que Molina adoptait sur la grâce une position semi-pélagienne condamnée au concile d'Orange, mais il voyait aussi que la thèse dominicaine de la «prémotion physique» était calviniste. Lui-même adoptait une position «congruiste» qui ne sauvait la liberté qu'en apparence. Il avait aussi osé rappeler au Pape l'erreur de son prédécesseur, Sixte V, qui avait prétendu pouvoir corriger à lui seul les textes de la vulgate sans écouter personne puisqu'il était infaillible; sa version fut imprimée avant sa mort survenue peu après. Il fallut alors détruire tous les exemplaires retrouvés ou invendus et corriger hâtivement les erreurs en les prétendant dues à des «fautes d'impression»! Clément VIII, lui, mourut en 1605, avant d'avoir rien décidé, alors qu'il penchait pour la thèse dominicaine. Son successeur reprit la question et aboutit à la solution du cardinal Tolet si proche de celle de Bellarmin: ne rien décider et interdire aux deux camps de s'attaquer. Bellarmin triomphait, mais son idéal de la papauté en sortait ébréché.
Ce fut un tournant dans l'Église car elle commença à admettre un certain progrès dans les dogmes auquel Thomas et tout le passé n'avait pas songé. On osa contester l'autorité absolue accordée à Augustin, mais le jansénisme allait revenir sur le problème quelque 25 ans plus tard. Ce livre est intéressant mais quelque peu touffu. - B. Clarot sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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