La thèse centrale de l'ouvrage est la suivante: vers le début du 4e
siècle de l'hégire (soit le début du 10e s. de notre ère), le
discours théologique islamique atteint une cohérence interne et une
maîtrise de ses outils intellectuels telles qu'il estime pouvoir se
déployer sans craindre la compétition ou la critique d'autres
doctrines religieuses, chrétiennes en particulier. Dès lors,
l'examen d'éléments du christianisme représente moins un véritable
débat avec ses penseurs qu'une occasion de démontrer la supériorité
des enseignements de l'islam, dont le caractère raisonnable éclate
face aux contradictions qui minent les affirmations concurrentes.
Le message chrétien cesse d'apparaître comme porteur d'une
proposition de salut, laquelle n'est plus prise en considération;
il se réduit à des thèses, notamment sur la Trinité et
l'Incarnation, dont on peut aisément montrer la nature fallacieuse
voire contradictoire, notamment par l'examen critique de l'usage
erroné qu'elles font de catégories telles que substance et
accident, attribut ou hypostase. Un indice de cette évolution est
que les sources chrétiennes sont de moins en moins présentes (même
si l'on cite encore des textes évangéliques à propos des miracles
de Jésus): les questions relatives à la Trinité ou à l'Incarnation
se réduisent à des thèmes qui relèvent désormais de débats internes
aux écoles théologiques de l'islam. L'ouvrage contient pour
l'essentiel l'édition arabe et la traduction anglaise de textes de
quatre docteurs musulmans: le mu'tazilite al-Nâshi' al-Akbar (m.
906), dont l'hérésiographie se fonde sans doute sur des sources
nestoriennes et que nous ne connaissons que par les extraits qu'en
conserve un auteur copte, examine surtout les questions relatives à
la Trinité; al-Mâturîdî (m. vers 944), fondateur d'une des écoles
de théologie sunnite, démontre que Jésus, malgré les miracles qu'il
opère, n'est qu'un messager humain; al-Bâqillânî (m. 1013),
théologien ash'arite, réfute les affirmations chrétiennes
concernant la Trinité et l'Incarnation; enfin 'Abd al-Jabbâr
al-Hamadhânî (m. 1025), dans le cadre d'un traité plus développé,
revient lui aussi sur ces deux thèmes. Chaque texte est précédé
d'une introduction et accompagné de notes abondantes qui
identifient sources et influences, éclairent des termes techniques,
fournissent les références bibliques et coraniques, signalent les
études spécialisées relatives à tel ou tel point. - J. Scheuer sj