Philippe Lefebvre, bibliste et dominicain, auteur de nombreux livres, nous fait découvrir une nouvelle fois l’actualité des récits bibliques. Les témoignages contemporains d’abus, d’emprises, de silence coupable sur des violences infligées dans l’Église sont ici revisités à la lumière des Écritures. Ce regard théologique sur la réalité des récents scandales s’avère salutaire car il met en lumière la logique de ces humiliations et de ces abus avec justesse et vérité. Il conduit le lecteur à un examen de conscience personnel et communautaire.

L’A. ne veut ni choquer ni minimiser : il vient toucher la chair du Christ dans ses blessures actuelles pour les faire percevoir à son lecteur. Il ne convient pas de faire taire les victimes : « fermer les yeux sur la présence des humiliés que le Corps du Christ nous met sous les yeux, c’est ne pas voir le Christ Lui-Même ». Pour déjouer la mécanique de l’emprise, Philippe Lefebvre nous engage sur le chemin de la fructification, de l’ouverture à l’autre, au tout Autre, par la libération de la parole. Ces méditations bibliques lui permettent ainsi de démasquer les dénis de parole, les discours creux ou les silences mortifères qui paralysent et détruisent des existences. Rendre la parole aux victimes, c’est apprendre à bifurquer vers le prochain en souffrance, à l’instar du Bon Samaritain ; c’est aussi faire un détour comme Moïse, pour rencontrer Dieu autrement. Dans un autre chapitre, les dispositions brutales des hommes envers les femmes ou les enfants sont relues à la lumière des indispositions de ces mêmes hommes envers Dieu. « Dans l’enfant soit respecté, soit bafoué, c’est le messie, ni plus ni moins, qu’on reçoit ou qu’on traîne à la croix. Telle est la logique que l’évangile fonde et déploie » (p. 136). De façon plus systémique, une analyse de l’épisode du possédé de Gérasa (Mc 5) examine les jeux de relations communautaires qui enferment les victimes et protègent les bourreaux. Finalement toute la violence qui traverse la Bible est une exhortation à contempler le Christ en sa passion ; le « Verbe s’est fait chair » pour nous guérir de nos silences tueurs ou de nos paroles perverses et criminelles. L’auteur engage chaque croyant à « parler vrai » (p. 245) selon l’Esprit de prophétie reçu au jour de son baptême.

Ce livre remarquable est une invitation à comprendre de l’intérieur, avec la Parole de Dieu, ces affaires d’abus qui traversent l’Église. Il dispense des clés de lecture importantes pour accueillir l’actualité ecclésiale des prochaines années avec réalisme, prophétie et espérance. — C. Scrive f.m.j.