Le métaphysicien, mystique et poète espagnol Fernando Rielo (1923-2004), fondateur de l’Institut Id du Christ Rédempteur, Missionnaires Identès, est encore presque inconnu en France. Réjouissons-nous de cet ouvrage qui est le premier de ses écrits philosophiques à être traduit dans notre langue.

Inversant en quelque sorte le mouvement d’exitus-reditus, sa philosophie dessine un mouvement en trois temps. Elle se représente d’abord comme une anthropologie. La personne est elle-même rythmée par sa double nature : la nature créée, composée d’un corps, d’une âme (qui est commune aux vivants) et d’un esprit ; la nature mystique (ou transcendantale), qui est due à la divine présence en nous.

La philosophie de la personne ouvre donc ensuite sur l’Absolu, donc débouche sur une métaphysique. S’opposant radicalement aux métaphysiques parménidiennes de l’identité qui sont tautologiques, Rielo défend avec insistance une conception relationnelle de l’Absolu. Il précise deux points. Primo, la relation se présente d’abord comme un engendrement. Aussi cette métaphysique riélienne est-elle « génétique ». Secundo, elle n’avance pas comme une théologie trinitaire masquée, parce que seule la foi (le niveau hypernoétique) peut dépasser la raison (le niveau dianoétique) et poser un troisième terme en Dieu même.

Enfin, cette double vision, immanente et transcendante, ouvre sur une théologie trinitaire et une anthropologie de la filiation s’achevant sur une complémentarité intrinsèque, c’est-à-dire une communion, et conjurant le risque permanent d’égotisation, c’est-à-dire de repli sur soi.

La lecture de Rielo déroute à plus d’un titre : hispanique, il ne cloisonne pas des points de vue aussi différents, selon nous, que la métaphysique, la mystique et la poésie ; ayant intégré ses sources (comme Augustin, Thomas, Raymond Lulle, Blondel), il ne les cite plus ; poète, c’est-à-dire créateur, il multiplie les néologismes ; intuitif, il lance des idées (comme des classifications) plus qu’il ne prend le temps de les démontrer. Demeure une métaphysique de l’amour-don, tout en jaillissement, qui enrichirait l’élan blondélien et la dialogique bubérienne. — P. Ide