Voici que paraît en français une version allégée et, par quelques
compléments bibliographiques, mise à jour d'un ouvrage paru en
italien en 1995 comme tome 4 du Trattato di antropologia del sacro
dirigé par J. Ries. Ainsi que l'annonce son titre, le livre
s'attache à mettre en lumière les périodes de forte tension et de
transformation radicale que connaissent des religions exposées à
l'impact d'évolutions soudaines ou profondes de l'environnement
sociétal et culturel, mais bénéficiant de l'impulsion de grands
réformateurs ou refondateurs. L'ensemble se partage équitablement
en deux parties. La première envisage «quatre grandes traditions
religieuses anciennes»: Pierre Massein montre les ruptures et
mutations à l'oeuvre dans le bouddhisme, d'abord par rapport au
monde brahmanique, puis, plus brièvement, dans la différenciation
interne des trois «Véhicules»; Anne Cheng expose ce que l'humanisme
confucéen représente comme mutation de la conscience chinoise dans
l'Antiquité, avant d'évoquer plus rapidement le tournant du
«néo-confucianisme»; à propos d'Orphée et de l'orphisme, Dario Cosi
met en lumière la tension entre continuité et innovation; enfin,
Julien Ries décrit le projet de religion universelle de Mani, les
ruptures socio-religieuses qu'il implique et l'inévitable
confrontation avec le christianisme.
La seconde partie de l'ouvrage aborde en deux temps l'histoire de
la modernité occidentale. Jean-Claude Margolin évoque d'abord les
mutations de la conception de l'homme et de la sagesse «dans le
miroir de l'Humanisme et de la Renaissance», de Charles de Bovelles
à Luis Vivès et Montaigne, d'Érasme à Luther et Kaspar
Schwenckfeld. Il revient ensuite à Jean-Pierre Sironneau d'analyser
«la crise religieuse des Lumières» à l'enseigne de la rationalité
critique et du pluralisme, crise où l'on voit s'esquisser le
développement des religions séculières et les processus de
sécularisation et de privatisation. Olivier Clément, enfin, oriente
notre regard vers l'avenir: plongés que nous sommes dans «un
système de lecture d'un monde limité à lui-même, une sorte
d'empirisme du visible et de subjectivisme du plaisir» (277), au
bord d'une «immense implosion culturelle» (282) et alors
qu'éclosent de nouvelles religiosités, il est urgent de redécouvrir
«le Christ qui unit le divin, l'humain et le cosmique» (297). - J.
Scheuer sj