Dieu, à la limite de l'infini. Une légitimation du discours théologique, préf. J. Ladrière
Alain HouziauxTeología - reviewer : Ariane Monteil
La légitimation proprement dite du discours théologique s'effectue en deux temps: premièrement, définir et justifier les deux concepts de «niveau 2» qui relèvent purement de «l'intuition intellectuelle» au sens kantien et constituent les «reférentiels» extérieurs et inaccessibles à partir desquels se déploient le discours théologique; l'auteur recourt ici à une «analogie de relation» avec le processus de construction de la série exponentielle, qui converge vers le nombre transcendant e, alors qu'elle n'est composée au départ que de termes rationnels; après avoir ainsi fondé philosophiquement et rationnellement le concept de «Royaume de Dieu» et son corollaire «Dieu», il en vient dans une deuxième partie à justifier la démarche théologique qui consiste à recourir à ces concepts de niveau 2 «pour définir certaines vérités relatives au monde de niveau 1». La rationalité de cette méthode est établie d'un point de vue strictement formel, par «analogie» avec la situation décrite par le théorème d'incomplétude de Gödel et son corollaire démontré par Tarski., sur l'impossibilité de donner une définition de la vérité à l'intérieur d'une structure formelle sans avoir recours à un langage de niveau supérieur.Mais le pasteur Houziaux a tenu à déployer aussi toutes les conséquences de son travail à la fois critique et apologétique, en développant dans la troisième partie de l'ouvrage cinq énoncés théologiques, qui «sont une définition de l'histoire du monde par référence à la mesure première du Royaume de Dieu». Cette histoire reste sous l'emprise du péché, et nous offre de lire ici-bas seulement sur le mode de la «faille», de la contradiction, de l'absurde, la trace du Royaume ou la trace de Dieu. L'auteur se réaffirme ici dans la fidélité à sa tradition spirituelle, invoquant Luther, Kierkegaard ou Barth. Mais ces rapprochements peuvent laisser rêveurs. Imagine-t-on vraiment ces trois géants de la foi, entrer dans l'esprit de cette méthode «d'un rationalisme conquérant mais contrarié», qui ne voit en Jésus-Christ qu'un épiphénomène du Logos, et dans sa mort sur la croix la manifestation de l'impossibilité du royaume à s'accomplir, même en lui ? On peut s'interroger: si la «crucifixion du système de connaissance» chère au protestantisme n'ouvre pas l'accès à la résurrection de la foi en la personne vivante du Christ, de quoi se nourrit l'espérance chrétienne? - A. Monteil.