Dans le sillage du volumineux Dieu, « Celui qui est » (2016) et de la réédition de son ouvrage sur Les anges et les démons (2017), l’ancien secrétaire général de la CTI et l’actuel doyen de la Faculté de philosophie de l’Angelicum livre ici un traité sur l’œuvre de Dieu ad extra (la prédestination en moins), nous offrant ainsi un commentaire actualisé des q. 44-46, puis des q. 90-118, et achève de couvrir le contenu de la Prima pars (le traité de l’homme en moins). L’ordre suivi épouse moins strictement l’organisation de la Summa theologiae que le précédent volume et prend en compte les infléchissements dus aux développements historiques (Providence et liberté) et aux questionnements contemporains (l’évolution, le miracle, etc.). En particulier, après avoir traité la création (section i) et la Providence (section ii), l’A. consacre toute une section (iii) à la question du mal.

Sans surprise, si les trois sections commencent par deux chapitres de théologie positive sur l’enseignement des saintes Écritures et de la Tradition, la détermination théologique, elle, se fait toujours dans la perspective thomasienne. L’A. procède avec l’érudition (70 pages de bibliographie), la précision, la pédagogie et l’humour qu’on lui connaît – sans oublier ses convictions, en particulier l’action immédiate de Dieu au cœur de l’action des créatures (chap. 14) et la réponse profonde et originale de Thomas sur le concours (versus la concurrence) des libertés incréées et créées (chap. 15). Plus inattendu, alors que, dans les précédents livres, il se contentait souvent d’une topique limpide et respectueuse des questions disputées thomasiennes (p. ex., la peccabilité de l’ange), il prend ici résolument parti non seulement dans le débat introduit par l’Open theology (dont le p. Jean-Baptiste Lecuit est un représentant continental), mais au sein de la disputatio entre thomistes contemporains (sans, étonnamment, citer la position du père Margelidon ni développer celles des pères Jean-Hervé Nicolas dernière manière ou Valuet). Il la résume dans le dilemme puissant et fameux énoncé par le p. Garrigou-Lagrange : « Dieu déterminant ou Dieu déterminé ». Comme son illustre prédécesseur (lui aussi consulteur à la Congrégation pour la doctrine de la foi) et avec la même argumentation (fondée sur l’acte d’être enveloppant ses déterminations et donc en appliquant la motion divine non seulement à l’exercice, mais à la spécification de l’acte libre), il opte pour le premier membre de l’alternative, donc en faveur du thomisme dit banézien et du décret permissif antécédent. Sans pour autant, dans sa conclusion, répondre de manière convaincante à l’objection insistante relative à l’innocence de Dieu et à son non-interventionnisme vis-à-vis des damnés. — P.I.