Dieu et le pouvoir. Théologie et politique en Occident

Jean-Claude Eslin
Moral y derecho - reviewer : Leclair
Philosophe et sociologue, professeur à l'École Européenne des Affaires, J.- Cl. Eslin nous offre ici un excellent aperçu en 24 étapes sur Dieu et le pouvoir en Occident à partir d'Aristote et de l'histoire d'Israël jusqu'à nos jours. Il pointe trois dates-charnières: 410, sac de Rome par les Wisigoths ariens; 1789, séparation de l'Église et de l'État et déclaration des droits de l'homme; puis curieusement 1933 où catholiques et protestants allemands s'inclinent devant Hitler et cèdent au totalitarisme. Si les tensions entre l'Église et l'État sont assez bien connues, la période contemporaine avec Hitler est plutôt méconnue et attire notre attention. Ce point mérite d'être résumé ici.
Avec les États totalitaires, le pouvoir politique devient monstrueux et le pouvoir religieux apparaît trop faible pour réagir vigoureusement. Le pouvoir totalitaire se veut sans limites et sans critiques. On ne comprend toujours pas comment on a pu si facilement accepter de renier les libertés. Très habile, Hitler a menti effrontément pour tromper le Pape et les chrétiens sur ses intentions à leur égard. M. Weber avait bien jugé que les Allemands étaient excessifs dans leur obéissance à l'autorité. Mais ce fut vrai aussi à cette époque de l'Église orthodoxe et des catholiques français. En outre la branche libérale des luthériens allemands était déjà gagnée aux idées nazies. C'est le calviniste suisse K. Barth qui réagit le premier avec vigueur. Les Églises quant à elles n'ont pas su ou osé s'opposer publiquement au pouvoir nazi criminel en dehors de l'encyclique de Pie XI en 1937 Mit brennender Sorge et de quelques fortes personnalités catholiques et protestantes. Sur le plan pratique, le fascisme et le nazisme ont berné l'Église catholique braquée contre le communisme athée. Les autorités n'ont pas même songé ou osé rappeler le devoir d'obéir d'abord à sa conscience. De plus on distinguait mal le totalitarisme des simples régimes autoritaires du passé. Vatican II a tardivement admis la liberté de conscience religieuse mais sans donner un enseignement explicite sur l'État et l'obéissance à ses lois.
Eslin conclut que la dualité des principes d'autorité a été plutôt source bénéfique de dynamisme pour l'Occident. Encore faut-il que les Églises et les États restent des pouvoirs assez forts. Aujourd'hui le libéralisme triomphant affirme la primauté des droits individuels et de la société civile sur la société politique, ce qui déclasserait les problèmes de l'Église et de l'État. Mais il oublie que le libéralisme américain sur lequel on se base suppose la religion et une morale. Le relativisme moral menace dangereusement la religion en Occident. Que nous réserve l'avenir?…
De facture très classique, ce livre aide à voir plus clair dans une question complexe, mais sans préjuger du futur. - G. Leclair.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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