Le dossier réuni par Laurent Sentis nous propose l’histoire de ce concept hérité des stoïciens, mais, à ce point remodelé en fonction de l’anthropologie biblique, qu’il en est devenu une originalité de la pensée chrétienne. Il désigne, plus encore que l’indépendance du jugement, une capacité d’initiative (en particulier en vue d’assurer une gouvernance de la terre). Comme tel, il est fort proche de celui de liberté, au risque de s’y confondre, ce qui finira par arriver à partir de Descartes, permettant ainsi ses développements dans le champ politique, en dessinant une anthropologie de l’homme comme individu libre dans une société conçue comme une association de tous, où chacun accepte dans un contrat de limiter sa propre liberté.

Sans doute le libre-arbitre avait-il perdu sa clarté et sa pertinence dans les débats théologiques qui agitèrent le xvi^e s. Dès l’Antiquité, avec Augustin entre autres, on s’avise de penser un libre-arbitre contaminé par le péché qui le blesse et l’affaiblit sans pour autant l’annuler. Position périlleuse qui doit honorer le rôle voire la nécessité de la grâce, mais aussi penser la possibilité d’une action bonne privée de celle -ci : c’est le problème épineux de la vertu des païens. Le concile de Trente tentera une solution médiane, mais la suite, avec les conflits incessants qui mettent aux prises les diverses écoles – baïanisme, molinisme, jansénisme – requérant l’absolue puissance de la grâce ou défendant la liberté de l’homme en son autonomie, montreront l’impossibilité d’une solution aisée et satisfaisante. En effet ne touche-t-on pas là le paradoxe des relations entre l’infini désirable et la finitude ineffaçable : oxymore qui définit la condition humaine en régime chrétien. À l’abri de ces controverses insolubles, l’A. en revient à la conception d’une capacité d’initiative, tout à fait recevable en modernité. — F.M.