Et si c’était la fin d'un monde... Enquête et entretiens sur la loi bioéthique 2020

Martin Steffens Loup Besmond de Senneville
Moral y derecho - reviewer : Xavier Dijon s.j.

Le journaliste spécialiste des questions de bioéthique à La Croix et le philosophe chroniqueur unissent ici leurs plumes. Le premier pour décrire, de 2017 à 2020, le processus par lequel sont passées les lois bioéthiques françaises pour répondre aux demandes sociétales en matière de procréation médicalement assistée, de gestation pour autrui, ou de fin de vie, tout en cherchant à garder un climat aussi « apaisé » que possible. Le second, interrogé par le premier, prend ensuite de la hauteur par rapport à ces campagnes médiatiques, ces dîners discrets et ces jeux de lobbies, pour donner quelques points de repère à propos de la situation ainsi décrite. Le philosophe insiste, d’une part sur le déjà-là de l’humain en deçà des modèles qui cherchent à le lire, d’autre part, sur le surcroît que représente n’importe quelle personne par rapport à toutes les théories éthiques énoncées sur elle.

Au modèle physique de Hobbes, dans lequel l’individu poursuit sa course aussi longtemps qu’il ne rencontre pas l’obstacle que représente autrui, M. Steffens préfère le modèle biologique d’Aristote et de la Bible où la vie (bio-) se comprend comme lien à l’altérité (-logos) : ainsi notre corps est-il la parole première avec laquelle il s’agit de se réconcilier, et la mort naturelle est la « politesse métaphysique » qui laisse place aux générations suivantes. Comment alors le chrétien se situera-t-il dans une société qui, au gré des lois bioéthiques, s’écarte toujours un peu plus de cet en-deçà proprement humain ? M. S. refuse tant le mutisme qui prive le monde de l’appel prophétique à la joie, que l’idéologie qui se raidit en confondant une cause et une personne. Les règles de l’Église sont là, dit-il, pour permettre aux hommes de jouer à fond le jeu de la vie. Ces pages sont belles.

On s’interroge tout de même sur deux points. 1) M. S. semble voir une contradiction chez les personnes qui s’opposent à la fois à l’avortement et à l’extension de la PMA (aux femmes seules et aux lesbiennes) : si la vie est si précieuse qu’il n’est pas permis de la faire avorter, ne peut-on pas admettre alors qu’elle advienne en laboratoire pour répondre aux désirs de femmes en mal d’enfant (p. 179) ? Mais qui ne voit la différence des hypothèses ? Dans le premier cas, la vie est déjà là et il s’agit de la protéger ; dans le second, on veut créer de toute pièce un enfant sans père… 2) Alors que le journaliste lui demande si les rites que pratique le prêtre belge Gabriel Ringlet sur les patients qui vont être euthanasiés n’encourent pas le reproche de cautionner le geste de mort, le philosophe répond curieusement en évoquant le martyre de celui qui se met dans la gueule du loup : « Mâchoire supérieure : ceux qui l’accuseront de cautionner l’euthanasie. Mâchoire inférieure, ceux qui, voulant oublier la mort, affirmeront que le rite n’est pas nécessaire » (p. 226). En réalité, le véritable « martyre » (témoignage) ne porte-t-il pas plutôt sur l’accompagnement des souffrances du Christ dans la personne du mourant, y compris par les rites sacramentels qu’offre l’Église à ses enfants ? — X. Dijon s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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