Exegetical Crossroads. Understanding scripture in Judaism, Christianity and Islam in the pre-modern Orient
Regina Grundmann Elias Kattan Karl Pingéra Georges TamerReligiones - reviewer : Jacques Scheuer s.j.
Rassemblant seize contributions, ce vol. est l’aboutissement d’un colloque à l’Univ. d’Erlangen (2014). Fondées sur une révélation divine, une foi monothéiste et un rapport essentiel à l’Écriture, les communautés juives, chrétiennes et islamiques du Proche-Orient n’ont cessé, durant l’Antiquité tardive et le Moyen Âge, de se démarquer mais aussi de s’influencer mutuellement, de manière consciente et explicite ou de manière diffuse. Cela est sensible en particulier dans les interprétations de leurs Écritures respectives pour l’édification des croyants mais aussi dans la lecture critique des Écritures des autres, à des fins de controverse et d’apologétique. Loin de constituer un bloc homogène, chacune des trois traditions interprétatives est traversée par des clivages linguistiques, sociaux, culturels et doctrinaux. Une étude fine de cas particuliers montre que les « carrefours » annoncés dans le titre du colloque et de l’ouvrage sont le lieu d’interactions complexes et mouvantes. Ainsi le voisinage de l’islam peut-il éclairer le développement de nouvelles herméneutiques juives dans des milieux gaoniques et karaïtes.
Parmi les thèmes scripturaires (et apocryphes) examinés chez des auteurs particuliers, signalons Adam et Iblîs, la destruction de Sodome, Moïse et Pharaon, le miracle de l’enfant Jésus parlant dès le berceau. Mais le recours aux Écritures est également présent dans l’historiographie (p. ex. la rédaction, dans l’Égypte sous pouvoir musulman, de l’Histoire des Patriarches d’Alexandrie) ou dans l’exhortation morale (tout comme l’exil à Babylone, la soumission au « dur joug des Arabes » représente un châtiment divin).
La connaissance de ce passé complexe peut éclairer les délicates relations interreligieuses d’aujourd’hui : entre juifs, chrétiens et musulmans, rien n’est tout à fait étranger ni tout à fait commun. En témoignent, alors qu’il est de bon ton d’évoquer les trois « religions abrahamiques », les interprétations singulières de la figure de ce patriarche, notamment comme fondateur de lieux de culte. – J. Scheuer s.j.