Helmut Thielicke, une théologie pour le bien de l'éthique

Dominique Greiner
Teología - reviewer : Markus Kneer

Dominique Greiner, religieux assomptionniste, moraliste et rédacteur-en-chef du journal La Croix, ouvre cet ouvrage avec la question de savoir pourquoi le lien traditionnel entre la théologie et l’éthique est rompu. À côté des malentendus entre l’Église et la société (p. ex. autour de l’encyclique Humanae vitae), il constate la dissolution d’une vue globale de la vie morale dans des éthiques sectorielles (représentées par les études des cas). Et le choix pour l’éthique chrétienne serait : argumenter comme les autres et se dérober de son originalité ou argumenter en chrétien et parler une langue privée (et par conséquence disparaître dans les débats publics). L’A. propose une solution à partir des éthiques sectorielles qui se sont développées depuis quelque temps. Par la « proximité avec les pratiques » apparaît une chance pour la réflexion théologique pour éviter l’alternative « vicieuse » entre « éthique de la foi » et « éthique autonome » (p. 16). La thèse soutenue porte « sur la posture que doit tenir le théologien moraliste dans l’espace public pour ne pas être confondu avec le philosophe et l’éthicien naturel. Il s’agit de montrer que l’éthique chrétienne, dans la particularité de son statut confessant, peut éclairer de manière universelle l’action humaine, et que la théologie morale peut tenir son projet de bout en bout : rester à la fois vraiment éthique – c’est-à-dire en capacité de soutenir l’agir humain – et vraiment théologique » (p. 16). L’A. identifie le théologien luthérien allemand Helmut Thielicke (1908-1986) comme un bon exemple pour développer son propos, parce que ce dernier – qui a eu au début un profil de dogmaticien – s’ouvre par l’expérience du nazisme sur des questions éthiques et publie avec son Theologische Ethik un ouvrage majeur de la théologie luthérienne du xxe siècle. L’A. analyse l’œuvre du dernier en six chapitres qui sont marqués par les contextes divers dans lesquels le professeur hambourgeois s’engage. Ses interventions dans l’espace public (sur des questions de l’économie, de la politique et de la médecine, chap. 1) mènent à la question fondamentale : Comment formuler une éthique chrétienne dans un monde sécularisé ? – contre le libéralisme et le barthisme à la fois (chap. 2). Le chap. 3 problématise l’anthropologie théologique relationnelle de Thielicke qui doit faire ses preuves dans des situations-limites à partir desquelles se construit une « éthique de l’improvisation » et du compromis (chap. 4). Posant la question « de la portée publique de la foi », l’A. peut conclure que l’anthropologie très formelle de Thielicke « s’enrichit » par sa pensée du politique qui enracine sa vision de l’être humain de plus en plus dans l’historicité concrète (chap. 5). Si l’approche théorique de Thielicke n’est plus très présente aujourd’hui, son engagement comme prédicateur se réjouit encore d’une vive postérité qui est due au fondement existentiel de sa prédication (chap. 6). En somme, cette analyse montre que le théologien doit tenir la tension entre les exigences de la foi et les situations de ce monde pour ne pas laisser disparaître le but de toute action humaine : « que le bien n’est pas illusoire » (p. 270). Cette capacité de médiation et de transfert justifie la présence des théologiens dans chaque Comité d’Éthique national ou local. — M.K.

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80