«Humanisme intégral» (1936) de Jacques Maritain

Philippe Chenaux
Filosofía - reviewer : Jelinkovà
Philippe Chenaux dans son livre récemment publié sur l'Humanisme intégral de Jacques Maritain prétend présenter ce «livre de chevet de toute une génération des catholiques» dans son contexte historique. Le concept de la nouvelle chrétienté de Maritain, concept profane du temporel (en opposition au concept sacral du temporel), avec ses traits principaux: caractère pluraliste (liberté religieuse), autonomie par rapport à l'Église (caractère laïque de l'État), liberté des personnes, parité d'essence entre les gouvernants et les gouvernés, fraternité, est montrée comme «une étape décisive dans le cheminement de la pensée catholique qui va du Syllabus (1864) à la déclaration conciliaire Dignitatis humanae (1965)», mais aussi comme «un effort de concilier l'inconciliable», parce que comment tenir la pluralité, la laïcité de l'État si une neutralité confessionnelle n'est pas pour Maritain pensable? Une question qui n'a pas perdu de l'actualité.
L'Humanisme intégral porte des traits de l'époque des années 30 avec ses aspirations à un ordre nouveau, son espoir d'une société chrétienne fondé sur la primauté du spirituel (dans la ligne des enseignements de Pie XI), un chemin qui ne sera ni celui du matérialisme capitaliste et libéral, ni celui du matérialisme collectiviste et marxiste. À côté de l'idéal d'une nouvelle chrétienté avec son accent sur la liberté et avec son idée du pluralisme, un autre concept nous est présenté, celui d'Occident de H. Massis, concentré sur la sauvegarde de la culture romano-chrétienne. P. Chenaux montre bien comment ces deux concepts vont prendre différentes positions au cours de la montée du fascisme.
Suivant l'itinéraire de Maritain: sa jeunesse dreyfusarde et révolutionnaire, son adhésion à l'Action française, située dans son contexte historique (l'adhésion à l'Action française apparaissait à cette époque des difficultés entre l'Église et l'État comme le prolongement naturel de la conversion au catholicisme), montré dans son ambiguïté et qui sera pour Maritain le départ d'une réflexion renouvelé sur les rapports entre le spirituel et le temporel, les années de la guerre où Maritain devient un «apôtre de la démocratie et des droits de l'homme», n'abandonnant pas l'idéal de la nouvelle chrétienté mais lui donnant un contenu délibérément démocratique sous l'influence de son expérience des États Unis, l'aboutissement de sa réflexion sur les rapports entre le spirituel et le temporel dans l'Homme et l'État,… nous pouvons bien voir l'évolution de sa pensée politique.
Une partie intéressante de ce livre s´arrête à la réception des thèses de l'Humanisme intégral: les embarras et le refus dans les pays hispaniques qu'il a suscités avec sa position radicalement contre-franckiste à propos de la guerre en Espagne, la grande fortune de l'Humanisme intégral auprès des hommes politiques italiens dans l'immédiat après-guerre, son succès en Amérique du sud, l'héritage conciliaire de Maritain avec les deux thèmes essentiels de l'apostolat des laïcs et de la liberté religieuse.
Une mise dans son contexte historique et une présentation de la réception de l'Humanisme intégral peuvent nous aider de mieux comprendre son rôle dans son époque et son héritage aujourd'hui, et peut-être, comme le suggére l'auteur, à repenser les idées de Maritain aujourd'hui, au début de 21e siècle. - Klara Jelínková

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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