Il n'y a pas d'avenir sans pardon. Comment se réconcilier après l'apartheid?

D. Tutu
Moral y derecho - reviewer : Etienne Rousseau
Quelques années après le travail de la commission «Vérité et Réconciliation» qui avait pour tâche de faire la clarté sur les années de l'apartheid et ses méfaits, celui qui en fut le président en donne le récit.
Voici le contexte dans lequel, animateur d'un groupe pluriel par les convictions et les origines, il mena les débats: «Le mot ubuntu est très difficile à traduire dans une langue occidentale. Il exprime le fait de se montrer humain. Lorsque nous voulons faire connaître tout le bien que nous pensons de quelqu'un, nous disons: 'Yu, u nobuntu', 'Untel a de l'ubuntu'; ce qui signifie qu'il est tout à la fois généreux, accueillant, amical, humain, compatissant et prêt à partager ce qu'il possède. C'est aussi une façon de dire: 'Mon humanité est liée inextricablement à la vôtre'» (38s.).
Il sera peut-être difficile à l'Occidental, soucieux que la vérité soit faite, le mal dénoncé, et le coupable châtié, de saisir cette volonté d'une justice réparatrice. Mais elle seule permet d'apprécier le travail mené, le fait que l'explosion et la vengeance attendues ou craintes à l'extérieur n'aient pas eu lieu. L'A. s'en explique: «Je soutiens qu'il existe… une justice réparatrice qui était le fondement de la jurisprudence africaine traditionnelle… Le but recherché n'est pas le châtiment; en accord avec le concept d'ubuntu, les préoccupations premières sont la réparation des dégâts… la réhabilitation de la victime, mais aussi celle du coupable auquel il faut offrir la possibilité de réintégrer la communauté à laquelle son délit ou son crime ont porté atteinte» (59s.).
Rappelons que pour l'A., évêque anglican, la dimension chrétienne de son engagement dans la Commission était fondamentale. La dynamique qu'il a réussi à maintenir a fait école, et «… cela a encouragé d'autres Sud-Africains à choisir la voie difficile, mais finalement payante, consistant à 'détruire' ses ennemis en en faisant des amis» (175).
Même, il ose parfois reconnaître dans leur histoire quelque chose qui rapproche son peuple d'un autre, dont le «oui» à YHWH fut également fondateur. «Nous autres, Sud-Africains, étions ceux qui avions le moins de chance de parvenir à régler nos problèmes, et c'est pourquoi Dieu nous a choisis… afin de pouvoir dire: 'Regardez l'Afrique du Sud. Elle vivait un cauchemar appelé apartheid. Il est terminé…'» (276).
La lecture d'un tel ouvrage ne peut qu'interpeller, et même réveiller auprès des personnes, ou mieux des groupes qui s'y aventureront, le désir de se mettre à l'école de cette ubuntu, et de chercher à l'incarner au milieux des conflits qui jalonnent toute vie. Le lecteur de ce bel ouvrage ne manquera pas d'apprécier non seulement le coeur avec lequel le Prix Nobel de la Paix raconte, mais aussi son désir d'objectivité et de recul. - Ét. Rousseau.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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