Le P. Gerbillon fut un des «mathématiciens du roi» envoyés par
Louis XIV à la cour de Pékin en 1685 et qui inaugurèrent la mission
française des jésuites, entité indépendante de la vice-province
formée en Extrême-Orient par leurs confrères portugais. G. devint
en 1700 le premier supérieur de cette mission. Son action
évangélisatrice continua celle de M. Ricci, d'A. Schall, de F.
Verbiest. Au prix de recherches minutieuses Mme Y. de Th. de B. a
composé précédemment deux ouvrages savants sur les missionnaires
Ant. Thomas et Fr.-X. Doutrecolles (cf. NRT, 1977, 592;
1983, 113). Dans l'étude également érudite qu'elle consacre à G.,
les premiers chapitres relatent par le menu le voyage qui conduisit
celui-ci de Brest au Siam puis en Chine, ainsi que son intervention
à Nertschniski (1688), où il joua le rôle d'interprète mais aussi
de conciliateur dans les négotiations qui aboutirent au traité de
paix entre Russes et Chinois, ensuite les six voyages d'inspection
agrémentés de parties de chasse, pour lesquels l'empereur Kangxi
emmenait G. dans sa suite. Le souverain avait accordé sa confiance
au Père, qui lui enseignait les mathématiques, la géographie et la
philosophie, et il le couvrait, lui et ses compagnons, d'une faveur
exigeante et jalouse. En 1692 il promulgua l'édit de tolérance au
bénéfice des chrétiens, dont les effectifs se montaient alors à
environ 300.000. En 1700 les Pères obtinrent de Kangxi une
déclaration qui confirmait leur interprétation des rites
traditionnels comme dépourvus de signification religieuse.
Cependant cette position ne cessait pas d'être combattue. L'arrivée
à Pékin en 1705 de Maillard de Tournor, légat pontifical porteur
d'un décret de condamnation, plaça G. dans une situation des plus
pénibles. Il vit se refroidir la bienveillance de l'empereur,
personnellement offensé et qui en 1706 révoqua son édit de 1692. Un
chapitre particulier évoque les rapports amicaux que dans la
conjoncture G. entretenait avec les membres des Missions Étrangères
de Paris. Un autre souligne l'intérêt de sa correspondance. G.
apparaît comme médiateur d'une rencontre exceptionnelle entre deux
civilisations avancées. La lumineuse préface du P. O. Degrijse, des
Pères de Scheut, situe G. dans l'histoire de la mission de Chine.
Le volume comporte un important appareil scientifique: annotations,
bibliographie, chronologie, lexique, glossaires comparant
différentes orthographes des noms propres et des sujets, index de
ces termes. - N. Plumat.