Jean-Paul II. Témoin de l'espérance

G. Weigel
Biografías - reviewer : Albert Chapelle s.j.
«Biographie hors du commun d'un homme hors du commun.» Ainsi se présente cet ouvrage «accompagné par Jean-Paul II» «au cours de longs et réguliers entretiens». Publiée en même temps dans l'original américain, en italien et en français, cette somme est le résultat de cinq ans d'enquête et le fruit de très nombreux témoignages. Elle a bénéficié de textes et de documents diplomatiques inédits. Le livre demeurera une référence pour sa documentation et parce qu'il expose de manière authentifiée, sinon «autorisée» (p. 26), la vision que Jean-Paul II garde de son action et, pour une part, de sa vie.
Les six premiers chapitres sont consacrés à la longue vie polonaise de K. Wojtyla (1920-1978). Les grands traits en étaient connus, mais la richesse des confidences reçues et l'enquête sur le terrain permettent à un non-polonais de percevoir le climat familial et social, intellectuel et religieux de ces années dominées par la guerre, donc par la résistance au nazisme et au communisme. L'influence sur K.W. de la littérature romantique polonaise et de l'Université Jagellon s'en trouve éclairée. La première paroisse rurale de K.W., Niegowic, est rappelée, quelques poèmes de «Wujek», l'aumônier d'étudiants, cités et commentés. Le travail intellectuel de K.W. est présenté avec une juste sobriété sans pour autant dispenser des ouvrages de Buttiglione sur ses livres et de d'Ornellas sur sa contribution à l'élaboration de Gaudium et Spes. Le voyage de Wojtyla en Terre Sainte (5-15 décembre 1963) avant sa nomination comme archevêque de Cracovie était, sauf erreur, peu connu.
La seconde partie du livre (ch. 7-20) couvre le pontificat en suivant d'assez près l'ordre chronologique. Chaque chapitre est d'ailleurs introduit par une énumération détaillée et datée des faits étudiés. Il faut ici se borner à l'évocation d'événements moins ou mal connus. Le face à face avec l'URSS commencé avec la visite de A. Gromyko, le 24.01.79; les lettres d'encouragement aux Églises tchécoslovaques (02.03.79) et ukrainiennes (19.03.79) (p. 372-374); les «neuf jours qui changèrent le cours de l'histoire moderne»; le «pèlerinage» en Pologne de juin 1979 (p. 381s.); le pape polonais en France et le rendez-vous du Parc des Princes à Paris (p. 467-469; 481-484); la lettre à Brejnev pour défendre la souveraineté de la Pologne (p. 503-504); l'intervention chez les Jésuites en octobre 1981 (p. 525-531; cf. p. 575-578; 1024); la canonisation de M. Kolbe comme martyr (p. 530-532), les «séminaires» pontificaux de Castel Gondolfo avec des intellectuels (Lévinas, Gadamer, von Weizsacker, Ebeling) (p. 573-575). Les dialogues avec Gorbachev (p. 692-701) et avec Sakharov (1989, p. 693-695) confirmaient que pour Jean-Paul II, à la différence de bien d'autres, «aucun compromis stratégique n'était possible avec un système construit sur une vision de la personne humaine radicalement défectueuse» (p. 669). L'écroulement de «l'empire du mensonge» en Europe (p. 707), la lettre à Deng Xioping (p. 723) sont rapportées avec des précisions parfois inédites. La guerre du Golfe (p. 750) illustre la position diplomatique du S. Siège «vrai partisan des institutions de sécurité internationale» (p. 755) au risque de s'opposer aux Nations Unies.
L'ampleur de l'action pontificale apparaît dans la diversité des sujets: synodes, Catéchisme de l'Église Catholique, encycliques, établissement des relations diplomatiques avec Israël (p. 840-857), confrontation avec le gouvernement américain lors de la Conférence mondiale sur la démographie au Caire (p. 860-873). Le «moment crucial» (p. 851) du Grand Jubilé de l'an 2000 au temps d'une nouvelle «Église de martyrs» (p. 893) retient bien sûr l'attention de l'A.
Celui-ci note en finale des questions non résolues: Vietnam (p. 975), Sarajevo et Beyrouth (p. 977), les affres du dialogue avec l'orthodoxie (p. 980), la mémoire de la Shoah (p. 984). Les modalités d'élection du Pape en cas de décès ou de démission (p. 994) de son prédécesseur sont modifiées dans la Constitution Apostolique Universi Dominici gregis.
L'Épilogue (p. 1005-1034) dresse un bilan très réfléchi de l'impact de Jean-Paul II sur l'interprétation par l'Église de Vatican II et de sa mission d'évangéliste du monde plutôt que de gérant du Vatican. Les critiques «classiques» et «restaurationnistes» sont présentées par un laïc américain qui élargit les perspectives d'un lecteur européen. Les difficultés et impossibilités rencontrées par l'évêque de Rome sont énumérées sans en dissimuler le poids et le nombre: rencontre de l'orthodoxie, engagement dans l'oecuménisme, dialogue interreligieux, relation avec la République populaire de Chine, affrontement avec l'ONU sur les problèmes de population.
L'abondance des notes et références (p. 1035-1160), la liste des personnes rencontrées ou engagées dans la fabrication de l'ouvrage (p. 1162-1166) attestent l'importance de ce travail hors de pair. Justesse doctrinale et densité spirituelle assurent à cette histoire immédiate la pérennité d'un monument. - A. Chapelle, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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