Voici un ouvrage de haute technicité sur le plan linguistique. Il résulte de la collaboration entre deux professeurs de théologie à l'Université hollandaise de Nimègue, l'un bien connu par ses écrits de théorie littéraire et ses études sur les évangiles, l'autre en train de se faire un nom par ses essais originaux sur l'évangile de Jean et les lettres de Paul. Ils nous présentent en diptyque une analyse rigoureuse des récits de Lc 24, concernant «les apparitions et les disparitions» de Jésus ressuscité. Le défi relevé par les A. est d'appliquer à un texte de Luc une méthode basée sur la relation entre images visuelles et représentations mentales internes: confrontation entre exégèse du Nouveau Testament et «linguistique cognitive» scientifique.
Le premier chapitre expose les présupposés méthodiques en nous introduisant à la théorie de l'imaginaire mental. Suit une analyse minutieuse (conduite en trois étapes: déictique - perspective - relation entre figure et fondement) de Lc 23,54 à 24,12 dégageant les espaces mentaux successifs à travers le matériau narratif: démarches des femmes et leur visite au tombeau, vision des deux hommes et visite de Pierre. Le même type d'analyse est repris pour Lc 24,13-35 (pèlerins d'Emmaüs), puis pour Lc 24,36-53 (dernière rencontre de Jésus avec les apôtres). Ces passages sont traités alternativement par l'un des deux A. qui se retrouvent pour l'analyse d'ensemble, où ils surprennent les faits en train de se transformer en mots écrits.
À partir du chap. 5 commence une enquête de type sociologique sur le même texte, dont on aimerait mieux saisir le rapport avec la première approche. Ici encore, le modèle théorique est d'abord exposé, puis l'analyse comprend trois phases, reprises dans les chapitres suivants: l'importance du corps et le rite de l'inhumation, le statut du corps mort en relation avec l'âme et le corps, le vivant et les pleureuses ou la «présence sociale» de Jésus au-delà de sa mort. D'abord, les A. instituent une comparaison entre les funérailles du Christ et celles d'Auguste, d'après Dion. Ensuite, ils font état des différentes images que Lc donne des apparitions de Jésus, sans chronologie repérable. Enfin, ils étudient les manières dont Lc parle du corps du Christ pour signifier sa résurrection, et de son ascension pour dire un nouveau mode de présence du Ressuscité, à l'instar des «récits de rapt». Ils s'attardent à examiner comment le texte de Lc fut reçu dans le monde hellénistique, familier de ce genre de présentation dans les mythologies. Ils retirent de leur comparaison des notations précieuses concernant la divinité du Christ et son rôle de Sauveur.
Étude solide et sérieuse, sans nul doute, à laquelle nous aurions peut-être préféré une bonne analyse narrative. Pourtant, celle-ci n'est pas sans intérêt, car elle a l'incontestable mérite de replacer la lecture de Luc dans le cadre socio-culturel de l'hellénisme du Ier siècle. Sur le plan exégétique aussi, elle apporte des confirmations bienvenues; elle nous permet de reconstruire les images mentales que le rédacteur implicite de Lc faisait surgir dans l'esprit de ses lecteurs et elle nous rend attentifs à des particularités lucaniennes. Nous aurons sans doute encore besoin d'études comme celle-ci pour nous aider à franchir la distance culturelle creusée par 2000 ans d'histoire. - J. Radermakers, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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