L'abbé Suger, le manifeste gothique de Saint-Denis et la pensée victorine. Actes du Colloque organisé à la Fondation Singer-Polignac le mardi 21 nov. 2000, éd. D. Poirel

Col.
Historia - reviewer : Paul Detienne s.j.
Six conférences présentées à un colloque pluridisciplinaire (Paris, le 21 nov. 2000), où historiens de l'art et historiens de la pensée se sont penchés sur l'origine de l'art gothique, qu'ils considèrent non pas comme une continuation ou un épanouissement de l'art roman que de nouvelles techniques architecturales ont rendu possible, mais comme le renouvellement d'un art paléochrétien qui aboutit à une synthèse entre la tradition constantine et la conception romane. Ils étudient la première église gothique, la basilique de Saint-Denis, consacrée en 1144 par l'abbé Suger qui, dans ses écrits, en détaille l'ordonnance: architecture, sculpture, vitraux, ornamenta ecclesiae. Cherchant à déterminer le projet qui en sous-tend l'exécution, ils sont conduits à considérer des parentés entre ce qu'ont de spécifique (ce qui les démarque de leurs devanciers et contemporains) d'une part les orientations intellectuelles de l'école de Saint-Victor (abbaye proche de Saint-Denis) telles qu'elles sont exprimées dans les oeuvres d'Hugues († 1141), et d'autre part les tendances architecturales de l'art gothique.
Ils retiennent trois convergences: la recherche de la clarté, de l'unité et du rythme. À la clarté dont les fenêtres allongées vers le haut inondent l'édifice correspond un des thèmes fondateurs de la pensée d'Hugues: voir l'invisible (cf. son commentaire de la Hiérarchie céleste du Pseudo-Denys). À l'unité manifestée dans l'édifice par l'effacement des cloisons intérieures correspond un autre thème omniprésent dans l'oeuvre d'Hugues, p. ex. dans le de Sacramentis, cette première somme de théologie médiévale, qui cherche à unifier la doctrine sacrée autour d'un thème unique.
Au rythme produit dans l'édifice par un réseau homogène de fines nervures qui parcourent les voûtes et redescendent en colonnettes correspond le goût d'Hugues, pour ne pas dire sa manie, des divisiones et partitiones. Notons spécialement la division tripartite tant chez Hugues (vingt-quatre titres d'écrits hugoliens comportent le chiffre trois) que dans l'édifice gothique (les trois nefs, les trois niveaux de l'élévation intérieure, le triforium, les ouvertures trilobées…).
Restent à étudier les points de contact entre les deux abbayes, géographiquement proches, et les rapports littéraires entre l'oeuvre de Suger et celle d'Hugues. - P. Detienne, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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