Mgr André Léonard aime écrire et sa bibliographie est impressionnante. À travers son regard et son action, nous parcourons de manière transversale les 50 dernières années de la vie intellectuelle de l’Église catholique occidentale. Nous avons ainsi le témoignage des nombreux débats disputés de notre époque. Ce témoignage est très personnel et nous montre la passion que l’on peut éprouver dès l’adolescence pour la vie intellectuelle, particulièrement la philosophie, et sa permanence durant les principales étapes de la formation du futur prêtre. Nous sommes témoins aussi de la rencontre avec Hegel et de la fascination pour cet auteur mais aussi des clés de lecture fournies par le grand intellectuel jésuite A. Chapelle. Le discernement était nécessaire face à une telle pensée totalisante et négatrice de la foi, surtout durant le travail de doctorat d’André Léonard. Enfin sa découverte d’un des plus grands théologiens de cette période en la personne du père Hans Urs von Balthasar. Par lui, la porte fut ouverte à la profondeur théologique du mystère pascal et au caractère incontournable de l’Écriture sainte qui est un tout autre langage que celui des concepts philosophiques.

L’A. fut un professeur remarquable à Louvain-la-Neuve où il rendit service à de nombreux étudiants et chercheurs. La clarté de ses exposés et sa vaste culture purent éclairer pas mal d’intelligences et de réflexions. Au séminaire Saint-Paul, il était aussi à pied d’œuvre pour une pastorale de l’intelligence et l’éveil des esprits aux enjeux des doctrines de l’époque. Enseigner, écrire, dialoguer avec des jeunes universitaires, telle était la joie d’A. Léonard.

Lire ce livre, c’est entrer concrètement dans les soubresauts de l’Église de ce temps : ainsi parle-t-il du « méta-concile » et des contestations de la doctrine morale (cf. Humanae vitae), de la place de la femme dans l’Église, des sacrements de l’initiation et du mariage, etc. Les débats sont âpres et tendus, mais l’A. ne les fuit pas et nous en rend compte. Cette vie intellectuelle tumultueuse va prendre un nouvel élan lors de sa nomination comme évêque de Namur (il en a déjà parlé longuement dans le livre Journal d’un évêque de campagne, 2019) et puis comme archevêque de Malines-Bruxelles. Comme naturellement, les historiens trouveront, dans cet écrit, de nombreux témoignages de ses échanges privilégiés et simples avec le Cardinal Joseph Ratzinger et le pape Jean-Paul ii. Le pape François est respecté dans la mission exercée, mais peu compris et peu connu : il reste comme une énigme « jésuite » pour l’A. Le livre n’est pas exempt non plus de prises de position pastorales et liturgiques. Il nous décrit pour finir sa vie de « retraité » en France et ses joies sacramentelles dans un contexte entièrement différents. Certainement cette relation autobiographique avec ses harmoniques intellectuelles dessine-elle une personnalité qui ne laisse personne indifférent dans la vie menée et les réflexions offertes. — A.Mt.