L'illustration qui orne la couverture du livre - la femme à la
balance, de Vermeer - annonce déjà une oeuvre équilibrée. Car
la mort est à la fois redoutable, puisque nous sommes faits pour la
vie, en même temps que désirable, puisqu'elle renvoie - en
creux - à l'Autre qui, précisément, donne la vie. Sur le
premier plateau de la balance, l'A. entend donc dénoncer
les sagesses de camomille qui prétendraient
réconcilier à trop bon compte l'homme avec sa mort. Le vivant, en
effet, ne peut que se hérisser si la consolation qu'on lui propose
consiste à dissoudre son individualité dans
le Tout dialectique ou dans
le nirvana bouddhique. Non, la blessure est
réelle (mortelle, même !) : qui donc pourrait en accepter
le scandale ? Par ailleurs, sur le second plateau, il faut
pouvoir laisser venir une autre Présence qui nous relèvera de ce
néant. Comment ? En exerçant, tout au long
des petites morts de l'existence, le renoncement
à être le tout que nous aurions voulu être. Conduit par la pensée
de deux juives, Etty Hillesum et Simone Weil, l'A. décrit cette
attitude intérieure qui finit par laisser toute la place à l'Autre,
de telle sorte que le fléau philosophique de la balance indiquera
l'équilibre des deux plateaux lorsque les humains se réconcilieront
avec leurs limites ; mais la Modernité voudra-t-elle emprunter
cette voie ? Peut-être faut-il compter déjà sur la joie de la
résurrection et la comparution au jugement dernier de l'Amour pour
oser s'y engager à plein coeur. Un ouvrage à méditer, avec de
belles trouvailles : « La condition nécessaire et
suffisante pour que la vie ait un sens, c'est que le
« Rendez-vous ! » de la mort, par lequel il faudra
tout remettre, soit aussi un rendez-vous » (p. 198). Car
l'éternité est bel et bien reçue. -
X. Dijon s.j.